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Éric Javot

Chambre 16

Zen restons zen du calme à la vie comme à la scène

« Ave Cesar, rosae rosam, et spiritus rex ! »

Ah non, parce que là, j’en ai marre !

 

Je passe le reste de la journée de jeudi entre coups de fil, messages, sollicitations de toutes sortes, comme si l’on ne pouvait plus disposer de son cul comme bon nous semble !

Heureusement, le soir, notre barbon slave a remis un peu d’ambiance en nous offrant de la manière la plus grandiloquente qui soit un verre de vin blanc pour s’excuser de ses frasques musicales de la nuit d’avant ! Il commence à bien me plaire ce Russe blanc ; pas si grabataire que ça, on dirait !

 

Bon là, tu arrives à vendredi en te disant que l’orage est passé, une petite journée peinarde avant de me remettre à l’écriture. Ok, tu restes aux aguets, parce que les paparazzis, c’est pire que des hyènes quand elles tiennent une proie !

Et il se trouve, à propos de journaleux, que je les sens à 10 kilomètres à la ronde !

J’étais tranquille dans le patio, quand je l’ai vu se pointer : Jeune, belle, plutôt fine, dynamique, l’élégance de celle qu’on envoie pour appâter le merlan !

Et quand le Merlan c’est moi, je biaise !

Elle avait l’air de chercher quelqu’un et elle m’a vu ; j’ai à peine eu le temps de me lever pour fuir qu’elle était à mes basques.

 

XX. Ext. Jour/ devant le patio de l’Auberge :

Richard marche à grandes enjambées en direction du lac, Une jeune journaliste le suit essayant de l’interpeller.

 

Journaliste

M. Richard auriez-vous une minute à me consacrer ?

 

Richard

(Marchant droit devant sans regarder la journaliste)

Les assassins et les voleurs se nourrissent de journaux. L’homme traqué est obligé de se tenir au courant de tout. Depuis cette manie des portraits-robots, je suis obligé de changer de tête tous les jours. Je m’étais fait hier, je crois, la tête de l’homme qui boit. Demain de quoi sera-t-il fait ?

Journaliste

Non, mais excusez-moi je suis…

Richard

(Ne prêtant toujours aucune attention à la journaliste)

Le Yang-Tsê Kiang… Je ne vous apprendrai rien en vous rappelant que Huang Ho veut dire fleuve jaune et Yang-Tsê Kiang fleuve bleu. Je ne sais pas si vous vous rendez compte de l’aspect grandiose du mélange. Un fleuve vert ! Vert comme les forêts, comme l’espérance. Matelot Journaliste, nous allons repeindre l’Asie, lui donner une couleur tendre. Nous allons installer le printemps dans ce pays de merde.

 

La journaliste dépasse Richard et se retourne en se mettant face à lui, les poings sur les hanches, l’obligeant à s’arrêter.

 

Journaliste

Je suis Anneliese, la fille de Ann-Kathrin von Aalders.

On peut causer un instant ?

 

Couper

 

——————-

 

J’ai dû rester figé, c’est vrai qu’à y regarder de plus près, la demoiselle était une sorte de copie presque conforme en plus jeune d’Ann-Kathrin.

 

Je me suis confondu en mille et une excuses, expliquant ma méprise, elle a rigolé en me disant qu’elle comprenait, vu les circonstances. On a ensuite parlé de tout et de rien, surtout de rien puisqu’elle m’a dit qu’elle avait été voir « L’Ibère sera rude » et qu’elle avait beaucoup aimé : « Ah ! C’était donc vous ? ». Ensuite elle est partie sur une analyse psycho-historico-sociale du film. C’est ce que j’aime, dans le fait de fabriquer des films, c’est qu’il faut attendre qu’il soit fini pour qu’enfin l’on nous fasse comprendre la substantifique moelle de ce que l’on a voulu exprimer !

Ann-Kathrin est enfin apparue et m’a sauvé en m’enlevant sa fille ; l’on s’est promis de dîner tous ensemble le soir même !

 

Donc là, je me dis que le gars Éric, il aurait comme un besoin de se reconnecter à la réalité vraie, genre, souffler et retrouver un peu de sérénité. Bingo, après le repas, à l’heure où certains siestent, une petite méditation sur la plage devrait me faire du bien !

1, Inspire, expire, 2, inspire, expire… 

Laisser  passer les pensées comme si elle était sur une rivière, les laisser filer au fil du courant sans s’arrêter dessus, sentir le vent  sur sa peau, inspire, expire…

Écouter les bruits qui m’entourent, juste constater, l’oiseau au loin, le  bruissement des feuillages, des pas rapprochés, le bruit de l’eau sur la rive, inspire, expi…

 

Natou

Je ne vous dérange pas ?

Ah pardon, je vous emboucane ? Je me tais.

