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Irène-Aimée de Lavernhe

Chambre 20

Ce n'est qu'un au revoir

Ces dix derniers jours sont passés à la fois très vite et très lentement. Très vite, car j’étais tellement fatiguée que j’ai passé beaucoup de temps à dormir, lire, me reposer, ce qui fait que je n’ai pas vu les jours passer. Très lentement, car j’ai beaucoup repensé à deux discussions que j’avais eues. Samedi dernier, Lucille est venue à l’auberge, et nous avons pu reparler du contenu des cartons. « Je savais », m’a dit Lucille, « que le mariage de tes parents avait fait beaucoup parler dans la famille, mais je n’en savais pas plus. Je n’ai pas cherché non plus à comprendre, tes parents avaient l’air heureux, ils sont toujours heureux plus de vingt-cinq ans après. Ils ont surmonté cette épreuve, j’ai fini par oublier. Mais quand j’ai revu les cartons d’archives que j’avais récupérés chez Papa, parce que personne n’en voulait, je me suis dit qu’il y avait forcément dedans des documents familiaux relatifs à la brouille. Je n’avais pas le droit de les ouvrir, il valait mieux que ce soit toi ou un de tes frères et sœurs. Et tu es celle de ta fratrie qui a le plus le goût de l’histoire. » Le lendemain, j’étais à peine remise de cet échange que nous sommes allées à la messe avec un petit groupe de pensionnaires de l’auberge. Il y avait à nouveau Diane, qui m’a raconté le coup tordu que son mari venait de lui faire. Ce goujat s’expatrie sans la prévenir et il veut qu’elle le suive. Heureusement, elle ne se laisse pas faire et reste en France en divorçant. Ses confidences m’ont rappelé ce que je n’aime pas dans le milieu où j’ai grandi, la place des femmes, que beaucoup de ces messieurs veulent douces, effacées, obéissant à toutes les décisions du mari, même les plus aberrantes. Mais que de souffrances pour celles qui, comme Diane, se révoltent !

J’ai rendu les clés de ma chambre hier. Il y a eu un dernier petit incident le dimanche avant le départ. L’ascenseur est tombé en panne et nous sommes restées coincées dedans avec Elisa, une jeune actrice qui se fait appeler June East et qui a tapé dans l’œil d’Eric Javot. Sans elle, je crois que j’aurais paniqué. Heureusement, elle m’a fait parler et raconter mon séjour, si bien que je n’avais pas encore commencé à angoisse quand l’ascenseur est reparti.

J’ai dit au revoir à Adèle. J’ai bien précisé que ce n’était qu’un au revoir. J’ai de la chance, une place s’est libérée fin août et je peux revenir pour les trois dernières semaines de la saison estivale. En attendant, je passe quelques jours chez Lucille. Elle n’est pas là mais Isaure est là et a convaincu Claire-Ad’ de venir passer des vacances bressanes. Ma sœur et ma cousine ont visiblement l’intention de participer aux recherches sur l’histoire de la famille. Nous avons trois semaines pour mettre au point le programme des opérations.

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