SMS de Nadège :
Sur un nuage depuis une semaine. Merci le beau brun rencontré à Lausanne. J’avais oublié ce qu’était un orgasme. Kiss, Trésor.
SMS d’Élisa :
LOL. Profite.
Tourne la tête, je te fais coucou du nuage voisin.
Bisou.
SMS de Nadège :
Juste un hic. Il est encore marié. Divorce en cours.
La bonne copine que je suis aurait dû agiter un Red Flag. C’eût été déroger à ma règle de ne jamais dire à une amie ce qu’elle est incapable d’entendre sur le moment. Je la connaissais suffisamment pour la savoir in-love et que tout ce que je risquais avec une mise en garde était de la braquer contre moi. Il valait mieux croiser les doigts pour le moment. Soutenir de loin en sachant qu’il faudrait être présente le cas échéant pour recoller les morceaux.
SMS d’Élisa :
Cool ! Un mec qui a déjà été marié est un mec qui n’a pas peur de s’engager.
Amuse-toi, bichette.
Et n’hésite pas à raconter…
J’avais décidé de repousser le bémol à la prochaine fois. D’ici là, elle aura eu un ou deux orgasmes de plus, c’était toujours ça de pris.
On me croit spontanée. La vérité ? Je suis tellement insecure que mon cerveau passe son temps libre à envisager en amont les centaines d’alternative que la vie s’apprête à me balancer à la figure. Anticiper mes réactions pour être prête. Prête à donner le change ou à agir sans m’emmêler les pinceaux. C’est quand je n’ai pas prévu un truc que je suis capable du pire et que je pars en vrille. J’aime le confort d’un scénario sur lequel je peux me reposer. Je ne suis pas actrice pour rien.
Être actrice n’a rien amélioré d’ailleurs. Il faut voir les castings et bouts d’essai comme autant d’opportunités d’être rejetée. Comme si, à chaque fois que tu tombais amoureuse, tu découvrais des dizaines de filles avec le même crush et qu’à la fin, le mec, il en choisit une, et ce n’est pas forcément toi. Sans le gilet pare-balles de l’intimité pour pleurer, mais sous le regard et les jugements de tous. Alors oui, je vois l’anticipation de la douleur et de la déception comme un blindage vital. Et les bonnes fortunes comme une surprise dont il faut jouir au maximum jusqu’à la prochaine tuile.
Faudrait que j’en parle à mon analyste. Elle aussi me croit trop spontanée. J’imagine qu’elle n’a aucune idée qu’elle m’intimide à un point que je suis incapable de ne pas préparer mentalement nos séances trois jours à l’avance. Si elle me dit ça, je réponds ça, pour qu’elle enchaîne là-dessus, que je puisse bifurquer sur telle chose. Ou alors, elle a déjà cerné mon manège ? Mmmm, je n’avais pas encore songé à ça. Comment dois-je réagir à cela ?
On me croit légère aussi. C’est justement parce que je suis préparée que je peux me le permettre. Être spontanée ET légère dans ce monde serait de l’inconscience.
J’aimerais être réellement spontanée. Cela doit être tellement reposant.
Quand Éric m’a prié d’ouvrir l’enveloppe contenant le verdict de sa potentielle paternité, je lui ai demandé s’il voulait savoir. On aurait pu croire cette question innocente. C’est juste qu’il me fallait un répit, une seconde, pour répondre à « Et moi, Élisa, est-ce que je voulais savoir ? ». Je n’ai pas eu le temps d’y réfléchir qu’une voix dans ma tête me chuchotait que je n’avais pas anticipé ça. Qu’avec Javot, je ne me posais plus mille et une questions, que j’avais arrêté d’envisager toujours le pire, que je n’étais plus préparée. Depuis le week-end à Paris, je m’étais laissée porter par mes sentiments, sans trop prévoir le coup d’après. Éric m’aurait-il appris la spontanéité ?
Je devais différer cette analyse. Il y avait une enveloppe à ouvrir.
Un signe égal suivi d’un moins entouré, signé « Salut. Pierre. ». Test de paternité négatif. Il ne s’était pas foulé le Niney.
— C’est bon. Tu peux respirer. Tes nageurs n’y sont pour rien.
— Okay…, dit-il en me prenant la feuille des mains. C’est bref !
— Tu m’étonnes.
Je n’ai pas réussi à lire sur son visage si ce verdict était synonyme de soulagement ou de déception.
Il était peut-être temps que mon nuage redescende à une altitude raisonnable. N’avais-je pas grimpé trop rapidement au septième ciel ? Après tout, il n’a jamais vraiment verbalisé ses sentiments. Serais-je la Nadège qu’aucune Élisa n’aurait mise en garde ?
Javot aurait-il des Red Flags qui devraient me calmer ?
À la base, c’est un homme. Donc…
1 Commentaire de Natou auteur -
Que j’aime ce texte !
2 Commentaire de Nuits de Chine -
Un peu voyeuse, non ?
3 Commentaire de Sacrip'Anne -
Comme je te comprends…
4 Commentaire de FantomeDuPogo -
Donc ?
5 Commentaire de Éric Javot (L'auteur) -
Je confirme Èric est un homme ! ;-)
6 Commentaire de Avril -
Nuits de Chine : Certainement, oui. Mais là, il s’agissait plus pour elle d’inciter sa copine à tout lui raconter pour qu’elle puisse savoir si elle doit par la suite la mettre en garde ou pas.
Natou, Sacrip’Anne : Entre filles, on se comprend. :-*
Fantôme du Pogo , Éric Javot’eur : C’est bien une réponse de mec, ça ! ;-)
7 Commentaire de Kozlika -
Le coup de la séance d’analyse qu’on surprépare genre arbre à choix, ça me rappelle des trucs :-P
8 Commentaire de Avril -
Kozlika : Ah, à toi aussi ? :-p
9 Commentaire de Noé -
C’est cool, enfin, les drapeaux rouges !
(je suis déjà dehors)
(courage à ta pote)
10 Commentaire de Avril -
Noé : Merci pour elle ! :’D
11 Commentaire de FantomeDuPogo -
Pourtant il me semblait bien avoir formulé une question 😁
12 Commentaire de Paul Dindon -
Nous te lisons :-)
Ceci dit, belle analyse du métier d’actrice.