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Éric Javot

Chambre 16

Faut pas prendre les enfants du bon Dieu avant de les avoir

Élisa m’a tendu le papier, j’ai regardé, pris acte et puis on en a plus reparlé de la journée. Je m’attendais à ce qu’elle me pose des questions sur ce que je ressentais ; mais non.

Ces vacances sont bizarres, je n’étais pas venu pour tomber amoureux, mais pour ficeler une histoire qui tient la route ; en fait d’histoire, celle qui se trame s’écrit sur le fil de la vie au jour le jour et si vient le mot fin ce sera juste sur l’écran noir de nos nuits blanches.

 

J’ai mis le billet de Pierre dans ma poche. J’aurais dû être soulagé, mais étrangement je me sens presque… Déçu ? Je crois que je commençais à me faire à l’idée…

 

XX.Ext Jour/ devant une petite maison dans une prairie :

 

Richard en bras de chemise, est en train de fendre du bois à la hache. Lauren s’approche de lui tandis que trois jeunes filles gambadent autour d’elle.

 

Lauren

Bonjour, mon amour, tu coupes encore du bois ? Quel homme tu es !

 

Richard (avec un grand sourire)

Oui, c’est un dur labeur, mais je crains que l’hiver ne soit rude, il me faut faire des réserves et puis il en faut aussi pour ta cuisinière, sinon comment ferais-tu chauffer ces magnifiques soupes que tu nous fais !

Haha

 

Lauren

Oh, Richard, que tu es drôle et courageux ! Les filles sont rentrées de l’école, nous allons cueillir des fruits des bois pour faire les tartes que tu aimes tant.

 

Richard reprend sa hache et fend d’un coup une grosse bûche.

 

Couper

 

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« Tu crois que j’aurais fait un bon père ? » la question a jailli, comme ça, pendant la sieste. Je la pensais silencieuse, ma bouche m’a trahi !

Élisa avait sa tête posée sur mon torse ; je l’ai sentie se raidir : « Je ne sais pas, c’est quoi pour toi un bon père ? ».

« Un bon père, c’est… »

 

 

XX.Int.Nuit/Chambre d’enfant :

 

Richard enfant est déjà couché, seule une petite lampe de chevet est allumée. Son père rentre dans la chambre et vient s’asseoir à côté du lit. Richard sourit.

 

Le père

Il était une fois au pays des rêves un petit garçon qui attendait le marchand de sable pour s’endormir. Il conduisait dans le ciel une vieille carriole tirée par les rennes que le Père Noël lui prêtait pendant l’année. Il passait au-dessus de chaque maison où habitait un enfant et il lançait une poignée de sable qui virevoltait pareil à des flocons de neige, sauf qu’ils n’étaient pas blancs. Chaque grain contenait un rêve pour accompagner le petit dormeur…

 

Les yeux de Richard se ferment au fur et à mesure que son père invente l’histoire. Quand il est complètement endormi, son père ajuste le drap, pose un baiser sur le front de Richard. Il éteint la lumière et sort de la pièce…

 

Couper

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« C’est marrant, je ne m’étais jamais posé la question avant, et puis paf, v’là un gamin qui pense qu’il est le tien, et puis finalement non ! Et v’là que ça m’interroge, que ça me gamberge ! Aurais-je été un bon papa ? Pourrais-je seulement l’être ? Non, mais j’aurais sûrement été un père absent, avec mon métier.

Remarque, j’aurais pu l’emmener sur les tournages, c’est amusant pour les gosses, ça aurait été un enfant de la balle ! Ouais, enfin de toute façon pour faire un mouflet il aurait fallu que je trouve la mère. C’est un vrai film français dans ma tête ! »

 

Élisa regardait le plafond ponctuant mes réflexions par des petits « hum » et autres grognements.

 

« C’est quand même dingue nous deux, non ? Quand on est ensemble … Je me sens … Bien, confiant, comme si… Rien ne pouvait nous arriver ! Tout paraît si simple ! ».

 

Je me suis mis à repenser à la question de Pierre l’autre jour :

 

« Élisa, je peux te poser une question ?

- Dis toujours…

- Là, si quelqu’un te demandait comme ça, de but en blanc, si tu m’aimes, tu répondrais quoi ? »

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