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Vernon Tardif

gouvernante

Les gouvernantes ne sont pas des nounous

Ça se passait trop bien ! Nous voilà aux prises avec un ascenseur capricieux. Deux fois deux clients coincés en deux jours (pas très longtemps, mais c’est pas raisonnable). Sachant comme les techniciens en tout genre ne t’écoutent pas si tu n’as pas de poil au menton, Jeanne m’a chargé de cornaquer le gars de chez Konis de près, avec une liste de points à vérifier longue comme le bras. Parce qu’elle en a vu, elle, des ascenseurs en panne. Et elle a une idée sacrément précise des points de vigilance. Jusqu’à hier, j’ignorais l’existence de la poulie à adhérence, par exemple. Mais le technicien m’ a considéré avec plus de respect dans l’œil quand je lui ai demandé d’y jeter un œil.


Je n’ai pas particulièrement une vocation de nounou, et il me suffit de passer un 1/4 d’heure avec ma tante Marie pour n’avoir aucune envie de faire prof, alors quand Jeanne m’a appelé : « Vernon, on va faire rentrer une nouvelle dans l’équipe, pour le service en salle, je peux compter sur vous pour lui mettre le pied à l’étrier ? », j’étais moyennement ravi. Mais je me suis détendu assez vite : « Il s’agit de Mlle Alestra, Natacha, de la chambre 4, dont le compagnon est parti si… cavalièrement samedi. Elle commence vendredi ». Du peu que j’en ai vu, à part un tempérament à se faire aimer de toute la clientèle, elle connaît la partie et a même dispensé quelques conseils pas inutiles aux siamoises. Je suis donc allé la voir après le service du déjeuner.

— Natacha ? Je suis…
— Vernon. Le gouvernement, c’est ça ? DameJeanne m’a dit que vous me verriez ! Mais appelez-moi Natou. Natacha, je suis jamais sûre que c’est bien de moi qu’on parle…
— Alors, je suis gouvernant, sur mon contrat, mais j’aime autant dire gouvernante, parce que les gens voient plus vite que je ne suis pas ministre…
— Ministre de l’auberge, vé, ça aurait de l’allure ! J’aime autant que ce soit pas ça, remarque, la politique ça m’enboucane. Une bande de gens trop sérieux qui te sortent des mots longs comme la Canebière pour faire pareil que ceux qui y étaient avant eux, je vois pas bien l’intéré. Ça vous embête si on se dit tu ?

Elle a un débit, celle-là ! Mais non, ça ne m’embête pas qu’on se dise tu. On travaille ensemble, on est une équipe. Je suis content, bêtement, de n’être plus le petit nouveau, et plutôt fier, finalement, d’être sa référence, en cas de questions sur les détails du service. Merde, ça me plaît pas mal, de faire la nounou, avec ce genre de bébé ! Je lui ai proposé de l’aider à aménager sa chambre à l’étage du personnel.


Fin de service. L’heure de ma complainte par mail. De quoi je vais me plaindre aujourd’hui ?… Lulu m’appelle de la réception. C’est bien la première fois. Je descends voir. Oh merde. Samir…

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