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Éric Javot

Chambre 16

Tu t'es bu quand t'as vu

Donc, je résume, je suis arrivé ici exactement le premier juillet dans le but d’être au calme, et d’écrire mon prochain film…

Voilà !

27 jours et pas une ligne !

Ça va mon Éric, pas trop dure la vie ? Relax Max, à l’aise Blaise ?

Ah oui, note à moi-même pour ne pas sombrer : ce n’est pas une question de volonté, plutôt de circonstances !

Mouais !

Et un peu d’inspiration aussi…

Quoique l’argument soit de mauvaise foi vu le quotidien palpitant et les olibrius de cette auberge, il y a matière à tout, du drame à la comédie, et même, paraît-il du fantastique !

La preuve, à l’heure où j’écris ces lignes, le vieux comte russe est en train de nous faire la Traviata debout sur une barque au milieu du lac !

Donc ce week-end, je m’y mets, juré craché et tout le toutim…

Sauf que…

Bon, faut que je narre ça pour ma descendance, si un jour… Ou alors les biographes faute de mieux !

Donc, le dîner de vendredi s’est bien passé et en excellente compagnie. Au dessert, on rigolait sur l’arrivée impromptue de la belle Aneliese au petit matin, le truc qui n’existe qu’au cinéma, et même là, c’est pas franchement crédible !

Toujours tourner sa langue 7 fois dans sa bouche…

Remonté dans ma chambre, installé au frais sur mon balcon, je fumais mon cigare en sirotant mon Whisky.

Je crois bien que pour une fois j’ai dépassé la dose prescrite. Sœur déprime, toujours nocturne, a pointé son nez dans le Jura. Il se pourrait que ce soit la critique sur « L’Ibère sera rude » dans les cahiers du cinéma, lu dans l’après-midi, qui m’ait fait comprendre ma nullité.

 

XX. Balcon. Ext. Nuit :

 

 

Moi 1

En fait, Éric, faut bien prendre conscience que depuis des décennies, ton œuvre, tu parles ! C’est ni fait ni à faire, du foutage de gueule ! C’est de la merde ! Je me demande encore pourquoi le public se déplace dans un cinéma ! Normal que t’arrives pas à écrire quoique ce soit, en fait tu es mauvais, nul, à chier, t’as autant de talent qu’un poisson rouge au Tour de France ! Même Libé le dit ! T’aurais dû aller à Ibiza, prendre les deux auteurs, et te taper les poulettes russes à disposition pendant qu’eux te pondaient un truc qui tienne la route ; en plus ils auraient trouvé un rôle à Poelvoorde.

 

Moi 2

Allez encore un verre pour m’aider à dormir…

 

Moi 1

Et puis à Ibiza tu n’aurais pas rencontré Élisa, que de la pute rémunérée, pas d’attache autre que le portefeuille de Bernard ! Voilà à quoi servent tes films, à lui payer des putes ! OK, il est partageur.

 

Moi 2 

Ouais, mais ce n’est pas très moral quand même ? Y faudra que je lui en cause un de ces quatre  ! Parce que c’est important la morale dans nos métiers ! Y parait qu’on est des exemples !

 

Moi 1 

Pfff tu parles d’un exemple ! Tu fais des films nuls, ringards, trop longs… même pas foutu d’écrire ! Ah ouais la morale et l’exemple, un vieux qui se tape une gamine qui pourrait être sa fille ! Toi qui n’as pas de gamin ! Du moins à ta connaissance ! Manquerait plus que ça, un chiard qui aurait honte de son père !

 

Moi 2 

Ouais, faut que j’arrête avec Élisa, plusieurs jours que cela me trotte dans la tête ! Vingt-huit ans ! pfff

 

Moi 1 

T’es pas Vincent Cassel ! Tu les vois les réseaux sociaux ? « T’as vu le vieux, il sort avec une gamine , ce doit être un vieux pervers plein de fric ! Et va donc et Weinstein #metoo !  ok boomer»

 

Moi 2 

Ouais, t’as raison mon vieux Éric, c’est pas un cadeau à lui faire ! Et puis les gens vont dire que c’est pas une actrice de talent, mais juste la copine à Javot, que c’est pour ça qu’elle tourne !

Hop allez encore un verre…

Bon demain je la quitte c’est mieux pour nous tous !

 

Moi 1

D’ailleurs si ça se trouve, elle est pas amoureuse ! Tout ça, c’est un coup monté ! Elle connaissait ta planque jurassienne, elle a payé la patronne pour avoir la chambre contiguë ! Tout ça pour que tu la fasses tourner ! Ouep c’est ça Éric ! elle se sert de toi en fait !  Tain ! La salope !!!!

 

Moi 2 

Allez demain j’la quitte, j’y fais un mail, j’y mets les morfes, heu les formes, quand même, faut pas déconner ! J’ai de l’honneur moi ! (En pleurant) Tain comme je me suis fait avoir comme un bleu ! Ouais, n’empêche que je vais quand même lui dire ma façon de penser ! C’est pas des namières de faire !

 

Couper

fondu au (trou) noir

 

Après j’ai oublié ce qui s’est passé, jusqu’à ce que quelqu’un frappe à ma porte !

Ça me faisait comme un pivert dans la tête !

J’étais là comme un con ! Encore habillé, affalé sur mon lit !

Oh putain je m’en suis mis une !

 

« Nan, mais par pitié, arrêtez de taper sur cette putain de porte !

J’arrive !!! »

 

Je titube jusqu’à la dite porte, j’ouvre, et là qui je vois ?

J’y crois pas !

Eliza June Lauren en personne !

En chair et en os !

Pour de vrai !

Là devant moi …

 

On n’a pas quitté la chambre du week-end…

 

Je n’ai toujours pas écrit une ligne.

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