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Diane

Chambre 2

Retour sur le plancher des vaches

Xavier est parti au petit matin. Nous avons passé la nuit dans sa chambre au Café des Sapins et il m’a déposée à l’auberge avant de prendre la route. Ce fut une nuit à la fois douce et coquine, différente de la première. On continue la découverte et l’exploration de l’autre. Je me découvre moi aussi à travers nos échanges.

Hier, il a prétexté avoir du travail pour me laisser seule profiter de ma dernière journée ici, saluer ceux avec qui je m’étais liée d’amitié.

J’ai commencé par rejoindre Jeanne, très matinale, au petit déjeuner.

-Bonjour Jeanne, je peux me joindre à vous ? C’est mon dernier jour, je pars demain matin.

-Mais oui, asseyez-vous ! C’est toujours un plaisir ma chère Diane. Mais vous rayonnez ! Est-ce que le bel homme qui dînait avec vous l’autre soir n’y serait pas pour quelque chose ?

Évidemment, je rougis, je tente de prendre un air dégagé.

-Xavier est un ami qui m’a fait la surprise de me retrouver. C’est un très bon ami, il m’aime … euh, il m’aide beaucoup à trouver du travail pour la suite.

-C’est bien ça, je sais que ce n’est pas facile d’être seule dans l’adversité. Surtout prenez soin de vous et de vos enfants. Je prierai pour vous. Vous savez qu’en Indre et Loire, il y aura une petite vieille qui pensera à vous.

Je vis ses yeux s’embuer de larmes, et j’ai senti les miennes monter de la voir si émue.

-Oh, Jeanne, je ne suis pas prête de vous oublier ! Le souvenir de vos cascades à vélo restera à jamais associé aux bons moments que j’ai passés ici !

On a ri en se remémorant les multiples fois où elle avait failli tomber.


Plus tard, je croisai Antoinette. Pour elle aussi la fin du séjour approchait.

-Cela fait longtemps que je ne vous avais pas vue Antoinette. Il est bientôt l’heure pour moi de partir. Vous faites un tour du lac avec moi ?

-Oui, volontiers. C’est vrai que je me suis quelque peu isolée depuis quelques jours. J’avais besoin de réfléchir seule, mais j’avoue tourner en rond les mêmes questions sans y trouver de réponse. … J’ai appelé Pascale samedi dernier.

-Mais c’est une super nouvelle ! Comment a-t-elle réagi ?

-Très bien. On a passé beaucoup de temps au téléphone, comme si on s’était quittées la veille, avec comment dire, un peu d’attente, de l’émotion et de l’excitation à l’évocation de notre ancienne relation. On a convenu de se revoir fin août.

-Fantastique, je suis tellement contente pour vous ! Ce renouveau, c’est merveilleux !

-Oui, sauf que je ne sais pas comment l’annoncer à mes enfants. Je suis décidée à tout leur raconter, mais je ne sais pas comment m’y prendre : dois-je organiser une réunion familiale ? Les voir un par un ? Envoyer un mail ? Aucune des solutions me convient et je n’arrive pas à avancer.

-Oui, je comprends. Qu’est-ce qui vous plait et déplaît dans chaque solution ?

-Le mail peut être mal interprété, et on ne transmet pas d’émotion, du moins pas autant que si je suis avec eux. Mais c’est le moyen le plus facile pour moi de m’exprimer, je peux prendre mon temps pour le préparer. Et puis ça me protège momentanément de leur réaction. Si je les rencontre un par un, ils ne seraient pas influencés par l’autre, et c’est moins intimidant, mais je dois le faire deux fois. Et puis je vois bien le deuxième qui me demandera pourquoi il n’a pas été averti en premier, bref, ça va créer des histoires.

-Ok, la solution un par un me paraît peu défendable.

-Mais la solution où je les convie tous les deux… c’est tellement impressionnant ! J’ai peur de moins bien faire passer le message parce que trop émue. Je vais être confrontée à leurs deux réactions.

-Peut-être qu’ils seront dans la retenue, attendant de voir comment réagit l’autre. Si je comprends bien, vous voudriez faire à la fois passer un message et partager un moment important pour vous.

-Oui, c’est cela. Je voudrais qu’ils sachent la vie que j’ai eue avant de connaître leur père, et que j’envie de renouer avec cette vie. Je pourrais leur raconter mon passé par mail et leur annoncer la suite que je veux donner à ma vie au cours d’un déjeuner avec eux, après avoir reçu leur ressenti.

-Ça me paraît une bonne approche. Ne mésestimez pas leur amour et leur empathie. Si vous leur parlez de Pascale comme vous m’en parlez, ils verront bien cette petite lueur qui vous rend si vivante, si belle. Tant que vous les rassurez sur le respect et l’amour sincère que vous avez voués à votre mari, il n’y a pas de raison qu’ils vous en veuillent. Ça va leur faire un peu drôle, déjà que vous pensiez à refaire votre vie, et en plus pas comme ils l’auraient imaginé. Mais passée la surprise, je suis sûre qu’ils vous soutiendront.

-Ah, ma chère Diane, ça m’a fait du bien de vous parler. Je suis triste que vous partiez. Peut-être pouvons-nous garder le contact. J’aimerais bien que vous me présentiez cet homme avec qui vous avez dîné l’autre soir…

Elle me regarde d’un air espiègle. Me revoilà partie à rougir.

