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Lisa

serveuse

Une promesse

Enfin je te retrouve ! Sache, petit carnet, que je t’ai cherché longtemps avant de partir en promenade samedi dernier. J’ai fini par y aller sans toi et par emporter mon autre carnet, celui pour les notes en vrac. Tu étais donc caché sous mon lit, j’ai dû m’endormir en écrivant et te laisser tomber – vu les dernières lignes notées, ça me paraît cohérent. Toujours est-il que tu n’étais pas là pour faire la Grande Boucle avec moi et, crois-moi, tu as raté quelque chose. Le paysage est magnifique, le lac bleu au milieu des milliers de nuances de vert des prairies et des forêts, le soleil qui scintille sur l’eau, c’est assez époustouflant quand on prend le temps de regarder. J’ai bien marché, puis je me suis arrêtée sur le bord du lac, à un endroit où il n’y avait personne. Je savais que s’il y avait des gens, j’allais me mettre à discuter avec eux et ça allait être fichu pour la concentration. Et comme ce roman ne s’écrira pas tout seul… Parce que tu vois, je me suis rendu compte d’un truc : j’adore les rencontres, j’adore parler à tout le monde, mais de temps en temps, si je veux rentrer dans mon monde et le faire vivre vraiment, j’ai besoin de m’isoler. Je me suis donc assise au bord du lac, j’ai sorti mon carnet et j’ai commencé à noter toutes les idées qui m’étaient venues depuis que j’avais quitté l’auberge. Au départ, j’avais pensé mettre à profit la marche pour faire le vide, m’imprégner de l’atmosphère, mais tu sais bien que la méditation, c’est pas trop mon truc. À la place, j’ai tourné et retourné dans ma tête tout ce que je savais déjà de l’histoire que j’essaye de faire grandir. À la sortie du shaker, il y avait une dizaine de pages de notes. Des petites pages, d’accord, néanmoins ça faisait longtemps que je n’avais pas avancé autant.

Et puis j’ai continué à y penser. J’ai dû rester dans mon monde un peu au-delà de la balade parce que lundi, en plein milieu du service, le plateau de vaisselle que je rapportais en cuisine m’est tombé des mains. Le temps que je comprenne ce qui s’était passé, une des clientes avait accouru pour m’aider. Natou (c’est la jeune Marseillaise avec qui j’avais déjà un peu discuté, elle aussi est plutôt bavarde !) m’a montré avec toute sa bienveillance comment faire pour éviter que ça se reproduise. J’ai mis ses conseils en pratique et effectivement, c’est mieux comme ça ! Je me suis également auto-donné un conseil : me concentrer un peu plus. Bizarrement, ça aide.

Pas d’incident le reste de la semaine, même si j’ai continué à penser à Florestine et Meya une bonne partie du temps. Je commence à avoir pas mal de notes et maintenant, il faudrait que je me mette à écrire réellement. Le carnet de notes est super pour noter des trucs mais toi et tes petites lignes, si je vous ai emportées dans mes bagages, c’est pour rédiger, pour écrire des phrases pensées et bien bâties. Mais tu vois, c’est étrange : je n’ose pas. La petite randonnée m’a bien débloquée au niveau des idées et de la construction, mais je n’ai pas encore rédigé une ligne.
Je crois que ce que j’aime dans l’écriture, c’est la création et les milliards de possibilités qu’elle ouvre. J’aime réfléchir à Florestine, cette petite guerrière à l’aube de son apprentissage, qui ignore encore toutes les routes qu’elle doit parcourir et qui ne sait pas qu’elle finira par se révolter contre l’ordre établi. J’aime chercher comment elle apprivoisera Meya, sorcière métamorphe blessée et solitaire, qui finira par révéler la jeune femme sous les plumes de corbeau. J’aime qu’il y ait mille chemins possibles entre leur rencontre et le moment où leurs mains s’effleureront pour la première fois. J’aime que tout soit encore suspendu. Quand j’écris, je rends les choses définitives et j’ai peur de me tromper. J’ai peur de mal écrire, que le résultat ne soit pas à la hauteur de l’amour que j’ai pour cet univers qui attend d’exister. C’est un peu idiot, je sais.

Alors voilà, puisque tu es là, je te fais une promesse : d’ici la fin de mon passage dans le Jura, je commencerai à écrire.

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