— Gaz’ ? Gaz’ ? Tu es là ?
Me redressant et me tortillant pour la voir par-dessus le plateau du pick-up, j’éclate de rire devant cette apparition mystique à l’entrée de la grange. Elle a une tignasse de cheveux en pétard, ses grands yeux bleu encore un peu plissés et rougis par le sommeil, un vieux t-shirt Never Mind The Bollocks
miteux et râpé au possible, un caleçon en fine dentelle parme et… une paire de Crocs d’un jaune fluo des plus criards aux pieds.
— Quoi ?!
— Rien. Rien. C’est la dernière tendance dans le milieu Underground
bruxellois ?
— T’es con, mon pauvre frère. Mais t’es con…
— Et toi particulièrement sexy.
Elle finit de contourner le Toyota et vient se blottir dans mes bras. Sans doute plus pour finir de se réveiller que pour autre chose, à mon avis.
— Merci pour les croissants et les brioches. Tu n’as toujours pas dormi, n’est-ce pas ? Ça va ?
— Ça va, oui. Pour le moment, ça va encore. Tout semble sous contrôle. Faudrait pas que ça dure trop par contre. J’étais justement en train de commencer à m’organiser. Dis…
— Oui ?
— C’est tout de même pas le t-shirt de maman que tu as là ?
— Si. :-)
— Pas possible !?
— Ben si. Je l’ai sauvé d’une cruelle opération « Poubelle ! ». J’ai bien réussi à m’en procurer une copie récente aussi mais… C’est pas pareil.
— Dis…
— Oui ?
— On dirait que t’as pris du cul.
— Vire ta grosse paluche de mon popotin, Gumowski. Ou je te déchiquette le téton à coups de dent.
— Deal.
— Tu t’es occupée de Bernadette, au fait ?
— Oui, frangine. Ta copine à deux roues est prête pour un rodéo. Vidange, filtre, décrassage, plein, et gonflage.
— Cooooooool !
— Qu’est-ce que t’as fait de ta blonde ?
— J’l’ai étouffée sous un oreiller. Elle ronflait. Tu le crois, ça ? À peine passé trente ans qu’elle se met à ronfler ! Va falloir que je la change. Ça va me fendre le cœur…
— Il t’arrive toujours de sucer ton pouce ?
— Je t’emmerde.
Nous sommes restés un moment comme ça, silencieux et serrés l’un contre l’autre. Ça ne nous était pas arrivé depuis une éternité. Exactement comme nous le faisions quand elle était enfant et que je pouvais encore passer pour celui qui la protégerait contre tout, pour toujours.
— Ça va vraiment, hein ? Tu promets ?
— Ça va vraiment, oui. Je promets.
— Promets-le moi dans les yeux…
Elle m’a pris la tête et nous a collés nez à nez, plongeant son bleu limpide et irréel dans mon vulgaire marron sombre.
— Ça va. Promis dans les yeux.
Elle m’a laissé barboter un bon moment dans son lagon avant de rendre son verdict.
— D’accord. Je te crois. Mais…
— Mais quoi encore ?!
— Quelque chose m’inquiète dans ton regard. Il a changé. Plus profond. Plus perçant. Quelque chose de sauvage, aussi. Presque un peu fou…
Qu’est-ce que j’aurais bien pu répondre à ça sans bredouiller des inepties, moi ? J’ai heureusement été sauvé par un gong tonitruant et inespéré.
« J’AI FAIM !! »
— Ah ! On dirait que Mademoiselle Zacchetti est enfin levée…
— À ce sujet, Gaz’… Il faudrait qu’on trouve le temps de parler sérieusement cette semaine. Tu veux bien ?
— Avec plaisir. Et puis… Ça tombe bien, j’aurais aussi un truc à te demander.
« OH ! EH ! LES GUMOWSKI ! J’AI. FAIM ! »
1 Commentaire de Noé -
Il a de la chance d’être entouré, le gars Gaz’. Et, oui, qu’ils se causent !
2 Commentaire de Nuits de Chine -
Je confirme, les ronfleuses, ça devrait pas être permis. Ou à la limite tatoué sur le front pour qu’on sache avant de s’engager.
3 Commentaire de Sacrip'Anne -
Jolie fratrie, tiens.
4 Commentaire de Pep -
Gaston, quand tu veux tu me prêtes ta frangine ! ^^
@Nuits de Chine > Un message à faire passer à quelqu’un en particulier, peut-être ? ;-)
5 Commentaire de Mel'O'Dye -
de ronfleuse à ronfleuse … soutien !!! (pardon Gaston :* )