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Diane

Chambre 2

Changement de cap

J’ai des nouveaux amis ! J’ai d’abord recroisé Jeanne après le petit déjeuner d’hier. Je revenais d’une balade autour du lac et je l’ai vue dans le patio, une tasse de thé devant elle. Elle m’a fait signe et m’a invitée à la rejoindre.

Elle est douce cette Jeanne, c’est vraiment l’image que j’ai de la grand-mère. Pas très grande, un peu ronde, on imagine qu’elle a dû en dorloter des enfants dans son giron. Quand je lui ai parlé de mes filles, elle a eu l’air intéressée et attendrie. Je brûlais d’envie de remonter chercher mon téléphone pour lui montrer des photos, et je me suis souvenue que j’en avais imprimé en petit format pour les insérer dans mon portefeuille. Elle m’a raconté sa relation très forte avec sa petite-fille Émilie et son arrière-petite-fille Inès. “Si vous étiez venue avec vos filles, elles auraient pu jouer ensemble !” Je lui souris et lui explique les raisons de mon séjour ici:

- J’aimerais bien, moi aussi, qu’elles soient là avec moi. Mais j’ai besoin de me retrouver seule, et de réfléchir. Leur père m’a fait un coup pendable. J’ai beaucoup sacrifié pour lui : ma carrière qui n’a jamais commencé, ma conception de la vie de famille. Bref, j’ai une petite voix intérieure (en fait j’en ai même plusieurs, c’est une vraie cacophonie dans ma tête !) me dit qu’il est temps d’exister pour moi.

- Je vais prier pour vous.

Mon premier réflexe était de rire, mais elle affichait un air très sérieux.

- Merci, Jeanne. Au point où j’en suis, un peu d’aide divine ne serait pas de trop ! Juste pour avoir un peu de courage…

- Si j’arrive à trouver le moyen d’aller à la messe dimanche, je brûlerai même un cierge pour vous.

- Ah, ah ! Une prière suffira ! Mais pourquoi vous ne pourriez pas aller à la messe dimanche ?

- Il faut que je trouve un moyen de m’y rendre. Quand j’étais jeune, j’avalais des dizaines de kilomètres en vélo, j’allais où je voulais, j’étais libre. Mais aujourd’hui mes jambes ne sont plus assez fortes. J’ai besoin qu’on m’y emmène en voiture.

- Pour être allée en vélo au village ce matin, je peux vous dire que ça tire dans les mollets ! Et quand les mollets saturent, il faut solliciter tout le reste. Mais c’est ma grande fierté du jour, je suis contente de pouvoir la partager avec vous: je n’ai pas fini à pied. J’ai tenu bon !

- Alors là, bravo, je vous félicite !

Et on s’est mises à rire.

- Mais je reviens sur cette histoire de messe. J’ai une voiture, je peux vous emmener, si vous voulez.

- C’est gentil. Vous y allez aussi ?

- Euh, non, je n’avais pas prévu d’y aller. Mais ce n’est pas grave, je peux vous emmener, rester à lire en terrasse le temps de la messe et vous ramener.

- Non, c’est gentil, mais ça m’embête que vous vous déplaciez exprès. Je pensais demander à la dame qui porte un foulard noué sur sa tête, je ne sais pas si vous voyez de qui je parle.

- Oui, je crois voir. Une dame très frêle, qui n’a pas l’air en très bonne santé, je l’ai déjà aperçue, mais sans lui parler.

- Moi non plus, je ne lui ai jamais parlé. L’autre jour, elle n’était pas très loin de moi au restaurant, j’ai vu qu’elle portait un médaillon de la Vierge à l’Enfant, je pensais lui demander. Et sinon, je pensais m’adresser à l’accueil.

- Oubliez l’accueil, je vous dis que je vous emmène. Proposons à la dame au turban. Si elle peut vous emmener, vous y allez toutes les deux, et sinon, je vous emmène !

- Bonne idée. Ah, bah me voilà bien soulagée.

- Tant mieux, si je peux vous aider. Ça me fait plaisir. Sincèrement. Vous savez où aller et à quelle heure ? Je ne peux pas vous aider cette fois, j’ai fait vœu d’abstinence au niveau du portable !

- Non, pour ça aussi, je comptais demander à l’accueil.

- Ils devraient avoir les infos. Je vous laisse vous renseigner et vous me dites ? Il nous faut aussi trouver la dame au turban et lui demander si elle veut aller à la messe.

Et pile à ce moment-là, on la voit revenir avec son mari, incroyable ! Je pense même “miracle”, puisqu’on en est à parler messe et bon Dieu. Jeanne toute ragaillardie par ces bonnes nouvelles se lève, lui fait de grands signes et l’invite à nous rejoindre. Le couple reste assez incrédule un instant et nous sourit. Ils nous rejoignent peu de temps après. On se présente et on discute facilement, comme si c’était évident.

Jeanne est ravie, Brigitte a effectivement prévu d’aller à la messe du village à 9h dimanche. Décidément, les planètes s’alignent bien ! Mais elle préfère y aller à pied. Je garde donc mon rôle de chauffeur. Brigitte nous a indiqué qu’une autre résidente se rend également à la messe. Jeanne n’en peut plus de joie ! Je me dis qu’elle aussi va débarquer sous nos yeux, vu comme c’est parti, mais non.

Après avoir discuté des environs, du temps incroyable dont nous bénéficions, de nos expériences de randonnées, balades à vélo et flâneries autour du lac, nous regagnons nos chambres. Nous avons convenu que je laisse un mot sous la porte d’Irène-Aimée. C’est moi qui ai le nécessaire à correspondance indigo, il faut bien qu’il serve. Irène-Aimée, Irène-Aimée, Irène-Aimée… Pourvu que je ne me trompe pas dans les prénoms au moment de déposer le mot !

Programme du jour : réitérer mes exploits à vélo, déposer le petit mot pour Irène-Andrée, et décider si j’accompagne mes nouvelles copines à la messe. J’ai l’impression que le bon Dieu me fait des signes. Et j’aurais bien besoin d’un peu de soutien pour lundi.

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