 

Ah Natou ! Si elle n’existait pas, il faudrait l’inventer !

Lui proposer de se taire, c’est un peu comme demander à un homme politique de ne pas mentir, à une assurance de vous rembourser au juste prix. Natou qui dit « je me tais », c’est l’alcoolique qui promet que c’est le dernier verre et qu’après il arrête de boire ! Natou, elle escagasse, mais on ne peut que l’aimer avec son accent chantant Té ! On dirait que Marseille a été inventée rien que pour elle !

Bref Natou c’est Natou, et quand Natou est là, ben tu oublies que tu voulais méditer et tu causes. Enfin, c’est surtout elle qui cause ! Elle t’explique sa vie, genre tu pourrais en faire une saga. Tu vois le Parrain ? Tu vois les Misérables ? Ben tu mélanges le tout et tu sors un film chaque année pendant au moins trois décennies !

Je lui dis qu’elle devrait faire du stand up. « Té cé quoi ça ? » qu’elle m’a dit, alors je lui ai expliqué. Elle ne voyait pas ce qu’elle pourrait dire pour faire rire les gens :

-  Ton histoire Natou, juste ton histoire, mais avec tes mots et ton accent

- Fan quel accent ? T’es bien un fada de Parigot toi ! cé vous aute qui avé l’accent…

Après on a parlé de son Toni, elle ne comprend pas que les gens lui disent de se méfier de lui. « Même si des fois y s’agace, il est gentil mon Toni ! Et pis y m’aime ! ». Alors je lui ai dit que c’est vrai, que personne ne le connaissait mieux qu’elle, son Toni, mais que vu de l’extérieur, des fois on pouvait croire des choses, se faire des histoires dans la tête. Qu’en plus il avait une gueule de cinéma, si ça se trouve il ferait un bon acteur !

« Toni ? Acteur de cinéma ! qué galejade ! Pour faire quoi ? Le beau gosse ? »

 

XX. Int/ petite pièce :

Toni, Natou et Pierrot sont autour d’une table, la lumière jaunâtre traverse un épais nuage de fumée de cigarette.

 

Toni

Pierrot, tu sais que je t’aime bien, mais dis-moi, je trouve que tu regardes beaucoup Natou.

 

Pierrot

Ah non Toni je t’assure, elle ne m’intéresse pas Natou

 

Toni

Comment ça, elle ne t’intéresse pas ? Elle ne te plaît pas Natou ?

 

Pierrot

Si, si elle me plaît beaucoup…

 

Toni

Comment ça, elle te plaît beaucoup ma Natou ?

 

Pierrot

Nan, mais si, mais…

 

Toni

Étant raisonnable, je suis prêt à chercher une solution pacifique à nos problèmes.

Après tout nous ne sommes pas des tueurs.

Tu as une femme, des enfants ?

 

Pierrot

Heu oui…

 

Toni

Tu t’occupes de ta famille ? C’est bien, parce qu’un homme qui ne s’occupe pas de sa famille ne sera jamais un homme.

Alors tu sais quoi, je vais te faire une offre que tu ne pourras pas refuser.

Tu vas aller au bar, tu vas aller voir le patron, celui avec le tablier noir, OK ?

Et tu vas lui demander une Vodka Martini, bien frais ! Un coca pour Natou et ce que tu veux pour toi ! Ça marche ?

 

Pierrot

D’accord Toni, je vais faire ça pour toi

 

Pierrot se lève et se dirige vers le bar

 

Toni

Pierrot !

 

Pierrot (se retournant)

Oui Toni ?

 

Toni

Au shaker, pas à la cuillère la vodka Martini, je te fais confiance !

Rappelle-toi, quand on a commencé d’étrangler le chat, il faut le finir !

 

Alors que Pierrot s’éloigne, Toni se tourne vers Natou

 

Toni

Je t’aime Natou, je t’aime d’amour!

Ça ferait un mélange terrible tout le regret du mal que je t’ai fait et le plaisir du bien que je veux te faire…

Tu pleures ?

 

Natou

C’est pas moi qui pleure, c’est mes yeux ! Té !

 

Coupez

 

 

————-

 

Natou m’a appris à méditer autrement, nous avons beaucoup ri ; c’est également très efficace !

Le soir au dîner, surprise ! Nous étions quatre, Ann-Kathrin est arrivée main dans la main avec le japonais à l’accent helvète :

« Éric, je vous présente Akikazi Takenaka, Akikazi qui comme son nom ne l’indique pas est suisse, voici Éric Javot avec qui j’ai l’honneur et la joie de partager la couverture de People Stars ».

 

On dirait qu’il y a de l’officialisation dans l’air, les paparazzis n’ont qu’à bien  se tenir !

 

Nota Bene : Toute ressemblance avec des oeuvre existantes n’est en aucun cas fortuite, sauras-tu en retrouver les références ?

 

 

 

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