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Antoinette Lalande

Chambre 3

Repos forcé


Ma chère Pascale,

Je te présente toutes mes excuses, cela fait des mois que je n’ai pas répondu à ton dernier courriel… Mais bien des choses se sont passées depuis Pâques, notamment (comme tu t’en doutes sûrement) le décès de Charles et ses funérailles.



Maintenant que le plus lourd est réglé, je vais enfin pouvoir prendre le temps de reprendre notre correspondance. Tu ne me croiras jamais : je viens de poser mes valises pour TROIS SEMAINES dans une auberge fort rustique au fin fond du Jura ! Je viens tout juste de m’installer sur la terrasse de ma chambre, après des heures interminables de transport pour arriver dans ce trou perdu.

Je n’ai pas vraiment eu le choix, mes enfants ne supportaient pas l’idée de me savoir seule à Paris dans cet immense appartement, alors ils m’ont réservé une chambre dans cette auberge et un billet de train. Puis ils m’ont mise devant le fait accompli ! J’ai eu une de ces envies de les envoyer balader, si tu savais…et puis j’ai vu le regard de Nicolas, tant de tristesse, de fatigue et d’inquiétude… Je n’ai pas voulu en rajouter, alors j’ai forcé un sourire, je les ai remerciés et j’ai pris ce foutu train.

Bon, si je mets de côté ma mauvaise foi, l’auberge n’est pas si mal, la chambre est spacieuse et confortable avec une belle terrasse. J’ai été accueillie par la charmante aubergiste, mais je n’ai pas été jusqu’à oser lui demander la programmation culturelle du coin… je craignais trop qu’elle ne me propose un quelconque bal ringard ou pire, un loto municipal ! Surtout, elle avait l’air sacrément préoccupée. Alors une fois n’est pas coutume, je crois avoir été particulièrement agréable.

Je n’ai aperçu que quelques résidents, j’ai laissé traîner une oreille par-ci par-là pour comprendre qui j’allais me coltiner pendant ces trois semaines. Il y a de sacrés énergumènes ! Un vieillard qui vocifère avec un accent russe, suivi par un pauvre bougre qui n’a pas l’air de passer des vacances très reposantes ; un couple de provinciaux bien du Sud, eux je ne les ai pas vraiment vus mais qu’est ce que je les ai entendus ! Au moment où j’allais monter dans ma chambre, une grosse Jeep est arrivée devant l’auberge et une gamine plus petite que moi en est sortie. Elle avait l’air d’avoir bien besoin d’une douche !

Il y a aussi une femme qui aurait l’âge d’être ma fille, elle est ma voisine de chambre. Je ne l’ai pas entendue parler mais j’ai été saisie par son regard, il m’avait l’air curieusement familier. Elle m’intrigue.

Ceci étant dit, et bien que ce ne soit pas exactement le type d’établissement que j’ai l’habitude de fréquenter, je devrais m’en accomoder. Je n’ai pas tellement le choix, à vrai dire ! Je vais essayer de suivre les conseils de mes enfants, de me reposer, de rester au calme dans cette auberge.

Mais assez parlé de moi… Comment vas-tu, depuis ton dernier mail ?

Cet hiver, nous avions évoqué l’idée de nous revoir, bien que cela m’effrayait un peu… Qu’en penses-tu aujourd’hui ?

Je vais descendre dîner, Je t’embrasse,

Antoinette

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