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Joseph Midaloff

Chambre 6

Respect à Natou !

Salut ma Douce,

Ouf, je suis sorti vivant et sans avoir perdu mon honneur de la sortie pêche et c’est bien grâce à Natou. D’abord elle avait tout organisé au cordeau : elle avait réuni le matos, fixé le rancard avec Henri et m’avait désigné rameur en chef, comme ça je faisais pas tapisserie.

On n’a pas eu de sardines, il paraît que l’eau n’est pas assez salée pour ça.

« Comment j’aurais pu deviner moi ? Chez le poissonnier c’est pas rangé eau douce et eau de mer ! », je leur ai dit.

J’ai beau être un gars de la ville, je sais bien qu’il n’y a pas de sardines dans les lacs quand même, mais t’aurais vu la binette de mes passagers, ça valait tout, j’ai eu du mal à garder l’air sérieux !

La moufflette de la patronne était avec nous et faut voir comment la Natou la drivait au millimètre et comment Adèle (c’est son nom) filait doux. Ça m’a impressionné car la gamine est dégourdie comme pas deux et plutôt du genre cent mille volts d’habitude. Elle a même mis sagement le gilet de sauvetage comme Natou voulait alors que je l’ai déjà vue avec Henri sans rien d’autre sur le poil que ses fringues normales.

Ces petites nénettes ont pêché des belles truites que j’ai pas comptées, un beau travail d’équipe dirigé par Natou, qui lui expliquait en détail comment faire, les appâts à mettre, la hauteur de ligne qu’il fallait et tout. J’en perdais pas une miette, ça peut resservir, mais j’ai pas demandé à essayer. Comme je dis toujours aux stagiaires : avant de te lancer, regarde les artistes et apprends. En tout cas Natou ferait un bon maître de stage, elle est patiente et elle fait pas à la place de son arpète ou juste à la fin, quand faut laisser place aux experts.

Je savais bien qu’elle a quelque chose qu’elle sait pas elle-même cette môme. C’est comme le jour où elle a montré à la serveuse comment porter son plateau, gentille, précise, sans la ramener. Elle nous a dit qu’elle n’avait pas pêché depuis que son père s’était fait buter et pourtant elle nous en a bouché un coin, même à Henri qui se laisse forcément moins impressionner que moi dans la spécialité. Tout lui était resté dans la tête prêt à ressortir au bon moment.

Le gars Henri, si j’ai bien compris lui son but ultime de sa vie de pêcheur c’est un gros sandre qui lui fait la nique depuis quelques années. Là je peux faire mon savant, j’ai regardé en rentrant sur Internet à quoi ça ressemble un sandre. Je sais pas si c’est bon en tout cas j’en présenterais pas à un concours de beauté. Mais bon, l’amour ça se commande pas. Bien sympa et pas bégueule ce Riton, on s’est dit tu tout de suite. Je me demande s’il est vraiment né dans le coin parce qu’il a plutôt un accent comme nous et puis ses expressions aussi c’est moitié raclette, moitié paname, moitié des îles. Comme les autres gars qui bossent ici il a une descente que j’aimerais pas remonter à vélo, mais hier matin il était sobre.

Faut dire que lundi question être dans le rouge si tu souffles dans le ballon, le personnel était prêt pour mettre tout le monde minable au Guiness (je parle du livre mais en volume de bière j’aimerais pas les affronter non plus). C’était un sketch, fallait voir pour le croire. Moi qui étais descendu en entendant la Toyota sur le gravier toujours rapport à avoir des tuyaux pour la partie de pêche, j’ai vite compris qu’il n’y aurait rien à en tirer, ni de lui ni des autres. On aurait dit un pot de départ chez nous. Fin torchés qu’ils étaient. Joyeux mais torchés. En deux minutes ils étaient tous à l’eau en mode Alerte à Malibu pour mon ami Igor qui dérivait au milieu du lac sur la barque d’Henri. Il se fendait la poire en chantant façon Andrea Bocelli et les regardait faire sans bouger un crayon. Dans l’opération, le livreur a dû se blesser contre la barque ou quoi, quand ils sont arrivés au rivage il avait l’air d’un boxeur après le match.

Nous autres clients on se marrait bien, certains gueulaient des encouragements plus fort qu’au Stade de France, d’autres rigolards mais braves gens sont allés chercher des couvertures pour la sortie de bain.

Après, je crois qu’ils ont quand même eu de la chance que la patronne était pas dans les parages, parce qu’elle a l’air d’être du genre à avoir des bornes et des limites dans la rigolade, en tout cas sur les heures ouvrables. J’espère pour eux que les clients vont rester discrets, dans le respect des travailleurs qui peuvent avoir des faiblesses.

Mine de rien, si c’était pas que j’ai cette mission à la con qui me gave de plus en plus et si c’était pas que quand t’es pas là c’est moins bien, ça serait dans les meilleures vacances du monde. J’ai hâte qu’on revienne.

Des bisous tout partout,

Ton Jojoff

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