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June East

Chambre 17

Laisse les gondoles à Saint-Claude

Le petit short en jean que j’avais enfilé pour notre journée à Saint-Claude avait fait son effet. Avant de quitter la chambre, Éric est parti dans un « Plan DSK au Sofitel » ! Okay, j’avoue, j’ai tout fait pour l’encourager. Voilà ce qui arrive quand on met un réalisateur et une actrice dans la même chambre : ils ne peuvent pas s’empêcher de se faire des films. J’ai fini de m’habiller pendant qu’il reprenait une douche. Une de ses chemises blanches nouée à la ceinture, avec un bandana en calotte sur mes cheveux, des lunettes de soleil rondes et des petites bottines en daim : le parfait look hippie-bohème-chic.
— Tu ne repasses pas sous l’eau ?
— Nope ! J’veux garder ton odeur sur moi.
Il a levé les yeux au ciel.

J’ai trouvé ma position préférée sur sa moto. Je plaque mon oreille sur son dos et l’encercle de mes bras. La main gauche posée sur la boucle de sa ceinture, la droite sur son cœur. Entendre et ressentir ses battements pendant qu’il conduit sa Harley. Je pourrais faire le tour du monde comme ça. Avant d’arriver dans le centre-ville de Saint-Claude, il s’est arrêté sur un superbe pont de pierre qui enjambe la Bielle. Vertige des hauteurs, vertige de l’amour
— JUUUUUUNE ! (…) Non, y a pas d’écho !
— Laisse faire les professionnelles : JAAAAVOOOOOT… AAAVOOOT… AAVOOT… AVOT… avot… vot… ot… Si tu sais pas, tu demandes à une actrice ! ;-)
Il a levé les yeux au ciel.

Je n’allais pas entrer dans un restaurant gastronomique en guenilles. En un tournemain, j’ai sorti la jupe longue de ma besace pour la passer sur mon short et ai enlevé sa chemise blanche que j’ai rangée dans le sac avec le bandana. Un léger coup de brosse et j’étais prête. Le bustier en soie et dentelles que j’avais dessous a rempli sa mission à la perfection. Je ne saurais dire ce qui le mettait le plus en appétit : la carte du restaurant ou ma poitrine. J’ai des frissons quand il me regarde avec son air de loup façon Tex Avery. Le Petit Chaperon Rouge en moi se liquéfie dans la vanité et en oublie tous ses complexes. C’est tellement plus facile de s’accepter quand on est aimé. Heureusement qu’il s’est calmé, parce qu’à faire monter mon désir comme ça, c’était encore un coup à faire les gros titres de la presse poubelle, genre « Élisa Hell passe à la casserole, le nouveau film érotique d’Éric Javot ». Je me disais que même si notre histoire ne devait être qu’une aventure d’un été, je n’aurais aucun regret. Ces vacances resteraient gravées pour longtemps.

« Ça te dirait quelques jours en amoureux à Venise ? »

WHAAAAAT ! IL A DIT QUOI LÀ ? EN AMOUREUX ! À VENISE !

Je suis désolée, mais là, ça compte. Il l’a dit là.

Et on n’est plus dans la simple aventure d’été ! Venise !

J’ai passé le reste de la journée sur un petit nuage. On marchait tranquillement dans les rues de la vieille ville. Sa main dans la poche arrière de mon short en jean, la mienne sur son épaule. Deux ou trois angelots tiraient des flèches dans tous les sens. J’ai le vague souvenir d’un arrêt chez un bouquiniste avant de rentrer à l’auberge sur le dos de Pégase. Il a offert un livre à Côme. Ah oui, c’était ça la pause shopping. Il est trop gentil. Éric, hein, pas Côme. C’est moi ou des papillons virevoltent dans la salle du restaurant ? Faudra que j’en parle à Jeanne. Tiens, une licorne !

Ah non, en fait, c’était Natou, qui après avoir déposé nos assiettes sur la table s’est jetée à mon cou pour m’embrasser la joue. « Vé, June, toi t’es pas la copine pour le beurre. Tu l’as calvanisé mon Sébastien. Il m’a fait une de ces déclarations, fan,  j’en suis encore amphorique ! Oh, ma June, je t’aime, je t’aime, je t’aime ! ». Et puis, elle a repris son service sous le regard amusé de l’assistance.

— Tu vois, ce n’est pas bien compliqué de dire « Je t’aime », ai-je marmonné.
— Je ne sais pas ce qu’il y a de plus triste. Les personnes qui n’arrivent pas à dire « je t’aime » ou celles qui ont désespérément besoin de se l’entendre dire ?

MAYDAY ! MAYDAY ! MAYDAY !

J’avais encore perdu une occasion de me taire. J’ai repris une gorgée de vin. Et plutôt que de tourner sept fois ma langue dans ma bouche, j’ai poursuivi.

« Au moins, moi, je n’ai aucun problème à verbaliser mes sentiments. Je t’aime ! Voilà, comme ça, c’est dit. Tu me passes le poivre, s’il te plait, mon amour. »

SPLAAAAT !

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