Ma chère petite Anna,
J’espère que ton blocus se passe bien et que tu n’as pas trop chaud dans ton kot. Ici il fait mourant, j’irai bien piquer une tête ce soir après le souper.
Comme tu le sais, j’ai laissé mon GSM à la maison, je n’avais pas envie de sonner à ta mère ou à tes tantes après réception d’un SMS angoissé en pleine nuit. C’est pourquoi je t’écrirai de temps en temps.
Je suis bien arrivée samedi. Après avoir voyagé de Bruxelles-Midi jusqu’à Reims en train, un couple de deux parisiennes séjournant dans la même auberge que la mienne m’a emmenée. Elles avaient un nouveau-né avec elles. Il s’appelle Côme, c’est joli non ? La prochaine fois que je les vois, je leur donnerai des astuces de yogi pour les jeunes enfants. Et non, ce ne sont pas des parisiennes comme tu crois, elles sont plutôt charmantes et attentionnées.
Nous sommes arrivées à l’auberge vers 16h. Alors que nous procédions au check-in, deux nouveaux arrivants ont fait leur apparition : une jeune fille et un homme, Jérôme (d’après les dires de la demoiselle). Je pense que la fille n’a pas toutes ses frites dans le même sachet. Elle faisait une ces têtes ! Elle est partie visiter le rez-de-chaussée en laissant son père (je présume) en plan. J’espère que nous ne serons pas voisins de palier…
Le déjeuner se prend dans une magnifique véranda. J’y vais tous les jours dès 7h pour ne pas croiser trop de monde et surtout parce que je meurs de faim après mes exercices de yoga matinaux. J’ai d’ailleurs un très chouette balcon qui me permet de pratiquer tout en admirant le lac juste en face. J’y ai déjà aperçu quelques martin-pêcheurs et plus loin, sur la crête, des chamois. J’irai probablement sur cette crête demain. C’est dans cette véranda que j’ai fait la rencontre ce matin d’un sympathique monsieur d’une septantaine d’années. J’ai remarqué la croix basque sur son porte-clé et nous avons entamé une conversation. Il m’a parlé de la Tanzanie, je lui ai parlé de mes projets de voyage dans le Nord en décembre pour admirer les aurores boréales. C’est alors qu’il m’a conseillé d’aller les observer en septembre car elles sont plus belles lors de l’équinoxe. À réfléchir ma petite Anna, à réfléchir… Il s’est excusé et est retourné dormir quelques heures. Son nom, Esteban ! Sympathique rencontre, pas comme celle d’hier.
Hier donc, j’avais terminé de déjeuner, j’étais remontée dans ma chambre vite fait pour aller chausser mes Timberland et j’étais ressortie tout aussi rapidement. J’ai appelé l’ascenseur qui se situe juste à côté de ma chambre. C’est là que je les ai vu arriver, deux drôles de loustic venant du fond du couloir. Nous avons fait les présentations, en attendant ce fameux ascenseur qui n’arrivait pas. J’étais là en présence du Comte Nicolaï Pétrovitch Romanov et d’Alexeï Dolgoroukov. Alexeï devait être un cousin éloigné ou un collaborateur du Comte. Il nous a galamment laissé la cabine pour descendre au rez-de-chaussée via la cage d’escalier. Note que j’aurais pu prendre également les escaliers mais ma cheville est douloureuse depuis lundi. Alors que j’enfonce mon doigt sur le bouton du rez-de-chaussée, les portes se referment. Deux dans cette cabine, c’est quand même tout juste. Le manteau haut de gamme du Comte frôle mes habits de sport. Vivement le rez-de-chaussée, j’ai horreur des espaces restreints, surtout en présence d’inconnu. Je n’ai pas le temps de sentir l’effet de l’apesanteur sur mon corps qu’un grand bruit métallique se fait entendre et que le Comte et moi-même sommes secoués. Je tombe à terre et reste immobile, tout comme l’ascenseur. Oui ma petite Anna, comme dans les films, je me suis retrouvée coincée dans cet ascenseur avec ce Comte qui est tout sauf glamour ! Et là, ça a commencé. Ma cage thoracique a commencé à se comprimer, un brouillard noir a recouvert mes yeux, je n’arrivais plus à respirer, je sifflais plutôt. J’ai tendu la main vers le Comte pour avoir de l’aide, en vain. Il criait à travers la porte et tentait de parler à Alexeï, comme si celui-ci aurait pu nous aider ! Enfin, j’ai senti la main du Comte prendre la mienne et me tirer vers le haut. Une autre s’est glissée dans le bas de mon dos. Il m’a prise comme un danseur de tango et ensuite, des lèvres humectées sont venues tout doucement s’échouer sur les miennes. Mon sang n’a fait qu’un tour, d’un coup, le brouillard s’est évaporé et je l’ai giflé. Quelle indécence venant d’un homme de sa condition en plus ! Reprendre l’ascenseur avec lui ? Non, peut-être ! Il ne faut pas pousser grand-mère dans les orties !
Folle de rage, le feu aux joues, je suis sortie de l’ascenseur comme une furie. Alexeï nous a réceptionnés ainsi sans comprendre ce qu’il s’était passé à l’intérieur de la cabine. Plus tard, j’ai reçu un bouquet de rhododendrons de la part du Comte. Le symbolisme de ces fleurs est la tempérance et la modération. J’espère qu’il en était conscient lorsqu’il les a fait envoyer !
Ne te laisse jamais faire ma petite Anna ! Je t’envoie une grosse baise et je te dis à bientôt !
Ta grand-mère Miranda
1 Commentaire de Sacrip'Anne -
Et bien, un bon tempérament, cette Miranda.
2 Commentaire de Diane -
Redoutable tango à la russe
3 Commentaire de Samantdi -
Je pense que la fille n’a pas toutes ses frites dans le même sachet.
Cette expression me fait pleurer de rire, je ne la connaissais pas.
Avec Miranda, la galerie de portraits s’enrichit pour notre plus grand plaisir !
4 Commentaire de Avril -
Pauvre Miranda, ce baiser a du lui faire sortir les frites du sachet ! ;)
5 Commentaire de AkaïAki -
Le voilà le tombeur de l’auberge ! Il est juste un peu rouillé ;-)
J’aime lire et entendre l’accent belge :-)
6 Commentaire de GG -
C’est gai!
7 Commentaire de Ginou -
Comme Samantdi je découvre avec plaisir l’expression belge:” Je pense que la fille n’a pas ses frites dans le même panier “.
J’attends avec impatience un dialogue Nord-Sud entre Miranda et Natou !