Vendredi 4 septembre, Office notarial de Maître Robert, Pollox 11:00
— Bonjour Madame Delatour. Comment allez-vous ?
— Bien, je vais bien. Je vous remercie.
Le ton était beaucoup trop sec, il me sourit sans être dupe.
— Sachez que je comprends à quel point ces nouvelles ont pu vous affecter. J’ai bien connu votre mère et j’avais pour elle une amitié sincère. Nous avons fait notre primaire à l’école de Village Haut. Bien sûr à l’époque les classes n’étaient pas mixtes, mais Madame votre mère aimait beaucoup le jeu de billes…
Son sourcil se releva et il esquissa une sorte de clin d’œil. Le réglisse de sa pupille s’éclaircit d’une petite lueur.
— À cette époque ce n’était pas un jeu approprié pour les demoiselles, mais nous nous retrouvions au domaine, sous l’œil amusé de Madame votre grand-mère, dans la cour derrière le petit perron. Nous jouions des heures durant, en nous chamaillant comme de beaux diables. Amélie Delatour n’aimait pas perdre, surtout les porcelaines !
Je vis se dessiner au coin de ses yeux malicieux comme un point d’exclamation.
— Mère jouait aux billes ? Je ne l’aurais pas envisagé. Merci Maître, je n’imaginais pas mère gagnant des agates à la tic…, dis-je plus émue encore, que surprise.
Je toussai pour faire diversion. Il saisit mon trouble et enchaîna,
— Pour revenir à l’affaire qui nous occupe, en l’absence de votre frère vous héritez de la totalité du domaine. Votre sœur Marie-Cécile Delatour se voit dotée des écuries et des chevaux de courses. Elle vous a donné pourvoi, nous pouvons donc procéder.
Les formalités légales faites, je pris congé, non sans remercier vivement cet homme qui m’avait offert le souvenir d’une mère que je ne connaissais pas. Il me salua.
— Ce fut un plaisir de faire votre connaissance. Restez-vous quelques jours dans le Haut-Jura ?
— Oui, je dois aller au domaine pour rencontrer le gérant et régler les modalités comptables, je rentrerai à Lyon dans le courant de la semaine prochaine.
— Dans ce cas, si vous êtes disponible demain, vous ne pouvez manquer l’incontournable et traditionnel loto de Pollox. Vous êtes mon invitée. C’est très amusant, vous verrez.
Son sourire se fit malicieux il ajouta, chuchotant une confidence, « on y gagne parfois des saucisses ! ».
Une question me brûlait les lèvres. « Connaissez-vous son n… » Je me ravisais, je m’étais fait la promesse de ne pas la poser.
— Connaissez-vous l’adresse, pour ce loto ?
— C’est à deux pas, au Café des Sapins, rejoignez-moi ici à 20:00 si vous voulez bien, nous irons de concert.
Je promis de venir, il était vraiment charmant. Je quittai l’office le sourire aux lèvres en le remerciant de nouveau. Ce vieil homme sympathique m’avait mis du baume au cœur. Je souriais benoîtement en cheminant jusqu’à l’auberge.
« Pétronille, vous n’y pensez pas ? » dis-je en sautant à pieds joints dans une flaque fraîche.
« Let the stormy clouds chase everyone from the place
Come on with the rain, I’ve a smile on my face… »
1 Commentaire de Sacrip'Anne -
Son sourire se fit malicieux il ajouta, chuchotant une confidence, « on y gagne parfois des saucisses ! »
Mais tellement mignon !
2 Commentaire de Kozlika -
Pétronille a sauté dans une flaque \o/ Je suis toute émue moi <3
3 Commentaire de Natou auteur -
Je la vois sauter dans les flaques et regarder partout autour que personne n’ait rien vu ;-) C’est beau ;-)
4 Commentaire de Paul Dindon -
L’on imagine pas ou l’on a oublié que nos parents ont été des enfants.
Gene Kelly et la journée est plus belle <3
Tiens, Pétronille est armée des mêmes initiales que Paul Dindon :-p
5 Commentaire de Avril -
On est bien tou.te.s d’accord que c’est bien là la raison d’être des flaques, non ?
6 Commentaire de Pétr-autrice -
@ Sacrip’Anne Les saucisses, parce que le notaire… mignon… comment dire :D
@Kozlika Un petit mouchoir peut-être ?
@Natou Bien vu ! c’est beau mais ça éclabousse. :)
@Paul Dindon Ah, oui. C’est vrai. Y aurait-il anguille ?
@Avril Évidemment ! Sans conteste.