-Vous voulez parler de mon ami Xavier. Il était venu parce qu’il m’aide à chercher du travail. Vous vous souvenez, je vous avais dit l’avoir contacté. Il a un très grand réseau, c’est très précieux.

-Oui oui oui, racontez-moi ce que vous voulez. Il est amoureux cet homme !

Je lâchais l’affaire. Comment lutter contre sa perspicacité ?

-Ça vient un peu trop tôt, vous ne croyez pas ?

-Ça fait combien de temps que vous n’avez pas ressenti un tel regard sur vous Diane ? Vous comptez attendre encore combien de temps pour goûter aux plaisirs de la vie ? Croyez-en mon expérience, et vous la connaissez, sachez reconnaître les opportunités quand elles se présentent. Vous allez avoir besoin de soutien, cet homme peut vous l’apporter. Et ne me dites pas qu’il n’est pas séduisant…


Plus tard encore, je croisai Natou qui papotait avec Adèle. Celle-ci m’apprit que Natou allait rester à l’auberge pour y travailler comme serveuse.

-Quelle bonne nouvelle, félicitations Natou ! Je vous envie de pouvoir rester ici !

-Oh oui Dame Jeanne a été bien gentille de me proposer ce poste. J’ai bien de la chance !

-Je crois que la chance, il faut savoir la provoquer aussi. Si vous n’étiez pas aussi généreuse et si agréable avec les gens, cette chance-là ne se serait pas présentée. Je souhaite que la chance continue de vous accompagner.

- Té la chance, on peut pas dire qu’elle a été beaucoup là !

-Je sais que ce n’est pas facile à entendre, mais c’est peut-être une chance ce qui vous arrive. Regardez, vous êtes bien entourée, vous avez trouvé du travail. C’est une chance pour un nouveau départ. Bon, je suis peut-être influencée par ce que je vis et ce que me racontent d’autres personnes. En tous les cas, je vous souhaite le meilleur pour la suite !

Je la laissai avec Adèle pour rejoindre Xavier au Café des Sapins. J’étais triste de ne pas pouvoir passer ma dernière nuit à l’auberge, mais la perspective de le retrouver a vite effacé ces pensées nostalgiques.


Ce matin, j’ai dit au revoir à “mon” vélo, au lac, aux petites plages, au hamac dans lequel je n’ai jamais pu faire de sieste, aux chemins que j’ai arpentés et qui m’ont aidée à trouver ma route pour la suite. Je ne suis qu’à la croisée des chemins, il va y avoir des tunnels, des obstacles, mais je suis sûre de vouloir aller jusqu’au bout.

Au moment de régler, je remercie Jeanne pour son accueil. Je lui demande comment elle fait pour qu’on se sente si bien, comment les amitiés et amours se créent si facilement dans son auberge. Elle sourit et me répond qu’elle ne le sait pas elle-même. Je lui suggère que c’est parce que les gens qui gravitent autour d’elle lui sont tellement attachés, qu’on se sent privilégiés d’avoir quelqu’un d’aussi précieux qui veille sur nous, et on se met à notre tour faire attention à ceux qui nous entourent. Elle n’a pas répondu, mais je crois qu’elle a été touchée car elle détourné la tête et s’est empressée de s’affairer sur sa pile de factures.

Ma valise est prête, je la range dans la voiture, je m’assois un instant sur le coffre pour embrasser une dernière fois du regard cette auberge si singulière.

Mme l’Aventurière : Bon on y va là, on a de la route.

Mme Dévouée : oui, les filles nous attendent. Les photos et les vidéos c’est bien, mais on a très envie de les prendre dans les bras et de les bisouiller.

Mme Pragmatique : Et compte tenu du temps de trajet, si on ne veut pas arriver trop tard, il ne faudrait pas trop tarder.

Mme Spirituelle : Oui, mais on était si bien ici, dans la nature, à prendre le temps.

Mme l’Aventurière : C’est fini le temps de la contemplation ma chère, on passe à l’action maintenant. Allez, en route Simone ! Tu permets que je t’appelle Simone ?


L’arrivée chez mes parents est si joyeuse, qu’elle me fait oublier la tristesse d’avoir laissé derrière moi l’auberge et ses pensionnaires. Les filles sont belles, bronzées, elles ont changé. Elles se jettent sur moi et commencent à se chamailler pour avoir l’exclusivité de mes bras. Mes parents sont contents de me voir, me trouvent changée aussi, ma mère va même jusqu’à dire qu’elle me trouve belle. J’annonce assez vite ma décision aux parents. Ils prennent un air affligé et mon père prend le premier la parole.

-C’est triste que vous en soyez arrivés là. Cela dit, on voyait bien que vous n’étiez plus heureux tous les deux. Surtout toi. Je suis vraiment désolé de te dire ça, mais tu as raison de le quitter.

J’éclate en sanglots et il me prend dans ses bras. Oh Papa, je suis tellement soulagée !

Plus tard, mon téléphone sonne, un numéro du sud-est. Aurais-je oublié quelque chose à l’auberge ?

Mme Diane Clément ?

-oui ?

-Bonjour, gendarmerie de Mâcon. Vous connaissez M. Xavier Delcourt ?

-Oui…

-Nous avons trouvé votre numéro dans les contacts à prévenir d’urgence de son téléphone. … Il y eu un accident madame, … il semblerait qu’il se soit endormi au volant.

-…

-Madame ? …Madame ?

Nervous breakdown [1]

Note

[1] quelqu’un adore ce film

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