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Hugo Loup

Chambre 19

Perfect Day


Tandis que je sens des bulles légères monter, je sens mon bras se détendre. Un mouvement vif, instinctif, contrôlé. Comme mon poing rencontre son estomac, les bulles éclatent dans ma gorge.
J’ai ri.

Il n’a pas du tout eu la même réaction qu’Highway. Stupeur. Je me demande qui de mon coup ou de mon rire l’a le plus surpris.
C’est ainsi que l’atmosphère a changé. Bien joué Hugo ! Comment désamorcer une situation inhabituelle, déstabilisante, sans prendre de gant ! Tu es la reine à ce jeu-là.

Puis d’un coup, je m’affale sur le sol. Comme une vieille serpillère. Pouf ! Sur le cul Hugo. Très distingué comme façon de s’asseoir. Très féminin aussi.
De là, il me parait immense. Je me sens minuscule. Presque fragile. Moi !
J’attend qu’il me rejoigne en regardant autour de moi. Merdeuuu ! Mon sac à dos ouvert est juste là, avec mon tas de vêtements où trône mes si glamour sous-vêtements… Quelle horreur ! Si j’esquisse le moindre geste pour ranger il va forcément voir, ce qu’il n’a peut-être pas encore vu. Pitié ! Pourvu qu’il n’ait rien vu.

Pendant que mes pensées se bousculent, il s’est assis tout près de moi. Je sens sa chaleur. Cela me trouble bien plus que je ne saurais gérer. Mon cerveau se remet en mode affolement, hésitant entre celui pour sa présence toujours silencieuse ou parce que mon regard est tombé sur l’enveloppe d’où sort en partie son cadeau. Evidemment il l’a vu. Il a posé son sac presque dessus.

Au secours ! Je fais quoi maintenant moi ? Je lui en parle ? Je réponds à sa phrase d’accroche ? Je me tais ? Oui je vais faire ça.
Je suis en panique complète. En essayant d’avoir une attitude nonchalante (non mais n’importe quoi Hugo, tu n’es absolument pas crédible là !), je le frôle. Ce qui ne fait que rajouter à mon malaise. Pourtant, je ne voudrais être nulle part ailleurs.

Allez ! Courage ! Ne fuyons pas ! Il ne sera pas dit que le Sergent Loup battra en retraite sans combattre. Un repli stratégique, pause salutaire pour revoir son plan, comment organiser ses effectifs sur le champ, et hop ! A l’assaut !

— Je crois bien que nous avons fait fuir Côme…
— Nous ? C’est plutôt moi.

J’aime bien son sourire. Il sourit des yeux. Il s’est penché vers moi. Je sens son odeur. Il sent la forêt. Cela me trouble. C’est l’odeur qui me rassure le plus, depuis toute petite. C’est puissant mi animal mi végétal. Je me rappelle la première fois que je l’ai vu.
Aperçu serait plus juste. Il était immobile et j’ai vu un cerf, le maître de la forêt, avec ses bois majestueux. Pas un vieux solitaire ni un daguet. Un mâle à son apogée. Puis il a bougé. Et l’image s’est transformée. Un félin, racé, puissant, sauvage. Sachant guetter ses proies discrètement, chassant seul, épuisant sa proie avant de la saisir à la gorge.
Suis-je sa proie ? Je ne le crois pas. Je ne le ressens pas ainsi. Si je me sens physiquement minuscule à ses côtés, pour le reste non !

Mes pensées divaguent, le silence est retombé. Un silence léger. Comme une sorte de communion des âmes. Ma main se pose naturellement sur sa cuisse, tout doucement. Je me sens trembler. Le sent-il aussi ? En guise de réponse, sa main recouvrant la mienne.

J’aimerai lui dire tant de choses. Lui parler de moi. Lui faire comprendre que je ne sais pas faire, qu’il doit me guider, m’apprendre. M’apprivoiser. Je reste muette, immobile. Et je me sens gourde !
Trouve quelque chose à dire. Pitié ! Il va te prendre pour une gamine ! Une prude ? Ah non pas ça ! J’ai trouvé ! Je me lance !

— J’ai un service à vous demander. Pourriez-vous m’emmener à Pollox mardi matin ? Avec mon matériel, dont mon grand arc. Je dois me concentrer et ma tenue n’est pas pratique pour conduire. Vous pourriez faire ça pour moi, monsieur Gumowski ?

Je dis ça d’une traite, sans presque reprendre mon souffle. Jusqu’à la dernière phrase. Je le regarde et lui sourit. Ses yeux pétillent.

— A votre service Mademoiselle Loup !

Je le remercie en déposant un baiser sur sa joue. J’en profite pour m’emplir les narines de son odeur d’homme, mêlé à cette fragrance de forêt. Je sens la pression de sa main sur la mienne. Je souris. Je suis bien.

— Je vous montre mon endroit préféré ? Un peu plus haut.

Je ne sais pas s’il me répond. Je vois son hochement de tête et cela me suffit. Nous nous levons et je lui prends la main comme pour le guider. Elle est chaude. Sa chaleur me monte le long du bras.

Je voudrais qu’il ne me lâche jamais. Sentiment de complétude. Je divague…

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