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Pétronille Delatour

Chambre 18

Rythme

Pollox jeudi 10 septembre 22:00

Le domaine est magnifiquement entretenu. La comptabilité absolument parfaite, je n’ai trouvé aucun chiffre qui puisse m’inquiéter, chacune de mes questions a trouvé réponse et le bilan 2019 est très satisfaisant. Les gérants Mme et M. Ertaclis sont des personnes rigoureuses qui semblent maîtriser la gestion comptable et celle bien plus difficile des activités humaines. Ce fut un plaisir que cette première journée.

En soirée, une réception en mon honneur était organisée dans la grande salle du domaine. Ce fut très réjouissant. Il se trouvait là, une vingtaine de convives, quelques notables, Monsieur le maire et son épouse, 2 négociants en vins de Bourg-en-Bresse très vifs d’esprit, et des couples d’amis des époux Ertaclis avec qui je n’ai malheureusement trouvé le temps de faire plus ample connaissance… J’ai dégusté, avec mesure, les vins de la production. Nous avons dîné d’un buffet composé de mets raffinés tous présentés en bouchées sur des assiettes de porcelaine de la taille d’une petite boîte d’allumettes. C’était charmant et très original. Je n’avais jamais vu cela à Lyon.

Je ne suis guère conviée, il est vrai, à des réceptions, d’ordinaire.


Pollox vendredi 11 septembre 23:00

Après une matinée de travail on m’a fait l’honneur de la visite des caves. Elles sont impressionnantes, les cuves d’acier habitent l’espace comme des géants. Tout y est rutilant de propreté. Je ne suis en rien spécialiste de l’élaboration des vins, mais je n’avais pas souvenir de ces cuves et de cette atmosphère de laboratoire moderne et mécanisé.

La mémoire ne me faisait pas défaut, le chai de mon enfance était toujours là. Réservé à quelques fermentations d’excellences. L’odeur d’alcool, de légère moisissure, de sucre et de bois mêlés fit naître une larme. Je la laissai vivre, j’avais un mouchoir, il faisait sombre et je ne portais pas de maquillage. L’image du lac et de ma dérive, s’inscrivit derrière mes paupières et je sus à cet instant que j’avais trouvé là, des réponses à des questions que je ne me posais pas.

Je pris congé en promettant de revenir.

En rentrant à l’auberge j’avais l’étrange sensation de retrouver un foyer, un endroit qui m’était propre. À bien y réfléchir tout ce que j’avais vécu en logeant ici avait été terriblement intense. Je n’avais pas souvenir d’avoir été seule sans le général, mère dans mes jeunes années, Madeleine ou Émile ensuite, pendant presque trois semaines. Livrée à moi-même, pour le meilleur et pour le pire.

J’arrivai à 16:30 sur le parking en contrebas. La musique, puis les rires qui s’échappaient du salon, m’accueillirent avec le spectacle d’une danse endiablée. J’ai ri de voir ces personnes si sages généralement, se déhancher sans ménager leur peine au milieu d’un public enthousiaste. Je reconnus des clients de l’auberge, le couple Midaloff, mademoiselle Hugo songeuse et la jeune Élisa qui n’était pas en reste d’éclats de rire et de clins d’œils malicieux pour le très bel homme que je découvris être son compagnon. Je restai dehors pour ne pas les déranger et partis faire le tour du lac en marchant à ma mesure, sans me presser.

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