Informations sur l’accessibilité du site

Hugo Loup

Chambre 19

Instantanés


Ce ne fut pas facile de voir partir Highway. Il est parti au volant de mon Highlander, avec mon daiku, ma cantine, la plupart de mes affaires. Je n’ai gardé que le strict minimum. Quelques vêtements, mon treillis et mes rangers, quelques livres, mon okedo… Tout tient dans son sac à dos, heureusement.

Du coup, quand Joseph a proposé ce 5-à-7, enfin ce 15-à-17, de danse, j’ai accepté. Malgré tout, je n’ai dit à personne que je savais. On verra bien comment cela se passera. Vendredi, à 15 heures précises j’arrive au salon. Bientôt nous sommes au complet. Excepté Caroline et moi, il n’y a que des couples. Nous allons en former un sur la piste.
Comme un automatisme, j’ai mis mes talons. Les sandales fines ce n’est pas l’idéal. Heureusement, avec Caroline très rapidement nous trouvons notre accord. Elle est plus grande que moi. Je dirais le mètre soixante-dix. Pourtant elle se laisse conduire sans problème. Elle est concentrée sur les pas, et puis lors du mambo, elle se lâche. Alors moi aussi. J’en oublie de faire comme si je ne savais pas trop bien danser. Toutes ses années à apprendre. Toutes ses années à refuser de danser dans les fêtes familiales, les évènements sociaux obligatoires. Le minimum syndical. Une valse et puis c’est tout !
A un moment, nous changeons de partenaire. Je danse avec Paul. Il est beaucoup plus grand que moi. Mes pieds souffrent un peu. Pourtant, je passe un excellent moment. C’est que Paul est très drôle. Pas seulement parce qu’il se trompe de prénom, me nommant Huguette. Je ris. Je glousse glougloute à chaque fois qu’il fait un effort pour s’accorder avec moi, sans grand résultat. Pourtant il s’accorde bien avec son grand gaillard. Siegfried je crois. C’est beau de les voir ensemble.
Cette fois j’ai pris beaucoup de plaisir à danser. La dernière c’était quand ? Aucune idée. Je pense au mariage de ma sœur qui arrive. Il faudra que je danse. Je repenserai à aujourd’hui ça me donnera envie.

En parlant de la future mariée… Honorine m’a envoyé la photo de la robe de demoiselle d’honneur que je suis sensée porter. Etant la dernière célibataire de plus de 18 ans, et sa petite sœur en prime, j’ai cet honneur. Honneur dont je me serais bien passé. D’autant que je n’ai rien préparé. C’était le deal pour que j’accepte. Là, en voyant la robe j’ai mis mon veto. Si elle ne change ni la forme, ni la couleur, je viendrais en tenue de réception (robe et spencer bleu nuit). Ce qu’elle refuse. Je ne suis pas prête à ressembler à une meringue à la violette. Parme, des volants partout, et le dos nu. C’est niet !
J’attends sa réponse. J’espère qu’elle comprendra. Les autres avaient fait leur choix au moins six mois avant. Pourquoi pas elle ? Il faudra que j’en parle à Hortense. Avec son goût sûr, elle pourra certainement la mettre sur la bonne voie.

Nous nous téléphonons toujours avec Cat. J’apprécie de plus en plus ce que nous construisons. C’est doux, c’est chaud. C’est sucré aussi. Parfois un peu salé.
Je lui ai un peu parlé de mes projets d’ici les résultats pour Sado. Je n’ai même pas eu besoin de lui expliquer. Il est le premier à qui j’en parle. Je n’ose encore l’écrire ici. Superstition ?

Depuis que les choses se mettent en place, après toutes les discussions avec Cat, celle avec Highway, les quelques conversations téléphoniques avec mes parents, je me sens plus apaisée. Non, ce n’est pas le bon mot. Si, mais seulement de la colère contre mes parents. Pour le reste… et bien je ne trouve pas le terme adéquat. Whatever.
J’ai toujours des doutes et des peurs, bien sûr. Il me semble quand même que j’ai appris à prendre les choses comme elles arrivent. Presqu’avec philosophie. Toutes ces années à lire et étudier la culture nippone, à essayer de comprendre, de regarder la vie avec ce mélange de shinto(isme) et de bouddhisme, version zen. Cela n’a pas été vain. J’ai appris, emmagasiné ces savoirs, cette manière de penser.
Ou est-ce parce que j’ai su me livrer ici, dans ce carnet ? Poser mes mots, me raconter, me regarder me débattre avec moi-même ? Cet exercice parfois si difficile d’écriture. Ai-je enfin compris ce que j’avais depuis longtemps au fond de moi ?
Comprendre. Oui, comprendre ce que je suis. Comprendre qui je suis. Alors continuer à aller de l’avant.

Et puis la Vie. La vie vécue. Ces moments de vibration, de résonance, d’accord. Tout ce que nous vivons. Sans condition, sans déclaration, sans promesse. Simplement… Gaston…

Haut de page