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Diane

Chambre 2

Branle-bas de combat

Je dormis très peu cette nuit-là. Evidemment, mes mini-Moi avaient profité de la brèche pour donner de la voix :

Mme Dévouée : “Il a l’air si malheureux, on ne peut pas le laisser comme ça.”

Mme Aventurière : “Attends, on commençait à prendre notre indépendance, ce n’est pas pour s’aliéner avec le premier qui nous déclare sa flamme. Et puis c’est quoi ce chantage !”

Mme Dévouée : “Il faut le comprendre, il a envie de tenter sa chance. Il a bien le droit qu’on écoute sa requête ?”

Mme Pragmatique : “Mais la question n’est pas là. Est-ce que cet homme nous attire ? L’amitié n’a-t-elle pas tenu justement parce qu’il n’y avait pas d’attirance (de notre côté du moins) ?”

Bonne question. C’est vrai que je ne l’ai jamais envisagé sexuellement. Quoique… Il y a eu cette fois, en vacances… quand j’y repense, j’avais eu un peu honte… Il était sorti de la piscine après une séance de nage alors que je tartinais les filles de crème solaire. Je l’avais trouvé beau, musclé mais pas trop, bronzé… On s’était regardés pendant qu’il s’essuyait les pectoraux avec sa serviette. Sur le moment, on l’avait tourné en parodie du bellâtre de pub pour un gel douche devant les filles, mais oui, cet homme m’a déjà attirée.

Mme Pragmatique : “Bien, on avance. Mais aujourd’hui, as-tu envie qu’il te prenne dans ses bras, qu’il t’embrasse et plus si affinités ?”

Mais j’en sais rien moi ! J’ai envie qu’il me prenne dans ses bras parce qu’il me console et me rassure. Pour ce qui est du reste, je n’en sais rien… Et puis zut, j’ai d’autres chats à fouetter !

On verra demain, “y f’ra jour”. Et il faudra que je réponde à Pierre.


Après mes tergiversations nocturnes, j’ai découvert un SMS de Xavier :

J’espère que tu as bien dormi, moi pas. Je réalise que j’ai été brutal hier, je te présente mes excuses. J’ai eu l’air de te mettre un ultimatum. Ce n’est pas le cas. Je veux juste jouer franc jeu avec toi. Je comprends qu’il te faut réfléchir, te laisser du temps. Et je te saute dessus alors que tu as d’autres préoccupations en ce moment. Je n’ai pensé qu’à moi, pardonne-moi. Ai-je une chance de me rattraper en t’invitant à déjeuner au Café des Sapins ?

Ouf, je respirai. Et je lui répondis :



D’accord pour l’invitation. Oui il me faut du temps pour digérer tout ça, merci de l’avoir compris.

Maintenant que j’avais le téléphone en main, j’appelai Pierre. Je pris soin de prendre avec moi une petite feuille sur laquelle j’avais écrit “Respire”.

-Allo, Diane, ma chérie, je suis si content que tu m’appelles.

-Oui, je ne voulais pas te répondre par mail, je trouvais ça un peu… grossier. J’apprécie l’effort de reconquête, mais ça vient un peu tard, tu ne crois pas ? Ca fait des années que tu me trompes, sans trop te casser la tête pour le cacher.

-Quoi, mais qu’est-ce que tu vas inventer ?

-Oh, non, je t’en prie, pas cette scène. Tu laissais traîner ton portable, je n’avais même pas besoin d’aller fouiller, les messages plus qu’éloquents apparaissaient sur le clavier verrouillé. Tu aurais pu prendre un autre téléphone pour ça ! Je t’ai épargné la femme jalouse, je pouvais comprendre sincèrement que tu puisses aller voir d’autres femmes, j’étais confiante dans notre amour, notre loyauté l’un envers l’autre qui feraient que tu reviendrais toujours.

-C’est ce que j’ai fait non?

-En quelque sorte, mais en t’éloignant toujours un peu plus de moi. Aujourd’hui, on n’a plus grand chose à se dire, tu ne fais même plus l’effort de t’intéresser à ce que je fais, les expos que je vais voir, les conférences auxquelles j’assiste, mes lectures. Quand moi je cherche à me nourrir intellectuellement, toi tu cherches à nourrir ton compte en banque.

-C’est facile de dire ça quand l’argent pour tes expos et tes lectures tombe tout seul. T’es bien contente du confort que JE vous offre.

-Par confort, tu entends grande maison avec piscine ? Non, je peux largement me contenter de moins, je te l’avais dit à l’époque, mais tu n’en as pas tenu compte. Il fallait épater tes collaborateurs, tes partenaires.

