Rien de tel qu’une excellente nuit pour se remettre de ses émotions. Car bien sûr, faire la route depuis Quimper en vélo n’est pas forcément de tout repos. On a beau tout prévoir, l’imprévu se jette avec inadvertance en travers du chemin qu’on avait tenté de tracer. Oh, ce n’est pas que je n’ai pas l’habitude, mais on n’aime jamais se faire surprendre par un orage, tout équipé qu’on soit, ni crever sur une route goudronnée après avoir parcouru sans encombre des pistes parfois sommaires… Ou encore se faire surprendre par un chien (le fourbe) se jetant sous les roues sans raison apparente sinon l’envie de les mordiller. Drôle d’idée.
Tout ça pour dire : je ne sais pas si l’auberge est complète, mais le sommeil y est profond et réparateur, sans bruit qui puisse le perturber[1]. C’est assez rare pour être souligné.
J’ai croisé le factotum (je ne connaissais pas cette appellation, c’est typiquement français, ça ?) appelé Henri - c’est étrange d’ailleurs ici tout le monde appelle chacun par son prénom, c’est… déstabilisant, du moins au premier abord - qui m’a indiqué, si je le souhaitais, que je pouvais ranger ma remorque dans la grange attenante, tout en précisant qu’hormis s’il pleuvait[2], elle ne risquait rien du tout par ici. Sous-entendu : on est au fin fond de la pampa, que voulez-vous qu’il lui arrive ? Une attaque de loup / lynx / renard ? (Rayer la mention inutile). “Casse pas la tête” a-t-il ajouté. J’ai dit d’accord.
J’ai passé mes premiers jours à découvrir les environs en empruntant les différents sentiers alentours, à repérer les plus jolis coins à faire découvrir à Lucie quand elle serait là. Mais bon, ça ne sera jamais comme en Bretagne. Je ne sais pas pourquoi, mais pour le moment elle fait un blocage pour venir découvrir la plus belle région du monde. Non parce que y’a pas à tortiller, les montagnes, les sapins, tout ça, c’est bien sympathique, mais ça manque singulièrement de vagues, d’embruns et de… lyrisme. Oui, voilà, de lyrisme. Alors que la Bretagne, bon le Finistère surtout, hein, faut bien préciser, tu te prends des seaux d’eau salée dans la gueule, et tu en redemandes ! Les goélands chient partout et font un boucan de tous les diables, mais tu aimes ça ! Mais cette lumière incroyable, mais ces couleurs changeantes, ces granits tantôt ronds, tantôt acérés… Ces îles toutes plus belles les unes que les autres… Pourquoi à votre avis je me suis installé là-bas ?[3] Oui, évidemment, avoir du sang celte aide forcément à s’y sentir bien, comme chez soi. Évidemment puisque c’est chez moi.
Bon, en tout cas elle ne veut pas en entendre parler. Je présume qu’il y a quelque chose là-dessous, mais quoi ? Il faudra bien à un moment que je comprenne. Mais pas cette fois. Je veux savourer nos premières vraies vacances ensemble.
Et du coup, quand je lui ai proposé ces quelques jours dans le Jura, elle a dit oui. <3
Notes
[1] Il y a bien une ou deux chouettes qui essaient tant que faire se peut d’ennuyer ou d’effrayer le citadin, mais c’est peine perdue, si vous voulez mon avis.
[2] Je ne l’ai pas encore équipée en waterproof, c’est prévu… bientôt.
[3] Tiens, je m’adresse à qui en fait dans ce carnet ? Suis-je en train de m’auto-convaincre ? Et pourquoi est-ce que j’écris tout ça à la fin ?
1 Commentaire de Pep -
Alors, mon cher Colin, pour
nous pouvons écarter le seul usage franco-français.Ce dernier ayant été utilisé comme titre d’un roman de Charles Bukowski, par exemple. :-)
Sinon,
.Et les embruns, c’est surfait. :-p
2 Commentaire de Franck -
Comment ça surfait les embruns, t’va voir ta jeule à la récré toi ! Namého.
3 Commentaire de Colin MacGowan -
@Pep : Oui, hé bien c’est un terme qui ne me dit rien du tout. Je n’ai pas ces lettres, que veux-tu. (le personnage, hein. L’auteur connaissait, lui).
Quant aux embruns, je préfère ne pas répondre à cette provocation.
4 Commentaire de Pep -
Oh, il n’y a pas de mal pour ce
, tu sais.Je crois bien que si je n’avais pas lu Bukowski, j’aurais découvert ce terme seulement ces temps via l’auberge.
Pour la provocation, c’est une juste monnaie de la pièce
.Prends ça comme un geste de bienvenue. :-)
5 Commentaire de Sacrip'Anne -
J’avoue, je suis moi-même plus versée dans l’eau salée que dans celle des lacs de montagne. Mais il est des charmes jurassiens auxquels on ne résiste pas !
6 Commentaire de AkaïAki -
J’aime les deux, la mer et ses embruns (Bretagne et un peu Normandie, c’est la seule ayant grâce à mes yeux, désolée, j’ai du sang celte aussi ;-) ) et la montagne comme dans le Jura, pas trop grande et pleine de forêt. C’est le seul décor qui me ferait “oublier” la Bretagne et mon obsession d’y habiter.
Quant au factotum, même si je n’ai pas lu Bukowski (hop dans ma liste !) je connais ce terme depuis fort longtemps. Mais d’où ? Mystère…
Je ne suis pas une adepte du vélo, pour moi le meilleur moyen de transport ce sont mes pieds. Néanmoins, j’imagine qu’après un pareil périple, le sommeil doit être particulièrement lourd pour être réparateur ;-)
J’attends Lucie avec impatience…
Une dernière chose… le lyrisme est là où nous le mettons, non ? Alors pour moi, quel lyrisme ces montagnes pleines de forêt, la lumière jouant dans les branches ! j’arrête là sinon…
7 Commentaire de Tomek -
Je le trouve un peu radical dans ses choix de “lyrisme” également… mais c’est sans doute dans son caractère.
8 Commentaire de TarValanion -
Pourquoi chercher à comparer ce qui est incomparable, vous tous ?
9 Commentaire de Esteban Biraben -
Et TarValanion, tel le saumon, remonte patiemment le fleuve…
10 Commentaire de Colin MacGowan -
@Esteban :-P
@TarValanion : parce que ! :-D