Oh Gianni, mon fils, comme je m’ennuie dans cette auberge de désolation. Il ne s’y passe rien qui pourrait enchanter mes journées. Tu te rappelles quand tu étais petit et que tu t’amusais à lancer des olives sur le vieux Battistu Fortini à chaque fois qu’il faisait sa sieste sous le figuier du village. Comme on a riait de le voir se réveiller et pester après toi. À sa mort, Renata, son épouse t’avait accusé de l’avoir rendu insomniaque. Peut-être devrais-tu lui présenter des excuses. Cela laverait la malédiction qui plane sur ma tête.
Alors dans ma tristesse infinie, je ferme les yeux et je rêve au calme de Cargèse, aux vagues qui viennent se fracasser sur la falaise aux pieds de ma maison. Aux mouettes rieuses qui arrachent les poissons dans les filets des pêcheurs. Ici, leurs doux cris stridents ont été remplacés par les pleurs d’un bébé, celui des deux inverties dont je t’avais parlé. Ces deux sorcières ont engendré un démon qui passe ces nuits à brailler et m’empêche de dormir. Ce dimoniu finira poilu avec des pieds de bouc ! Je l’ai vu aujourd’hui même ensorceler un couple de vieux dans la véranda de l’auberge. Ils étaient hypnotisés sous son emprise satanique ! Santa Maria, protégez-moi du Mal. Et comme si cela ne suffisait pas, une famille est arrivée dans la chambre voisine. Avec un jeune adolescent, oh quelle misère ! Il est bruyant avec son téléphone. Tic tic tac Bim boum toute la sainte journée sur le balcon avec ses jeux vidéos, et les conversations interminables avec ses amis comme s’ils étaient à côté de lui. Je ne comprends même pas un mot sur deux de ce qu’il raconte. C’est bien simple, les cochons affamés du Père Silvio sont plus discrets que lui. Et j’allais oublier, tiens ! Le citron sur le fiadone ! J’ai été réveillée en pleine nuit au son du clairon. Ils doivent héberger un bataillon de militaires en permission. Je ne vois pas comment expliquer autrement les claquements de portes dès l’aube. Même le coq de la vieille Francesca est moins matinal.
Oh Signore ! Comme je suis épuisée ! J’ai sous les yeux des cernes noirs comme les grottes de Razzu Biancu. Entre ce bébé démoniaque, ce gique d’adolescent et ces soldats qui claironnent, je ne parviens pas à trouver le moindre repos.
Ghjesù Ghjesù ! Les Fortini m’ont retrouvée. Ils veulent me faire mourir de fatigue et ils ont contacté la Mafia des Veilleurs !
Gianni, u mo figliolu, veni quì ! Et apporte la carabine !
1 Commentaire de Come-de-la-caterie -
J’a-do-re ! Ces billets sont des merveilles de tranches-de-vie désespérées avec de vrais morceaux de Brocciu ou de Calcatoggio dedans…
2 Commentaire de Esteban -
Ça donne envie, misère !
3 Commentaire de Kozlika -
Livia je t’<3
4 Commentaire de Nuits de Chine -
J’aime beaucoup cette façon de tout voir en noir (ça s’accorde avec la garde-robe de Livia).
5 Commentaire de GG -
la pauvre n’a vraiment pas de chance ! C’est le karma pour d’être moqué de Battistu !
J’adore ses lettres à son fils (il ne répond jamais, non?). A chaque fois une surprise et un régal !
6 Commentaire de Pétronille (l'auteur) -
J’ai ri, mais ri.
Imparable.
7 Commentaire de Sacrip'Anne -
Livia ! Tu nous a manqué !
8 Commentaire de Avril -
Fais lui bouffer sa console de jeu, ça ira beaucoup mieux ;) #Astuce
9 Commentaire de Natou auteur -
Y’a pas à dire Livia est douée pour raconter le malheur ;) et nous faire rire !
10 Commentaire de notafish -
Oh Livia, comme je t’aime (aussi, je sais, Kozlika l’a dit avant moi, mais je venais pour dire ça, au <3 près).
Merci merci merci.
11 Commentaire de Nicolas Marlet Deblois -
Ouh la, Nicolas plus bruyant que les cochons du Père Silvio, je sais pas comment il va prendre ça…
12 Commentaire de Nicolas Marlet Deblois -
@Avril ça risque d’être indigeste la console, non ?
13 Commentaire de Paul Dindon -
Comme elle est mauvaise ! JE ME RÉGALE.