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Arsène P. Brisette

Chambre 5

Il Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus

Mardi 25 août 2020

Cette journée ne manque pas d’intérêt mais il est déjà 7 heures du soir, je vais aller manger.


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Mardi 25 août 2020, minuit, l’heure du crime !

Ô carnet ! Gardien de mes confidences, il est temps que la gastronomie abreuve tes fibres du noir de ses arabesques.

Comme quoi, c’est un danger de donner à écrire à un gars comme moi… Qui écrit encore de cette façon aujourd’hui ? Pourquoi, en plus des imprécateurs, ne pas y convoquer des thuriféraires, des sycophantes, des sybarites ou des anachorètes ? Avec alacrité ou componction, souffrant de syllogomanie en ce qui concerne les mots et les sentences ?

C’est un luxe de se laisser griser par un code, une suite de signes, dont l’assemblage renvoie à des significations connues de certains Initiés, Nadir de l’hubris ou mascaret de fange ? Tu brasses et tu torréfies la moisson de mots et de verbes ou d’adjectifs (des cons ceux-là, un peu comme les adverbes, en ce moment je ne peux pas les blairer) que tu as chopé dans tes lectures, du Farhenheit, de la touille et de la manivelle… Et qu’est ce qui sort ? De la merde…

Et je peux dire : « Merde Célestine, tu me fais chier, tu m’emmerdes ! » ou « Célestine, le dégoût de votre présence n’a d’égal que le plaisir de n’y être point ». Choderlos ! Mon maître ! Sors-nous de la médiocrité ! Avec toi la clarté est partout, même dans les recoins à l’écart des candélabres (qui se délabrent)…

Et mon ami St Ex ! Pas l’aéroport de Lyon ! Le type qui survole la littérature en France ! Oui « Car j’ai vu trop souvent la pitié des hommes s’égarer ». Il a tout compris Antoine… J’ai envie de chialer, je pense au jeune, Nicolas si j’ai bien entendu « Nicolas tu regarderas ton portable plus tard », croisé à la réception… Le genre de loque à terre qui se traine avec un regard d’abruti au désespoir de ses géniteurs que le malheur frappe avec délectation et persistance. L’Adominable Homme des Neiges. Mais profite, espèce de larve ! Lâche ton bouzin, le connard ! Tu sauras jamais ce que ça fait de s’asseoir sur une souche (de cèdre c’est mieux) avec Citadelle, chassant une fourmi du mollet, sans regarder, car tu es en train de comprendre la grandeur de la bassesse de l’humanité ! Espèce de buse…

Célestine la connasse ! Ma veulerie m’a rempli de lâcheté (ça veut dire quelque chose ?) et j’ai accepté que la maison (le palais, le musée, la succursale, le dortoir, le restaurant, le bureau) ne soit pas recouvert de livres. Bien sûr, j’ai ma bibliothèque, mais elle se terre derrière des panneaux de bois dans le fond de mon antre. Et la Bibliothèque d’Apparat, dans le salon. Un carré de Pléiades, une bible (sur un Lutrin, ça fait de l’effet quand le Primat des Gaules ou un de ses acolytes vient à la maison), des ouvrage en Anglais sur la Finance, quelques livres d’Art et d’Architecture que la Conchita de Madame époussète avec soin. Une maison, un foyer, un nid, un cocon… il faut du désordre, mais pas trop, de la vie des livres, des meubles en bois, l’odeur de la cire, une cave et un grenier, de la poussière aussi, des photos au mur, de guingois, mais des livres, des livres et nous, des malles !

C’est le crépuscule des crapules ! J’en ai marre de cette comédie, je vais me coucher.


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Mercredi 26 août 2020

In vino veritas, le précepte est plein de justesse.

Hier soir, je voulais parler de la gastronomie de l’Auberge, il faut croire que l’abus de boisson m’a entraîné vers des profondeurs qu’on ne souhaite pas sonder.

