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Akikazi Takenaka

Chambre 19

L'angoisse du départ

Voilà, ma dernière journée à l’Auberge arrive à son terme ; demain en fin de matinée je reprends la route en direction de Lausanne pour retrouver mes pénates, après-demain je retrouve Cédric au bureau… et je le pressens déjà : il va me cuisiner pour savoir ce qui s’est passé à l’Auberge, particulièrement par rapport à ma brusque décision de prolonger mon séjour. Je ne sais pas encore ce que je me sens prêt à lui dire ou non.

Ce départ m’angoisse…

Pour ne pas y penser, je me suis préparé à libérer Le petit livre de l’ikigaï — La méthode japonaise pour trouver un sens à sa vie de Ken Mogi en lui collant une étiquette de BookCrossing en première page, et j’irai discrètement le déposer au salon, soit dans la bibliothèque, soit sur une des tables basses, en espérant qu’il profitera à d’autres autant qu’il m’a fait du bien et amené à envisager ma vie différemment.

Ce départ m’angoisse…

Je regrette qu’Hugo ne soit plus à l’Auberge. Pouvoir faire une nouvelle session de taïko aujourd’hui m’aurait probablement été salutaire pour libérer mon esprit. Elle m’a dit vouloir planter sa tente dans les environs de l’Auberge pour ces prochains jours, mais je n’ai malheureusement pas réussi à la retrouver, je n’ai pas entendu de pic ou de tambour pour me guider.

Ce départ m’angoisse…

Je n’ai pas envie de retrouver mes pénates lausannois. Me retrouver à nouveau seul dans les lieux où Charlotte et moi avons vécu tant d’années ensemble risque de faire revenir le blues que j’avais réussi à tenir à l’écart ici à l’Auberge. Il va falloir que je réussisse à créer de nouveaux souvenirs dans cet appartement si je ne veux pas qu’il me plombe complètement le moral à moyen terme.

Ce départ m’angoisse…

Demain soir, pour la deuxième fois depuis une quinzaine de jours, je serai seul dans mon lit… Les moments câlins, bienveillants, coquins, attentionnés partagés avec Ann-Kathrin, nos discussions, ou simplement son odeur près de moi, vont énormément me manquer. Je ne pensais pas qu’il était possible de devenir complètement accro à quelqu’un d’autre en si peu de temps. Vais-je être capable de fonctionner normalement en son absence ?

Ce départ m’angoisse…

Je devais normalement avoir rendez-vous en milieu de semaine avec ma grande amie, ma confidente, Stéphanie, que je n’ai pas pu revoir depuis le mois de mai. Je viens juste de recevoir un message de sa part où elle m’annonce devoir annuler notre rendez-vous car elle est tombée malade. Je me faisais une telle joie de la revoir, que l’annonce de ce vide supplémentaire dans la semaine à venir m’a fait monter les larmes aux yeux.

Ce départ m’angoisse…

Depuis que je la sens monter, j’essaie de cacher cette anxiété à Ann-Kathrin, afin surtout d’éviter de la lui transmettre. Mais je me doute bien qu’elle n’est pas dupe et se rend compte que je suis un peu différent des jours précédents.

Ce départ m’angoisse…

Les trois prochaines semaines vont me paraître immensément longues. Trois semaines sans voir cette belle dame, trois semaines sans pouvoir la goûter… Nous n’avons pas discuté de la forme que prendraient nos échanges durant ce laps de temps ; je ne sais même pas si sa vie sociale viennoise va beaucoup l’occuper, ou si nous pourrons au contraire régulièrement échanger par messages ou de vive voix.

Ce départ m’angoisse…

Il est temps que je cesse de m’apitoyer sur mon sort. Que je profite encore pleinement de cette soirée en sa compagnie, de cette nuit à partager sa couche, de ce trajet que nous partagerons ensemble demain jusqu’à la gare. Et que je me réjouisse plutôt de tous ces moments à venir : ceux déjà annoncés dans trois semaines, dans un an, et tous ceux pas encore programmés mais qui ne manqueront pas de surgir entre ceux prévus et surtout après, au gré de nos envies mutuelles.

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