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Joseph Midaloff

Chambre 12

Le roi du planning

Les vacances avec Julie c’est toujours pareil. Tu choisis un coin, n’importe lequel, et en deux coups de cuiller à pot, elle te trouve un programme pour chaque jour.

Ce matin on est allés au syndicat d’initiative de Pollox où elle a pris toutes les brochures. Pendant le pique-nique de midi, on a tout étudié et on s’est fait un petit programme. Elle fait toujours trois listes pour ce qu’il faut absolument voir, ce qui a l’air vraiment bien et les endroits où on pourrait aller si on passe par là ou si on ne sait pas quoi faire.

Je fais semblant de râler qu’elle se prend pour la commandante mais ça m’arrange bien de pas avoir à organiser. Le boulot je savais faire, même avec une équipe de grandes gueules, mais pour les loisirs ou les dîners tout ça, je suis nul.


Tiens par exemple, le barbecue. Mercredi matin, je trouve Henri dans son hamac et on s’entend pour se faire un barbecue dimanche midi tous les trois, sur la petite plage au bord du lac. Il apportera les bières, nous la viande que j’irai chercher à la Ferme des Adrets. L’après-midi, je vois Javot et June et je leur en parle. J’ai bien vu que ça leur faisait envie et plus on est de fous… Alors je leur ai proposé de venir et ils ont dit oui et même ils iront acheter des chips et des tomates.

Dans le coffre de la bagnole j’ai des raquettes et des volants de badminton, je les apporterai. On pourra jouer au bord du lac après manger.

En remontant à la chambre je raconte tout content le programme à Julie. Elle n’a pas l’air aussi emballé que j’espérais. Je sens qu’il y a une couille dans le potage. Si ça se trouve elle aime pas Javot et sa nana ? Avec son air de pas y toucher (celui que je sens que j’ai fait une connerie) elle me dit :

« Ça va être sympa, c’est sûr. J’espère que Natou ne sera pas vexée que tu aies choisi un jour où elle bosse. »

Imbécile, idiot, triple andouille, pauvre naze, comment j’ai fait mon compte pour pas y penser ? Elle nous avait pourtant bien dit qu’elle était de repos les lundis et mardis. Voilà pourquoi c’est quand même mieux quand c’est Julie qui organise, elle pense à tout. Les femmes sont plus douées que les hommes pour ces trucs-là.

Je me suis consolé de ma bourde en me disant que je lui proposerais de nous rejoindre après son service pour la partie de badminton. Et puis un de ses jours de repos on fera une balade rien que pour elle avec des vélos ou une des visites repérées par Julie sur les brochures.

Après ça quand on est descendus dîner et que Julie a décidé qu’on s’installerait à la table de collectivité, j’ai pas pipé.

Un drôle d’attelage entre nous soit dit. Javot et June comme d’hab moitié messes basses d’amoureux moitié avec nous, le mec à l’autocar customisé dans son petit monde à lui qui atterrissait de temps en temps et repartait sur sa planète, un gars avec un accent du Midi plutôt sympa qui tâchait de faire l’animateur, heureusement qu’il était là, et le type que Natou a l’air de bien aimer mais qui nous a fait la gueule tout le repas, à se demander pourquoi il s’était assis là. D’habitude je ne suis pas le dernier à faire la conversation mais ce soir-là j’étais encore tout traumatisé du sale coup que j’avais joué à Le Floch mardi, ça m’a coupé la chique.

Un truc marrant que j’ai remarqué vu que j’étais pas très concentré sur ce qui se passait à notre table, c’était que la patronne était là, mais comme une cliente. Elle était à une table au fond avec sa fille et son mari. Je dis son mari, j’en sais rien après tout mais ça m’étonnerait que je me trompe parce qu’ils avaient l’air bien en phase tous les deux. Je ne l’avais jamais vu. Il doit faire un boulot avec des déplacements et ils étaient contents de se retrouver, ça se voyait. Ma Natou super pro je voyais bien qu’elle faisait la discrète et ne s’attardait pas à leur table pour bavarder comme elle faisait avec les autres. Ils ont fini de dîner les premiers et sont sortis par le patio vers le lac mais sans la gamine qui a filé vers les étages, sûrement pressée d’aller se caler devant la télé. Les gosses…


Elle a eu une bonne idée avec ce cahier Julie, c’est vrai, mais là je vais pas m’en sortir si je me mets à tout raconter. Je note quand même pour la poste héritée – comme dirait Didi – qu’on est rentrés ce soir le coffre plein du marché nocturne. On a dû leur faire la moitié de leur chiffre d’affaires à nous tout seuls.

Julie dort déjà. Il est une heure du mat, je vais la rejoindre sinon demain je vais être décalé comme les platanes.

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