J’ai profité du restaurant, en solitaire, la tablée ce sera pour Lundi, je crois. Pas posé de questions, j’avais accumulé trop de fatigue, c’était le moment de décompresser… L’ambiance de ce restaurant me plait, la cheminée donne envie de revenir en hiver pour la voir flamber, la décoration affiche une sobriété de bon aloi, la main d’une femme est passée par là, des touches de couleur, des éléments et bibelots choisis avec goût. La patronne faisait le service, je lui ai fait part de mon appréciation et de l’adéquation du lieu avec le type de clientèle.

Les nappes et serviettes en tissu transforment vraiment l’expérience. La carte étale sa variété (méfiance) mais s’appuie sur des produits des environs (confiance). La Direction a eu l’intelligence d’y apposer des pictogrammes de danger. Une poire et un brocoli ( ?) indiquent avec clarté, les plats à éviter pour un travailleur de la ruralité. Cela facilite le choix. Donc la Salade (surtout si elle vient de Lyon !) en entrée, l’Assiette (surtout si elle vient de la région de Comté) et le Pain d’épices (surtout si une boule de glace l’accompagne). Jusque-là tout est clair.

J’ai voulu expérimenter la carte des vins et spiritueux…

Par curiosité, j’ai voulu tester le Pontarlier-Anis, le pastis du coin que les gens apprécient. Pour garder ce sens de la fête, j’ai ensuite opté d’accompagner la salade par un Crémant du Jura. Ma foi, ça passe crème le Crémant. Et ça vaut un Champagne.

Après pour le plat de résistance, l’Assiette, mon choix s’est porté sur la moitié d’une bouteille de ploussard (un cépage de l’AOC d’Arbois, produit par Daniel… j’aurais dû garder l’étiquette). Si je considère la situation avec objectivité, j’étais encore dans des dispositions qui ne prêtent pas à conséquence… S’accorde à merveille avec le jambon et la saucisse, le Bleu de Gex… Des accords qui se répondent. Une adresse à retenir, j’irai voir s’ils sont sur TripAdvisor.

C’est après où j’aurai du faire attention. Avec la fatigue, je n’ai pas senti que mon esprit vagabondait et que l’Érinye, fille de Mégère, rodait en cercles autour de moi (all my troubles seemed so far away, now there is a shadow hanging over me). La diversion de ce pain d’épices d’une texture, d’un moelleux, d’un parfum que je n’avais jamais rencontrés m’incita à y associer un vin de paille, un Côte-du-Jura, sous l’œil de la patronne qui me scrutait avec circonspection (va-t-il s’effondrer sur la table ? va-t-il vomir sur le tapis ? va-t-il déclencher un esclandre ?). Le calme et la maitrise que j’affichais dû la convaincre et elle m’apporta le flacon. Avec la glace, encore une réussite.

Dans ma torpeur, glissant en avant sur le fauteuil, les mains en croix sur le ventre, fermant à moitié les yeux, j’imaginais Célestine en train de critiquer la vaisselle et le décor. Une vague de colère monta en moi, je sursautai, fermai le poing brièvement dans un sursaut (je ne pense pas que l’on m’ait remarqué). Je crois que j’ai murmuré par devers moi : « Mais dégage connasse !». Là encore, cela a dû passer sans que l’on m’observe.

Pour le coup, j’ai demandé un café, le restaurant commençait à se vider, je crois qu’il restait encore des convives. Et pour emmerder Célestine qui n’aime pas que « je me laisse aller », j’ai pris le digestif aux bourgeons de sapins, emblème de la région dans le cœur des buveurs.
Il me semble avoir remercié la patronne.

J’ai regagné ma chambre mais je ne sais plus ni quand ni comment, mais en me relisant ce matin, j’ai compris que ma lucidité était moins forte que ma colère.

Aujourd’hui levé après les poules, programme nature et marche dans les environs. Beaucoup d’eau. Il faut que j’arrête, tout, ce n’est pas bon pour moi. J’ai à faire, je ne peux pas continuer comme ça.

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