-…

-Je réalise que ça fait longtemps que je ne crois plus en notre couple, et lâchement j’ai attendu que tu me quittes. Cette histoire de partir au Nigeria, je ne peux pas. Je me suis beaucoup effacée ces dernières années, mais là c’est trop. J’ai un semblant d’amour propre qui refuse ce nouvel affront. Tu sais, je suis intelligente, je ne suis pas devenue bête en restant à la maison…

-Qu’est-ce que tu racontes ? Je n’ai jamais dit que tu n’étais pas intelligente.

-Non, tu ne le dis pas, mais tu agis comme si j’étais incapable de raisonner avec toi. Pour faire bref, tu me prends pour la reine des connes. Ecoute, je ne vais pas attendre la prochaine humiliation, je préfère partir avant de perdre ce semblant d’amour propre qu’il me reste. Je vais aller chez mes parents jusqu’à ce que tu partes, le 13 août. Après on verra. Par respect pour les filles, je voudrais que nos relations restent courtoises. A bientôt.

Et je raccrochai sans lui laisser le temps de répondre. Il ne chercha pas à me rappeler. Je laissai mes larmes couler.


Il fallait ensuite que je me prépare pour mon déjeuner avec Xavier. Mon premier réflexe a été de me faire jolie. J’avais donc envie de le séduire ? Pas forcément, mais je n’allais tout de même pas m’habiller comme un sac ? Oui, mais le décolleté, là, c’est pas un peu aguicheur ? C’est une robe d’été, ça n’a rien d’indécent non plus ! Je ne vais pas y aller en col roulé ! Bon, ne pas se poser trop de question, avancer selon son instinct. Mon instinct me dit de… garder cette robe. Et ben, ça va être long cette matinée ! Malgré son SMS, je suis hyper nerveuse, comme pour un premier rendez-vous alors que ce n’en est pas un, mais en même temps, il pourrait le prendre comme ça. Oh que c’est compliqué…

Xavier m’accueille devant la terrasse du café, il a eu le temps de me voir arriver sur mon fidèle destrier. J’avais besoin de relâcher les tensions par de l’exercice.

Nous avons parlé de sujets anodins, de Pierre, de ma décision. Je lui racontais le mail de Pierre, ma conversation de ce matin.

-Comment tu te sens ?

-Un peu perdue, mais aussi soulagée. Depuis deux semaines, je goûte à une autre vie qui pourrait être la mienne pour les prochaines années, et ça me réjouit. Tu ne peux pas savoir les belles personnes que j’ai rencontrées, ça me fait du bien. Il se passe des choses que j’étais à mille lieues d’imaginer en venant ici. Viens avec moi après déjeuner, on ira faire le tour du lac.

-Merci de m’inviter dans ton lieu de retraite secret !

-Oui, c’est vrai que je tenais à le garder secret. Mais je suis sûre qu’il te plaira. Je veux que tu voies le lac, les couleurs qui s’y reflètent, les odeurs que la chaleur exacerbe, tous ces petits bonheurs qui m’enchantent chaque jour.

-Je ne peux pas refuser une telle invitation !

Après le déjeuner, on a donc chargé le vélo dans sa voiture et il m’a raccompagnée à l’auberge.

Nous avons entamé notre tour de lac, je lui ai indiqué les endroits où je venais me poser pour lire ou observer la nature. On s’arrêta sur ma petite plage préférée d’où on pouvait voir l’auberge, façon carte postale “gros bisous du Jura” !

-Merci de partager ces moments avec moi. Tu as l’air différente ici, si heureuse, si sereine. Tu as raison, j’adore cet endroit, peut-être parce que tu l’aimes tant.

Il me regarde et je le sens hésiter. Je me tais et attends. Je n’ai pas peur de la suite.

-Je suis vraiment désolé pour hier, je ne voulais pas te presser, j’ai vraiment été con. Il y a une chose sur laquelle je ne reviendrai pas : je ne pourrai pas supporter de te voir vivre une histoire avec quelqu’un d’autre. Si cela devait se passer, je ne disparaîtrai pas totalement, mais je serai moins présent.

-Je comprends. Ne t’en fais pas, ça ne va pas être pour tout de suite, j’ai trop de choses à régler avec moi-même avant d’envisager une nouvelle relation.

-Evidemment.

Il est tout penaud. Je le regarde, moqueuse.

-Allez, viens, on continue la balade. Je t’invite à dîner à l’auberge, tu vas voir, ils ont une soupe de fraises à tomber !

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