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Antoinette Lalande

Chambre 3

Seconds souffles

Ma chère Pascale,

Tu as raison, cessons de ressasser le passé, et regardons vers l’avant ! Notre correspondance me donne un second souffle, il s’agit désormais pour moi de ne pas laisser échapper cette chance. Il faut que je réfléchisse à ce que je vais faire une fois que j’aurai quitté l’auberge. Quitte à vivre vingt années de plus, autant les rendre aussi belles que possible.

Allez, assez parlé de moi, j’ai des nouvelles concernant la petite Diane ! Nous avons longuement échangé lors d’une balade autour du lac (oui, je fais des balades autour du lac maintenant, je ne sais pas ce qui m’arrive). Elle a été plus loquace que lors de nos derniers échanges ; peut-être est ce parce qu’elle met du temps à accorder sa confiance, ou peut être qu’elle avait enfin suffisamment avancé pour se sentir prête à en parler. Je ne vais pas t’infliger d’avantage de suspense, donc voilà en quelques lignes la teneur de notre conversation.

Comme je te l’avais dit, elle m’avait confié se sentir malheureuse dans son couple et dans sa vie. J’avais imaginé mille et une raisons qui auraient pu être source de son malheur, mais j’étais bien loin de me douter de la réalité. Figure-toi que son affreux bonhomme de mari a décidé d’accepter un poste au Nigeria, d’y trouver une villa dans une résidence pour expats et d’y embarquer toute la petite famille, et tout cela sans aucune consultation préalable de Diane ! Elle a appris son choix tout récemment et Monsieur attendait qu’elle saute de joie et prépare aussitôt le départ pour le mois d’août.

Heureusement Diane est une batante et elle a décidé de reprendre sa vie en main et de ne pas se laisser faire. Alors qu’elle sait avoir beaucoup à perdre (son mari est un homme dur, influent, avec une excellente situation tant sociale que financière), elle lui a tout de même tenu tête et lundi elle lui a annoncé qu’elle ne le suivrait pas en expat, et même qu’elle allait lancer une procédure de divorce !

Mais elle a très peur de ce qu’en pensera son entourage, elle craint notamment la désapprobation de sa mère. Je ne peux pas vraiment la blâmer… Pourtant, tu sais, j’ai vraiment essayé d’avoir les mots que j’aurais peut être aimé entendre à l’époque. Je lui ai dit que les gens qui l’aiment ne cesseront pas de l’aimer ; qu’ils ne comprendront certainement pas tous son choix mais que cette femme belle d’âme et de corps trouvera sans nul doute sur son chemin des mains tendues. J’ai essayé de lui donner du courage.

Ce qui l’effraie le plus, c’est de perdre la garde de ses enfants. Comme je la comprends, je n’aurais jamais pensé à quitter Charles lorsque Nicolas et Justine étaient petits, de peur de les perdre. Mais cette jeune femme est coriace : elle a déjà contacté un ami pour qu’il l’aide à trouver un emploi, et a demandé un contact d’avocat qui a beaucoup aidé une de ses connaissances dans une situation similaire. Je ne sais pas bien ce qui m’a pris, mais je lui ai dit que si elle avait besoin de quoi que ce soit, elle pourrait compter sur moi. Je lui ai même dit que j’avais deux grandes chambres vides dans mon appartement à Paris qui pourraient la dépanner avec ses filles si elles avaient besoin… à croire que tu commences à déteindre sur moi.

Enfin, il faut absolument que je te le dise, je lui ai parlé de nous. Je lui ai parlé de ma jeunesse, de notre jeunesse, je lui ai parlé de mon renoncement. Cela faisait tant de temps que je n’avais pas prononcé ton prénom. Je crois que j’avais oublié ce mélange d’angoisse et d’excitation juste avant de se confier, j’avais oublié ce sentiment de douce libération juste après. Elle a été d’une douceur et d’une gentillesse si rares ! Elle m’a beaucoup écouté et, je crois, un peu comprise.

Mes mails deviennent de plus en plus longs, et je me sens de plus en plus proche de toi. Cela me convient, j’espère qu’à toi aussi.

Je t’embrasse,

Antoinette

PS : C’est vrai que le lac Daumesnil nous a aussi apporté beaucoup de douceur…

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