5 heures, debout en pleine forme. Il n’y a rien de mieux qu’une bonne nuit de sommeil dans un lit confortable après un bon dîner.
Moi qui croyais trouver une cuisine rustique, non, c’est une cuisine du terroir, délicieuse. Surprize ! de la grande cuisine au fin fond du Jura !
Hier soir : Soupe froide (concombre, courgette, fèves), Escalope de veau aux champignons et au comté, accompagné de riz, Salade de fruits de saison (nectarine, myrtilles, fraises, pastèque). Quel peps dans ma coupelle ces couleurs ! Un plein de vitamines pour les yeux et le corps.
Evidemment, pas de réveil. Après toutes ces années à me lever à la même heure, mon horloge biologique a pris le pli. Aussitôt j’ai enfilé jogging, gros sweat noir et baskets turquoises avant de descendre discrètement. J’ai vu le veilleur de nuit, lui ai adressé un signe de tête et ai filé.
Pour commencer, six tous petits kilomètres. Un peu de marche tout en m’échauffant, puis petites foulées régulière jusqu’au Village Haut et retour avec des phases de sprint. Un peu trop facile pour le coup. Demain j’aurais préparé un itinéraire un peu plus dans mes habitudes.
C’était bien de voir le jour levant. Cette lumière qui peu à peu remplace la nuit. Ce moment si particulier où la voute céleste s’éclaircit, passant au bleu teinté de rose. Puis le halo jaune du soleil qui émerge au dessus des montagnes boisées. C’est juste beau. Ah ! La Nature ! Il n’y a rien de mieux pour se sentir vivant.
De retour à ma chambre, après une douche rapide, j’enfile mon hakama de coton indigo et un maillot blanc. Je file sur ma terrasse exposée plein nord. Elle est assez grande pour ma pratique quotidienne de Taikyokuken[1]. Mettre la tenue c’est déjà se préparer mentalement à l’exercice
professait mon enseignant de japonais au collège. J’y reviendrai.
Mes muscles chauds de la course à pied et de la douche se détendent en douceur au fur et à mesure des enchaînements. J’ai toujours trouvé cela magique. Ma mère compare cela au repassage. Tellement elle.
Après un petit-déjeuner copieux, j’ai décidé d’aller donner un coup de frais à mon fidèle char. J’ai puisé de l’eau du lac dans mon seau (un des ustensiles utiles toujours dans ma cantine) et lavé la bête. Puis un regard sous le capot. Tout va bien.
J’avise un vieux LandCruiser FJ45, version pick-up rallongé en plus, et encore plus vieux que mon Defender. J’en fais le tour, admirant le petit bijou. A qui appartient-il ? Surement quelqu’un du coin.
Désœuvrement. Questionnement. Normalement dans ces cas là, je prends mon okedo daiko. Ici, il faut d’abord que je trouve un endroit où le bruit ne dérange pas trop les résidents. Il me reste le carnet. Je monte dans ma chambre et je m’installe sur la terrasse. C’est parti ! D’abord raconter les évènements.
D’abord, il me faut expliquer mon parcours jusqu’à ce jour. Rappeler les faits, avec concision (le B.A-BA du rapport).
Durant ma terminale L, pour littéraire, j’ai commencé à avoir des doutes. J’aimais toujours autant ce que je faisais. Depuis le collège, Allemand et Japonais est le meilleur choix que j’ai eu à faire. Immersion complète dans la culture, à travers la langue, la littérature et l’histoire. Je me destinais donc à une Licence (au moins) en LLCER Allemand-Japonais, dans l’idéal. Et puis ce doute qui s’insinue, enfant de la pression paternelle sur l’excellence scolaire et du poids de mes nombreuses sœurs.
Une fois le bac en poche avec mention Très Bien (à la satisfaction de mon père), je m’engage, pour trois ans, dans l’armée de Terre, que j’avais approché lors du salon de l’étudiant à Rouen. Scandale familial ! Grosse crise avec ma mère en pleurs, mes sœurs hystériques, mon père hurlant. Aussi, c’est avec soulagement que je les ai quittés. Après tests divers et divers entretiens, je me vois proposer de suivre la formation de sergent instructeur, ce que je deviens après l’examen. Mission remplie suffisamment bien pour rempiler pour trois ans. Comme j’ai aimé ! Comme j’aime encore.
Alors pourquoi n’ai-je pas rempilé ? Beaucoup de questions quant à ma vie personnelle des dix prochaines années.
Comment concilier une vie affective ? Alors que les relations avec subordonné ou supérieur sont interdites ? Alors que je n’ai de liens qu’au sein de l’armée ? Comment concilier avec le déploiement ? Moi je ne le suis pas, mais l’autre ?
Que sais-je faire d’autre ? Rien à part parler allemand et japonais, jouer du tambour, tirer avec un arc de plus de 2m, faire les enchainements du Taikyokuken. Rien d’autre qu’encadrer de nouvelles recrues, courir avec paquetage et arme, crapahuter, grimper, sauter, ramper, obéir.
J’ai refermé d’un coup sec le carnet. Agacement dont je connais le meilleur remède : aller dans la nature. Ce que je fais après le déjeuner. J’installe mon instrument sur le siège du passager, coincé avec le plaid que ma grande sœur m’a ramené d’Ecosse, avec ses couleurs de landes, ce marron terre et ce violet discret rappelant la bruyère. Je file sur la route direction Pollox, le village tout près. Je cherche une piste, que je ne manque pas de trouver suffisamment loin de l’auberge.
J’installe mon instrument sur mes épaules avant de m’enfoncer un peu dans le bois. Et là je joue, tapant en faisant mes gammes, ces rythmes du début de l’apprentissage. Une sorte d’échauffement. Puis j’accélère, toujours le même enchainement de rythmes. Plus vite, plus fort, jusqu’à l’essoufflement. Jusqu’à vider ma tête.
Et puis redresser la tête, le souffle court, regarder les verts de la végétation et entendre un pic vert jouer sur son fut aussi. Je le cherche, il n’est pas loin. Je le trouve grâce à sa tête coiffée de rouge. Je tape au même rythme que lui, tout doucement, les mêmes trois coups rapprochés. Puis j’écoute sa réponse. Un dialogue s’installe.
C’est beau. Bon. Hors du temps. Hors du monde.
Puis il se tait.
Je reste de longues minutes immobile.
C’est le poids de l’okedo daiko qui me sort de ma… De ma quoi au juste ?
Je retourne à la voiture. En refermant la portière droite, mon regard est attiré par une petite corolle orange. Une girolle ? A cette époque ?
Note
[1] Tai Chi Chuan japonais
1 Commentaire de Sacrip'Anne -
En voilà encore un qui cause aux animaux, nous v’là bien ! ;-)
2 Commentaire de Avril -
Une certaine sensualité entre les lignes de ce texte qui me plait beaucoup.
3 Commentaire de Lilou -
j’aimerai entendre le son de l’okedo daiko j’ai comme l’impression qu’il raisonne dans tout le corps
4 Commentaire de Hugo Loup -
@Sacrip’Anne> Je ne parle pas aux animaux, c’est juste mon okedo daiko ;-)
@Avril> Merci ça me touche
@Lilou> A la fin de mon 1er billet il y a un lien dans “Mood musical”. Ecoutes avec un casque ou des écouteurs c’est encore plus vibrant.