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Mela Brinderbe

Chambre 15

Le diner.

(Chambre 15)

De retour du lac, je suis allongé sur mon lit.

J’ai rencontré quelques personnes dans l’ascenseur. Mes vêtements (surtout mon pantalon) étaient un peu tachées (de vase) et mes cheveux longs étaient en bataille (mais propres).

Je regarde fixement le plafond. Une myriade d’étoiles éteintes apparaissent. Un trou noir dans le vortex de mon âme. Une nébuleuse galactique désertée. Orion avec Bételgeuse mais bleue, Cassiopée en forme de Y. ça virevolte. ça révolutionne comme des planètes sans nom.

Je suis désespéré.

Je prends une douche froide. Maintenant j’ai faim. Même très faim. Horriblement faim.

La vision de la nageuse -au loin- m’a bouleversé. Je suis certain d’avoir reconnu quelqu’un d’important pour moi dans ma vie. Mais qui ?

Peut-être pourrais-je la croiser ici ? Elle doit résider à l’auberge. La voir de plus près. La voir de plus près. Au restaurant ?

J’ai peu mangé depuis le début de mon séjour, et ce serait aussi une bonne raison de connaître quelques plats du coin. Avec des pâtes du coin, allez savoir.

Même si je n’ai pas trop envie de rencontrer des gens. Être seul. Sauf le besoin inextinguible de la revoir.


(Vol au dessus d’un nid de toucan)

Je tombe. Je tombe. Je vais mourir…

Une fenêtre ouverte… Je m’y engouffre…

Un autre oiseau est près de moi… Ma cormorane…

Je suis anéanti.

Un lit… un nid… un linceul peut-être…

Je m’affale avec fracas dans des draps de lin en me répétant dans la tête : « Le sortilège doit être rompu et tout doit reprendre le cours de sa vie, il doit être réhabilité »


(Ascenseur de l’auberge)

Je suis sobrement habillé de blanc. Le regard dans le vague. Les idées confuses. Un peu hébété.

(voix dans la tête)

- Mais qui suis-je ? Marre !


(Hall)

Je demande à la réception si une table est libre. On m’indique un peu vertement que ce serait mieux la prochaine fois de réserver, ou de demander un peu avant, qu’il faut avoir plus de rigueur, de la méthode quand même, et on me conduit vers une table tout près du patio.

- J’espère que celle-là vous conviendra? me précise-t-on assez sèchement. On tourne les talons. (ce qui n’est pas si évident que ça, notamment pour marqueter le bois, mais je m’égare…)


(Restaurant)

Je prends place. La chaise est confortable. Une belle nappe. Des couverts simples mais d’une grande beauté stylistique. De jolis verres en cristal (à pieds) comme je les aime. Tout est dressé avec soin. C’est beau. C’est -cher ici mais c’est- beau.

- Puis-je passer commande ?

- Pour sûr ! On est là pour ça, non ?

(mais pourquoi est-on aussi désagréable ce matin ?)

On me balance dans les mains -avec une brusquerie élégante - un menu comme on manipulerai ici une pelle à ch’nilles.

Je remarque avec quel soin, les différentes parties du repas sont indiquées. C’est écrit à la main avec des arrondis et des liés. Beaucoup de belles couleurs déliées aussi.

- Je vais prendre… (j’indique en montrant du doigt) :

- Une salade coleslaw (la sauce à la moutarde n’est pas forte ? C’est de la vraie moutarde de Dijon  ?)
- Une potée comtoise (pomme de terre Mona Lisa ou cheyennes ?)
- Et trois boules de glace, vous avez quoi comme parfums ? (C’est bio ?)

S’ensuit une énumération - tel un choeur antique grec - quasi-mécanique :

  • pomme (inspiration),
  • prune, (expiration)
  • poire, (inspiration)
  • myrtille (toussotement) ,
  • rhum-raisin (inspiration),
  • pêche-melon (interrogation)…

- On a bien du raisin aujourd’hui  ? hurle-t-on en direction du hall

J’entends : ouiiiiii ! (d’une belle voix de stentor…)

- Alors je prendrai myrtille, poire et pomme-melon puisqu’il y en a !

Je demande aussi s’il est possible de commander un verre de vin du Jura.

- Bien sûr, c’est la région qui veut ça  ! Aujourd’hui nous proposons un verre de savagnin ouillé. C’est un peu typé mais c’est local. Et le »ouillé » est un peu plus léger que le traditionnel savagnin.

- C’est parfait ! Merci. dis-je

En attendant l’entrée du repas, j’enfouis mes mains sur mon visage. Je m’isole dans ma tête. La dame qui raconte des anecdotes sur pas chassé du bal, parle un peu trop fort à mon goût. Mais elle a l’air si satisfaite de sa prestation. Elle rit.

Un parfum délicat (qui me rappelle…), une présence… une chaise qui se place à ma table… j’ouvre les yeux… impossible de dire un seul mot, un seul… je me perds dans ce regard pers (justement ça tombe bien puisque quand c’est pers je m’y perds), elle a des yeux magnifiques. J’adore ses yeux (et je crois que j’ai toujours adoré).

Dans ma tête, une voix hurle :

- Julia ? Mon amour ?

Les yeux fixés dans le vide, moi je ne dis rien.

Ma tête a envie de parler alors que je la regarde tendrement en souriant un « Au secours »


(Hall)

Ce gars. Il ne dit pas un mot. J’ai du lui servir un peu mécaniquement le repas traditionnel qu’il a murmuré. Tu l’as vu ? Il reste quasi prostré. Le visage dans ses mains.

- Tu sais comment il s’appelle, Lulu ?

- Menate, ou un truc comme ça… Brindefer , ou Brindacier, non ?

- En tout cas, Il est vraiment étrange (et puis il sent fort la menthe).

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