Informations sur l’accessibilité du site

Hugo Loup

Chambre 19

Des pleins et des déliés et beaucoup d'imprévus aussi


J’aime écrire dans ce carnet. Ma plume glisse sur le papier, au gré de mes pensées. Elle, ses pleins et ses déliés, accompagne si bien mes sentiments, mes émotions. Elle n’est que leur reflet. Grâce à elle, à ce carnet, je peux parler de tout et surtout de ce que j’ai toujours gardé secret au plus profond de moi. Toutes les fois où j’ai ressenti ces sentiments, je les ai laissés tourner dans ma tête… Aujourd’hui, je les couche sur le papier doux et lisse du carnet, sublimés par la plume qui m’accompagne depuis si longtemps.
Papichou me l’a offerte le premier jour de mon collège, juste avant que je ne descende de la voiture. Il m’a tendu un petit paquet bien emballé. Je n’oublierai jamais ce que j’ai ressenti ce jour-là. En découvrant le magnifique stylo-plume que je regardais depuis longtemps dans les affaires de Papichou. En l’utilisant pour la toute première fois, en cours de français, mon tout premier cours. J’ai écrit la date : lundi 4 septembre 2006. Au retour, Mamichou m’a raconté l’histoire de cette plume. C’est en l’achetant que Papichou a rencontré Mamichou. Depuis, elle ne m’a jamais quittée.

Je n’aurai jamais imaginé que je vivrais autant de choses dans cette auberge. Moi qui n’avais prévu que de retrouver le lien, le contact avec la nature. Non, la Nature. C’est elle qui a commencé à me faire de beaux cadeaux. Le plus précieux qu’elle m’ait offert c’est avec la chamane, Julia. C’est là que j’ai senti quelque chose de nouveau en moi. Je savais que c’était du bon. Je m’ouvre à la vie. Un autre aspect de la vie. Celui qui vient à moi d’une façon que je n’avais pas imaginé. Cet aspect qui me rend joyeuse, mais aussi plus sereine. Ici, je me sens bien, équilibrée. Plus le temps passe et plus je comprends. Je me comprends. Je me découvre aussi. J’aime cette Hugo là. Pourtant, il y a encore des parts d’ombre, de l’inconnu. Et beaucoup d’imprévu aussi. C’est exaltant, un peu effrayant aussi. Mais n’allons pas trop vite.

J’ai passé ma matinée à courir de-ci de-là. Sur le panneau d’affichage, est apposée une affichette du syndicat d’initiative de Pollox annonçant, je cite “une session d’initiation au tir à l’arc mardi 11 août de 9 heures à 12 heures”. Après avoir tergiversé, j’ai fini par aller poser quelques questions au dit syndicat. L’animateur de cette initiation était présent. Nous avons discuté de ce sport, à l’occidentale. Puis je lui ai dit que je pratiquais le tir à l’arc japonais. Je n’ai même pas eu le temps de lui faire une proposition. Il s’est exclamé : “Pourriez-vous nous en faire une démonstration ?” Nous sommes allés voir l’endroit. Le Kyudo demande un certain espace. La distance est de 28m, normalement. Mais là c’est impossible. Ce sera en makiwaraya[1]. Après lui avoir expliqué le déroulement, il m’a tendu la main, me disant, en riant, qu’il lui faudrait refaire toutes les affichettes. Je lui ai proposé d’écrire à la main l’annonce de ma démonstration. C’est ce qui m’a amenée à courir partout, toute la matinée.
Je suis heureuse de pouvoir de nouveau pratiquer cet art martial que j’apprécie beaucoup. Ne me reste plus qu’à demander à Antoine une botte de paille. Et à téléphoner à ma sœur aînée, Hortense. Je peux lui faire confiance.
Et voilà ! Hortense m’enverra mon kimono, mes tabi[2], et mon plastron de protection. Elle m’a dit qu’en passant par un transporteur express, je devrais les avoir demain. Je savais pouvoir compter sur elle. Je n’ai plus qu’à prévenir à la réception.

Cet après-midi, j’ai filé dans la clairière de Gaston (oui c’est son nom désormais !). J’avais besoin de calme, et de fraîcheur. J’avais pris soin de prendre un livre. Ayant fini Tesson, j’ai pris un petit livre que j’emporte souvent avec moi, “Je veux devenir moine zen” de Miura Kiyohiro. Installée sur l’herbe, j’alternais entre lecture et ciel bleu. J’étais bien. Quand j’ai commencé à avoir trop chaud, j’ai nagé au même endroit que dimanche dernier. Je devrais peut-être essayer le lac de l’auberge.

J’ai pris le temps de rentrer. En arrivant, Mme Lalochère m’a appelée. Une enveloppe avait été déposée, pour moi. Pour moi ? De qui ça pouvait bien être ? Hortense venait juste d’avoir mon adresse. Je l’ai prise. Il n’y avait rien d’écrit dessus à part mon nom. Juste ça. J’ai remercié la patronne et monté quatre à quatre les escaliers. J’ai balancé mon sac à dos, mes chaussures. Je me suis mise en sous-vêtements et j’ai regardé cette enveloppe. Je l’ai reprise. Elle était trop épaisse pour vraiment savoir ce qu’elle pouvait contenir. Qui pouvait bien l’avoir déposée ? Je la posais sur mon lit, juste à côté de moi. Puis sur mon oreiller. Puis je lançais un t-shirt dessus pour la cacher. Elle me narguait.

Il est presque 3h. Je n’ai pas réussi à dormir. Je me demande toujours qui est l’expéditeur, ce qu’elle contient. Maudite enveloppe ! Elle me nargue toujours. Posée sur la table de nuit, je ne vois qu’elle et mon nom inscrit dessus. De temps en temps, je la prends en main, la soupèse, la palpe. Prête à l’ouvrir. Et puis non. Pas encore. Pas maintenant.

Notes

[1] à bout portant

[2] chaussettes japonaises séparant le gros orteil

Haut de page