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Diane

Chambre 2

Rythme de croisière - calme plat

Hier, je crois que j’ai atteint la plénitude absolue. Depuis quelques jours, j’ai observé une sorte de routine. Moi qui me faisais un monde de prendre un repas, seule au restaurant, je me suis surprise à adorer la quiétude de prendre le petit-déjeuner sur la terrasse. J’apprécie d’autant mieux la fraîcheur des produits proposés et les talents de la cuisinière. Il faudra que je lui demande sa recette de brioche.

Ensuite, je vais explorer les environs. Je me suis même remise à faire du vélo ! J’avais oublié combien c’était délicieux de sentir le vent, entendre ces petits bruits de rouage, sentir le corps lutter dans les côtes, et les douleurs au niveau des fesses ! Le vélo, c’est le matin. L’après-midi, je vais tremper les pieds au bord du lac, j’y fais une sieste, je lis, je regarde les papillons et les oiseaux venir se désaltérer. J’adore leurs mille précautions pour s’avancer avant d’oser plonger leur bec dans l’eau. Tous ces petits mouvements de tête, sautillements, tressaillements, ils sont sans cesse sur le qui-vive.

Mais hier, il faisait chaud, j’ai préféré rester dans ma chambre l’après-midi. Pour casser la lumière blanche et brutale du soleil au zénith, j’ai rabattu les volets en bois pour ne les laisser qu’entrouverts, tout en laissant la fenêtre ouverte. J’avais oublié à quel point j’aimais ce moment si particulier de l’après-midi d’été. Le bois, chargé de chaleur, exhale ses odeurs. La pénombre de la pièce invite à la tranquillité, aux déplacements lents et feutrés. Dehors, pas un bruit. Les oiseaux se sont tus, les grillons n’ont pas encore entamé leur sérénade, par définition. Le temps semble suspendu. Pour être absolument parfait, il manque une légère brise faisant danser un voilage qui relaierait ainsi un souffle chaud sur mon corps moite. Je suis sur mon lit, je pense lire quelques pages avant de sombrer pour une petite sieste. Je chasse l’envie d’une sieste crapuleuse qui couronnerait cette invitation à la sensualité, pour me concentrer sur mon livre. Deux heures plus tard, je relève le nez après la dernière page. Je n’ai pas dormi, je me suis laissée portée par l’histoire et j’ai laissé filer le temps. Cela ne m’était pas arrivée depuis…, depuis, … Ben, non, rien à faire, je ne sais pas dater depuis quand je n’ai pas eu ce luxe de me laisser distraire sans culpabiliser, sans surveiller les minuter défiler jusqu’à la fin de la sieste de la petite dernière.

Malgré la pénombre, j’ai senti que la lumière avait changé, il était temps d’aller se dégourdir les jambes en allant faire un tour près du lac.

Au retour, je me suis installée avec un magazine de décoration dans le salon. Je prétexte la fraîcheur de la pièce pour rester là un moment, mais en réalité, je guette le ballet des résidents. Depuis mon arrivée, j’assiste à des connivences qui se créent. Je découvre de nouvelles interactions d’un jour sur l’autre, j’essaie de m’imaginer comment c’est arrivé, ce qu’il adviendra. Aujourd’hui, j’ai cru déceler chez plusieurs personnes ce même sourire figé, les yeux dans le vague. Certains auraient-ils bénéficié d’une sieste crapuleuse ? J’ai même surpris ce petit demi-sourire chez Jeanne l’aubergiste. C’est vrai qu’elle a une fille, Adèle (j’aime ce prénom, j’aurais voulu appeler la seconde ainsi), mais je n’ai pas vu de figure masculine en dehors du gardien de nuit et d’un homme qui débrouille les ennuis techniques.

En parlant d’ennuis, je ne sais pas comment il va pouvoir trouver une solution pour cet énergumène un peu trop bruyant pour la quiétude de cette auberge. Son attitude avec la serveuse l’autre soir était totalement déplacée. Et son pauvre secrétaire ! S’il avait pu appuyer sur la touche disparaître, il ne s’en serait pas privé ! Qu’a-t-il fait dans sa vie antérieure pour être puni à ce point ? Heureusement, cela se passe plutôt bien, chacun attend que la représentation du braillard se termine, sans intervenir ni envenimer la situation. C’est peut-être une chance pour le secrétaire, il se trouvera peut-être des alliés.

Avec tout ça, mes mini-Moi sont restées silencieuses toute la journée. La plénitude quoi !

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