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Henri Bonaventure

factotum

ёбаная ветрянка

J’aime pas les célébrations, j’aime pas les fêtes, j’aime pas les anniversaires, j’aime pas non plus Noël et tous les autres jours où tu dois consommer, célébrer, commémorer sur commande…

J’ai vu le calendrier, hier, en passant devant la réception de l’auberge, Mercredi 26 août, Sainte-Natacha, misère !

J’avoue qu’apprendre qu’il y avait une Natacha parmi les clientes de l’auberge ne m’avait pas fait extrêmement plaisir, sur l’instant, sentiment bien-heureusement effacé par la personnalité en question et le surnom qu’elle s’est approprié et que tout le monde utilise maintenant.

J’ai connu une Natacha, il y a longtemps, avec une jolie histoire en provenance de Russie, qui venait pour faire des études et on s’était trouvé des affinités électives évidentes. On avait fait des projets de nos envies communes et on s’était promis une chouette vie à venir…

Forcément, en mélangeant avec application des chromosomes X et Y, on avait fini par obtenir un truc, plus ou moins inattendu mais qui donne le sourire quand tu l’apprends et qui bouscule pas mal ce que tu avais projeté de ta vie à venir.

Et puis après quelques mois passés sur un nuage, les premiers boutons sont apparus, puis les suivants, jusqu’à l’envahir complètement.

La gynéco d’alors avait été formelle, trop de risques, surtout avec cette virulence, alors on avait fini par décider, la mort dans l’âme, de ne pas tenter le diable. Quelques heures passées dans une chambre glauque et on était reparti tous les deux, la main dans la main, avec nos tristesses respectives.

Je me souviens encore de l’unique phrase qu’elle avait prononcé en sortant de la clinique :

ёбаная ветрянка !


Mélancolie profonde m’avait quelques semaines plus tard annoncé notre toubib ; très difficile d’en sortir, à condition de le vouloir, elle pas.

J’avais trouvé des dérivatifs de mon côté, autant que je pouvais pour oublier, entrecoupés de mes visites régulières à l’asile ou elle passait son temps, assise sur une chaise devant la fenêtre, le regard vide autant que sa vie… Elle ne me reconnaissait plus, les derniers mois, avant de s’enfoncer définitivement.

Ça fait un peu plus de vingt-cinq ans, maintenant, mais j’ai l’impression que c’était encore hier. Y’a des souvenirs qui s’effacent, d’autres qui s’ancrent, celui-ci est bien ancré.

Chienne de vie !


Depuis l’envie d’avoir des gosses ne m’a pas quitté ; mais voilà, les années passent et ça ne sert à rien de s’apitoyer, cher enfant ; je voulais juste te raconter pourquoi tu n’avais pas de grande sœur. Natacha voulait la surprise, moi non, alors la gynéco me l’avait dit en cachette et j’avais préparé une liste de prénoms à lui proposer le moment venu…

Tu m’excuseras, mais là il faut que j’y aille, j’ai du travail qui m’attend et puis j’ai une poussière dans l’œil…

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