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Côme de la Caterie

Chambre 9

Tractopelle à tarte

17… J’ai passé 17 coups de fil avant d’obtenir un semblant de réponse.

Je me sentais reposé, presque serein après ma première nuit passée à l’auberge.
Comme à mon habitude, je me suis levé tôt. Vite douché, vite rasé, vite habillé, j’ai décidé d’aller marcher à travers bois avec l’intention de rejoindre Pollox, d’en humer l’air, de trouver une cabine téléphonique et accessoirement prendre un café.
Juste un bonjour timide/rapide au veilleur de nuit et j’ai pris le premier chemin qui me semblait suivre la même direction que la route de Pollox. Je n’aurais jamais cru que le sentier serait si escarpé.
Mais bon…
6h00 du matin, le plaisir de voir le jour se lever au travers de la forêt, avec ce ciel qui, à l’aube, offre des couleurs où le pourpre se mélange à l’orange pendant quelques instants fugaces… Les oiseaux qui se réveillent… Je suis sûr qu’avec un peu de patience et de chance on doit pouvoir voir des animaux, des lièvres, des renards…
Vraiment, ça valait le coup de faire quelques efforts.
Quelques efforts pendant presque 2 heures quand même alors que, par la route, j’aurais mis une petite demi-heure…

Je suis arrivé à Pollox vers 8h30. Petit tour rapide du centre. Enfin, de la place de la mairie-église-poste-boulangerie.
Pas de cabine téléphonique.
Obligé d’attendre l’ouverture de la poste, en espérant que… 
Finalement j’aurais peut être dû acheter un portable avec une carte pré-payée…
Je me suis donc arrêté au Café des Sapins. UN euro, le café-verre-d’eau. UN euro ! Je crois que je n’ai pas vu un prix aussi bas depuis 10 ans.
Une demi-heure à patienter…
Peu de monde à observer. Quelques villageois âgés venus chercher la baguette du matin. Une jeune fille en robe rouge marchant d’un pas vif… Ô misère heureusement que je ne suis plus sur le marché, j’aurais eu du mal à la suivre pour tenter de lui conter fleurette.
Je tente cependant un sourire en la suivant des yeux. Elle me voit, elle voit mon sourire mais n’y répond pas…
De quoi calmer ma humeur badine : ça ne se fait plus d’aborder les jeunes filles dans la rue. #MeToo est passé par là et a calmé (presque) toutes les velléités que j’aurais pu avoir de faire du charme.
En tout cas avec les femmes.

9h00 sonnent au clocher de l’église.
On va tester la ponctualité jurassienne, la poste devrait être maintenant ouverte.
Je reconnais la jeune fille en robe rouge derrière le guichet : en fait c’est la postière. Heureusement que je suis resté soft… je ne saurais plus où me mettre…

J’ai besoin d’une cabine téléphonique. L’avantage des villages c’est qu’il reste encore des “services” disparus dans les grandes villes, sacrifiés sur l’autel de la rentabilité.
J’ai fait 17 fois le numéro avant que mon correspondant décroche.
Conversation tendue, réponses souvent monosyllabiques… Je l’ai assuré de ma loyauté mais…
J’ai à tout prix besoin qu’il me transfère de l’argent avant le 13 août…
Je déteste ne pas être en mesure de tout contrôler, je déteste devoir dépendre de quelqu’un.
Mais je n’ai pas le choix…

Ressorti de la poste, j’ai craqué, je me suis dirigé vers la boulangerie-pâtisserie.
Les gâteaux m’appellent et je parle couramment leur langage. Curieusement ici, on ne vend pas de tartelettes mais on découpe des parts dans les tartes.
Tarte aux pommes ? Tarte amandine aux poires ? Tarte aux quetsches ? Tarte au citron ?
Voilà. Tarte au citron pour accompagner le deuxième café que je vais prendre en terrasse avant de rentrer à l’auberge.
Je reste fasciné par la “tractopelle à tarte” utilisée par la boulangère pour me servir… On est au top de la modernité et de la gadgétisation à Pollox !

Je savoure ma pâtisserie, je sirote mon café, j’oublie mes soucis.
Devant ma tarte au citron je me dis que le bonheur tient finalement à peu de choses !

Pour combien de temps ?

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