Informations sur l’accessibilité du site

Roch Enjalbert

Chambre 1

L'important, c'est la ... chute

Sur la tablette @p.carriere@lepavedeschistes.com

Salut ma belle ! C’est pas dieu possible, elles veulent toutes ma mort à se mettre dans mes pattes… Je profite du retour du beau temps pour me régaler sur les sentiers de VTT et là, tout à l’heure, dans la descente, je te vois une petite bonne femme plantée sur le chemin à fixer l’horizon. Elle va m’entendre arriver ?… eh beh non, que tchi… A peine le temps de lui crier dessus, je freine, je dérape, je vole-plane, je roule et j’atterris dans un fossé et des ronces. Un peu plus et je m’écrasais dans le ravin… personne chez nous n’aurait pu prononcer correctement mon lieu de décès !

La petite dame enfin réveillée : “Ouhou, ça va? Ça va?” Elle est extraordinaire ! Elle m’envoie à la mort et “ça va ? - ça va ?”. Non, ça ne va pas… ma cheville me fait mal, les souvenirs des embrassades de matchs se réveillent, j’ai la tête qui tourne. Je me relève et rejoins le sentier tel un nounours christique, la tête et la barbe couronnées d’épines, le sang qui coule, t-shirt et short en lambeaux.

“Ça va ? Ça va?” Visage inquiet, qui se rassérène et comme je dois avoir l’air pas mal ridicule, un sourire revient et devient vite malgré ses efforts un gros fou-rire… elle ne s’arrête plus. Et je finis par rire avec elle sous ma couronne de ronces. On se calme enfin. “Boudi mais qu’est-ce que vous faisiez plantée comme une pèga n’ai-je pas dit au milieu, comme ça ?” “Je regardais mon lieu de vacances.” “Ah, vous êtes aussi à l’auberge… c’est bien ma veine” “Vous aussi ? Alors je vous aide à redescendre alors ; votre cheville est enflée. Vous êtes sûr que vous pourrez y arriver ?” Elle m’aide à me défaire de mes décorations florales ; punaise les vêtements sont foutus et je risque même d’attraper du mal par le cul : ce n’est plus un short, c’est un string ! Heureusement, le vélo n’a rien, ç’aurait été dommage pour ton cadeau d’anniversaire !

Nous sommes redescendus, elle me surveillant et moi claudicant, vers l’auberge. Devant l’entrée, elle me dit qu’il faudrait peut-être voir un médecin ou aller à la pharmacie et heu… que je devrais quand même mieux faire attention la prochaine fois et crier… Caya te, caya te… je n’ai pas voulu discuter, j’ai juste rigolé “Non, non, vous vouliez ma mort sur votre conscience c’est tout !” Elle a souri “Si ça peut vous rassurer, je ne suis pas très douée pour les points de suture mais là, pour le coup je vous aurais arrangé ensuite.” Qu’est-ce qu’elle me raconte encore ? “Je m’appelle Rose et je suis thanatopracteur” Ah bein v’la aut’chose… mais c’est quoi cette auberge ?! Par contre…. Je prends mon inspiration et débite “Ooh, mais… moi, c’est Roch. Je suis heu, journaliste. Oh, c’est un petit journal et c’est loin. On me demande souvent des portraits de gens ayant des occupations ou des métiers peu communs. Vous êtes en vacances mais ça ne vous dérangerait quand vous aurez un moment de me raconter votre métier ? Pas maintenant, quand vous pourrez, bien sûr.” Elle hésite “Pourquoi pas, je vais y réfléchir. Bonne soirée. Peut-être à tout à l’heure au restaurant.”

Tu vois Popol, c’est une piste pour s’y remettre, à écrire ; décrire d’abord, raconter au plus simple. Demander aux autres de se raconter et prendre des notes. Je tiens peut-être le bon bout, si ce n’est le Pulitzer 😉.

Là ça va beaucoup mieux, pas besoin de t’inquiéter : je me suis nettoyé, que des égratignures. Pour l’épaule et la cheville, j’ai réussi à m’auto-magnétiser. Là encore c’est bon signe. Je me repose sur le balcon, vue sur le lac, ton dernier-né dans le verre. Pas mal, un peu trop floral peut-être pour moi, mais ça le fait avant le dîner. Je t’embrasse. A+


*****

Sur le papier Je viens de me réveiller. Il doit être près de trois heures, je pense. Je suis les yeux grands ouverts à contempler la lune jaune, qui rend le lac assez magique. Étrange comme le décor de “ma cabane au Canada” se transforme le soir et la nuit. C’est très calme. Peu d’oiseaux. Un silence comme du temps suspendu. Irréel.

L’auto-magnétisation s’est vraiment bien déroulée, signe que l’énergie n’a pas encore complètement disparue ou qu’elle revient. Je vais juste mettre le VTT entre parenthèse et plutôt marcher dans les jours qui viennent. La séance, longue pour traiter et l’épaule et la cheville, a fait du bien. J’avais très chaud ensuite. J’ai même porté du court pour aller dîner. Et la chemise aux coquelicots au cas où les égratignures se seraient rouvertes et éviter d’exhiber des traces de sang. Brusquement, le coup de barre, une lourdeur qui descend, la tête qui tourne un peu et la vue qui se brouille. J’ai juste avalé la soupe et suis remonté direct. De mémoire, je n’ai même pas prévenu la serveuse. Mais en fait, c’est un peu flou.

Tout comme le reste d’ailleurs. Qu’est-ce que je suis venu faire ici ? Ah oui, l’air est différent et plus léger. Il fait frisquet toute la journée : c’est censé me rebooster ? J’arrive à m’occuper et je bouge beaucoup. La plupart des clients semblent rester dans ou autour de l’auberge, toute la journée. En trois jours, je n’ai pas croisé grand monde, des occupants des vingt chambres. Je ne vais pas m’en plaindre. Mais si je fais le vide autour de moi, comment pourrais-je combler celui qui est à l’intérieur ?

Écrire à Popol me redonne l’envie ; a priori, je peux y arriver, de reprendre le clavier, de faire défiler des mots. Il y a sans doute beaucoup à décrire de cet endroit. Voilà, je peux commencer ainsi, décrire au plus près du réel ; comme si j’étais payé au signe. Raconter des anecdotes, comme celle d’aujourd’hui. Il faudrait sans doute je multiplie un peu les sorties et visites pour bien faire ; pour avoir de la matière. Ensuite je me lancerai dans les réflexions philosophiques de quinqua imbécile en mal de repère…

Faut-il tomber pour retrouver son équilibre ?

Haut de page