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Caroline Etienne

Chambre 7

Lendemain d’hier

Samedi 5 septembre

C’est vraiment pas la Corse ici. En fait, c’est mieux, c’est tellement plus sympa !

C’est ce que je me disais hier après-midi en bouquinant dans la véranda tout en jetant un œil aux allées et venues des autres résidents. Sans cette enquête, j’aurais pu passer le mois d’août à Ajaccio avec Dany. Probablement rencontrer ses amis d’enfance, une amorce d’officialisation. Nous aurions sûrement tous les deux tenté au mieux de jouer les amoureux parce que ça se fait, mais dans le fond en ai-je vraiment envie ? Je le vois bien qu’il ne me manque pas du tout et de toutes façons je n’étais pas prête à laisser tomber ni mes amis, qu’il n’aime pas tellement, ni mes rencontres éphémères qui font battre mon sang un peu plus vite. Je suis mieux seule.

Ici, je vois des vrais couples, une denrée assez rare dans mon entourage, je dois dire, et je me souviens bien quelque part au fond de mes tripes qu’être amoureuse, ce n’est pas ça. Je lui parlerai en rentrant. S’il y a besoin ! Je n’ai pas eu de nouvelles depuis 10 jours, il boude, je crois.


Dimanche 6 septembre

Je me suis réveillée ce matin avec la gueule de bois.
Avec la gueule de bois, à poil et pas dans mon lit.
Caro, Caro, t’es censée être en mission, un peu de tenue, que diable !

Reprenons depuis le début. Samedi soir, rien de neuf au niveau de l’enquête, je rumine sur mon passé, je me dis que j’ai bien mérité un petit verre au bar. Le Café des Sapins à Pollox organise un loto, je vais voir ce que ça vaut.

À l’arrivée, je croise quelques résidents que je salue. Il y a justement ces vieux époux que j’observais ces jours avec tendresse. Puis le réalisateur et l’actrice, qui avaient des étoiles dans les yeux tous les deux. Nous échangeons quelques civilités et mon téléphone sonne, Aïcha qui voulait des nouvelles. Le temps que je rentre dans le café, ça a commencé, leur table semble bien pleine et je me demande si j’y ai bien ma place. Ces couples qui ont l’air si heureux, justement le jour où je ressasse ma propre incapacité à tomber amoureuse. Je vais m’installer à une table près du bar. Je joue quelques grilles, je ne gagne rien, mais j’en profite pour observer les allées et venues. Je sais que dans le fond, je suis venue là dans l’espoir de croiser Christophe “par hasard”, je me demande même si ce n’est pas ce qui m’a poussée à accepter cette enquête. Mais je sais aussi que même s’il vit dans le coin, il n’a pas de raison d’être là. Malgré cela, je ne peux pas m’empêcher d’espérer le voir entrer.

Après une heure, j’en ai ma claque des quines, je m’accoude au bar. Pas de Moscow Mule, on n’est pas à la capitale ici madame, je demande au serveur, plutôt beau garçon, ce qu’il me conseille. Il revient me voir entre chaque verre que j’enchaîne en me touchant les cheveux et en riant trop fort.

J’ai fait la fermeture, on a atterri chez lui et ce matin, j’ai mal à la tête. Est-ce qu’un jour j’arriverai à ne pas me sentir obligée de faire du charme à tout ce qui bouge ? (Question purement rhétorique bien entendu…)

Bref, il dormait encore. J’en ai profité pour m’éclipser. Laisser un mot pour prendre congé en bonne et due forme sans laisser mon numéro, non plus. Un peu dragueur, un peu trop sûr de lui, mais attentif à mes sensations, parfait pour un samedi soir, mais je n’ai aucune envie de le revoir.

Avec tout ça, mon enquête n’a pas avancé d’un iota. La balade en vélo jusqu’à l’auberge m’a dégrisée. Un grand verre d’eau, une douche et je me remets au boulot sérieusement. Plus de ruminations, plus de bar, je reste concentrée maintenant.

Avec le temps, je n’apprends rien vraiment. Un jour, je me ferai tatouer mon mantra sur ma peau. Il est difficile de garder les pieds sur terre quand on enlève son slip.

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