Informations sur l’accessibilité du site

Delphine Cantin

Chambre 10

C'est le jour 1, celui qu'on retient

Est-ce que cela vous est déjà arrivé de ne plus avoir envie de partir en vacances, juste au moment de monter dans l’avion, le train ou la voiture ? C’est ce que j’ai ressenti ce matin quand mon fils Dylan est passé dans toutes les pièces pour dire de sa voix haute et claire  : « Au revoir le salon, au revoir la chambre, au revoir la cuisine, au revoir mug de la Tour Eiffel que j’aime, au revoir les WC… »
Il s’est mis à rire devant ma mine déconfite.
— Les WC, t’abuses !
— Mam’, les colos ont fait des progrès depuis ta jeunesse, mais je suis pas sûr de retrouver à Portivechju des WC avec du papier triple épaisseur.
— Tu peux prendre un rouleau dans ta valise.
— C’est ça ! Pour avoir la te-hon dès mon arrivée… Oh la daronne en carton !
Comment je vais faire pour passer trois semaines sans mon loupiot, moi ?

Olivier avait terminé sa propre valise et passait quelques coups de fil à son partenaire commercial, à Dubaï. Il était déjà là-bas et peaufinait ses arguments pour convaincre les acheteurs. Il fallait pousser Emirates à signer pour les A350. On ne pouvait même pas imaginer que la Firme perde le marché.
Trois semaines sans mon mec, mon homme, mon pilier. Comment avais-je pu avoir cette idée ?

Je donnerais tout pour revenir six mois en arrière, au moment où on a organisé ce mois d’août 2020 : Dylan en colo avec le CE de la Firme, Olivier au salon aéronautique de Dubaï, et moi dans le Jura… Il suffirait de rembobiner le film : « Dylan et moi on vient avec toi à Dubaï, avec tous les centres commerciaux ultra branchés qu’il y a là-bas, on ne s’ennuiera pas, et on on te retrouvera le soir… » Maintenant il est trop tard pour les regrets.
Pourtant mon envie d’aller à ce séminaire de généalogie, elle partait de loin, du fond de mes tripes. J’avais attendu pendant des années qu’une piste s’ouvre et quand elle est apparue, c’est là qu’elle m’a menée. Cerise sur le clafoutis, Denis nous a appris qu’il prenait un poste d’adjoint de direction dans une auberge au-dessus de Pollox, l’auberge des blogueurs. J’y ai vu un signe… Les planètes s’alignaient. Sa présence me garantissait une sécurité affective et la perspective de soirées à nous remémorer nos souvenirs… Comme il serait doux de se retrouver !
Mais voilà, rien ne se passe jamais comme prévu. Sa voiture a glissé sur une de ces routes de campagne atrocement dangereuses et Denis est toujours à l’hôpital. Chienne de vie. J’espère au moins pouvoir aller le voir…

Ce matin, Dylan a pris l’avion pour Portivechju avec soixante gamins de son âge, Olivier a embarqué pour Dubaï et moi, après douze heures de voiture, j’ai atterri dans cette auberge où je ne connais personne. Le Jura. Ce n’est pas la région qui me faisait rêver. Je savais à peine la localiser sur une carte de France. Et pourtant, à l’ombre de ces forêts de sapins, au fond de ces lacs se cache ce que je cherche. J’ai trois semaines pour le trouver.

Haut de page