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Diane

Chambre 2

Le chant cacophonique des sirènes

Évidemment, cela ne pouvait pas durer. Malgré la discipline de fer que je me suis imposée pour ne penser qu’à l’instant présent, qu’à ce qui m’entoure, les petits oiseaux, le bleu du ciel, le jaune des tournesols, le vert des arbres, j’en passe et des meilleures platitudes, la réalité est revenue se rappeler à mon bon souvenir. Elle n’est pas venue franche et directe en sortant du petit bois derrière l’Auberge, non ! Elle est revenue par petites touches imprimées dans mon cerveau sans que m’en rende compte. Par le petit rire d’Adèle qui rigolait avec sa maman, par ma petite voisine que j’ai vue l’autre jour chahuter avec son homme, par la mine paniquée du type qui accompagne le vieux monsieur qui joue la diva… (je n’en reviens pas de la scène du malaise qu’il nous a jouée pendant le dîner d’hier. J’ai admiré l’insolence et le panache du monsieur au T-shirt rouge. C’est vrai qu’il fallait lui montrer qu’il n’était pas en pays conquis !) Tous ces petits événements anodins me sont revenus par le même boomerang, en pleine nuit. J’ai rêvé que je retrouvais mes filles alors qu’elles étaient adultes, qu’elles avaient appris à vivre sans moi et comptaient bien continuer comme ça, merci.

« Et oui, après tout, cela fait quatre jours que tu te conduis comme si elles n’existaient pas, comme si tu étais seule, pourquoi ne feraient-elles pas pareil ? » La Dévouée s’était précipitée dans la faille. « Ça y est, tu te rappelles que tu as plaqué tout le monde pour venir t’isoler ici ? Toi aussi tu as fait ta diva ! »

- Ouais, bon ça va ! D’abord on n’a pas tout plaqué. Tout est sous contrôle : les filles ne sont pas laissées à leur sort, mes parents gèrent et m’ont laissée partir. En plus, on a la bénédiction du médecin qui a prescrit la convalescence. Alors on se calme madame Dévouée ! » L’Aventurière était venue à la rescousse. « Et puis d’abord, rétablissons les faits : ce n’est pas moi qui ai tout plaqué !

- Alors là, madame l’Aventurière, je ne vous comprends plus. On a l’opportunité unique de suivre Monsieur dans un pays merveilleux, et on rechigne ?

- Non mais au secours, elle confond tout. Ce n’est pas de l’aventure, ça ! C’est rester accrochée à une laisse qui se raccourcit de plus en plus ! L’Aventure, c’est de couper la laisse et se mettre à explorer toute seule ! C’est de saisir l’opportunité de s’affirmer, de (re)devenir indépendante, de …

- Indépendante ?! Ah laisse-moi rire ! Il faut travailler pour être indépendante ! Il faut être capable de s’occuper de tout toute seule : le bricolage, la paperasserie, … tiens, tu sais où est branchée la box internet à la maison ? Et si elle tombe en panne, tu sais ce qu’il faut faire ?

- Bah, je trouverai bien. Et puis, il y a toujours quelqu’un pour te dépanner au début. On va apprendre !

- Super programme ! Alors que si on part en exil, on aura plein de temps pour explorer un nouveau pays, lire, faire la sieste, comme ici, en plus grandiose quand même ! Hein madame je m’éclate à faire du vélo et m’extasier des merveilles de la Nature ! Tu serais servie là-bas. Et puis, on resterait tous ensemble. On aurait du temps pour être avec les filles. Comme l’aubergiste avec Adèle. Les amis et la famille viendraient pour les vacances, …

- Tu pourras dire ce que tu voudras, c’est une cage dorée qui nous attend là-bas ! Je n’irai pas et les filles non plus !

Je mis fin à ce dialogue intérieur en allant prendre l’air sur le balcon de ma chambre. La fraîcheur me saisit sur le moment, mais éteignit les émotions qui me submergeaient. Le rose et le violet de l’aurore coloraient le ciel au-dessus du lac. Lorsque mon souffle et mon palpitant retrouvèrent un rythme plus lent, je perçus des petits bruits provenant de l’autre extrémité du balcon, devant une autre chambre. Je crois qu’il y en a qui fêtent la naissance d’un jour nouveau de manière sympathique ! Hé hé, il faudra que j’identifie qui est logé dans cette chambre… Parfait, ça va m’occuper l’esprit pour ces prochains jours.

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