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Calliste Saunier

Chambre 3

Il y a mille et une façon de faire grandir des enfants

Finalement je crois que c’est en voyant l’espèce de réserve à être heureux de Paul Dindon que cette idée a fini de se mettre en place. Vous savez ces moment où il y a des choses qui virevoltent dans votre cerveau, pas très définies, et tout d’un coup ça fait le bruit d’un déclic quand ça trouve son emplacement et pof, ça y est. Tout est là, comme si tout avait toujours été là.

Bref. Paul Dindon. L’autre jour il était radieux, avec son Siegfried. Tous les deux. Et pourtant dès que son regard se posait sur l’un de nous il y avait comme une vague crainte. Crainte qui disparaissait devant nos sourires, mais quelque chose de l’ordre du “on ne devrait pas se montrer, on ne sait jamais”.

Je voudrais voir comment je peux faire foyer d’accueil, temporaire ou à plus long terme, pour des ados LGBT en rupture de leur famille. Histoire qu’ils n’aient pas que la vision de l’homophobie dans leur entourage. Histoire qu’ils aient un foyer où continuer à grandir au calme. Histoire de me rendre utile. Histoire de tisser une autre forme de maternage que celui qui se passe quand on met au monde des enfants. Histoire qu’ils n’aient pas trop peur danser avec leurs amoureux.ses.

J’en ai parlé à Artus. J’avais un peu peur de sa réaction - quelle peut être la population LGBT à Forcalquier ? Ne vit-elle pas cachée, pour le coup, dans ce petit lieu où tout le monde se connaît et tout le monde sait ? - et j’avais tort.

Il a tout de suite rebondi en disant qu’il pourrait donner des cours de dessin, faire des sorties nature, musée, bref, totalement projeté dans l’histoire.

— Mais ça voudrait dire que tu serais sur place souvent !

— Pourquoi, tu as des objections ?

— Non mais Mathilde ?

— Alors, figure-toi qu’une bonne idée n’arrive jamais seule, fan ! La Sylvie, elle a commencé à explorer ton carnet d’adresse et veut monter à Paris. Du coup, elle m’a carrément demandé si je pouvais prendre Mathilde et “on verra pour les vacances”. Je suis soulagé, té, je ne me voyais pas du tout lui faire la guerre devant le juge. Elle m’a même signé un papier.

— Alors vous vous installez ? Mais la rentrée.

— Et bé la Mathilde elle est tellement excitée d’aller peut-être habiter à la mer que si tu l’emmènes se baigner ce week-end, ça devrait bien se passer. J’ai appelé son école ce matin, ils la radient dès qu’on leur confirme que c’est bon pour nous. Et j’ai appelé l’école du secteur de ton appartement. Si ça te va, on part demain, on fait nos premiers cartons et mercredi soir, on est chez toi. Tant pis pour le démarrage d’école jeudi, ça lui fera une courte semaine pour s’acclimater.

— Et tes parents ?

— Et bé on ira les voir ! Une heure et demie de route, on peut même y aller pour déjeuner !

— Alors on va vivre ensemble ?

— Té pardi, je t’ai connu plus vive, ma Calliste !

— Et les ados, là, ça va aller avec Mathilde ?

— Bé oui, vaï. Elle va nous aider à leur remettre le goût de la vie dans le cœur, avec les paillettes qu’elle a dans le sien.

Je l’ai regardé comme si je le voyais pour la première fois.

Quand je vais raconter ça à mon abruti de psy, il va encore rigoler.

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