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Paul Dindon

Chambre 3

Roule ma poule !


Vieux tank toi-même, grommèle-je à propos de la mauvaise langue qui a récemment abîmé la réputation de ma BM – ou plutôt la BM de Sylviane que je retrouve ce soir à Paris avec une joie mêlée d’appréhension. Oui, c’est un vieux modèle, si l’on s’en tient à son année de sortie d’usine, 1985. Pas aussi rutilante que sur l’illustration mais la voiture qui sillonne déjà les routes des vins de Bourgogne n’a pas à rougir de la comparaison. Si l’on omet bien entendu les nombreux impacts sur la carrosserie.

Point de passager pour juger – même silencieusement – mon choix de station, je tourne le bouton jusqu’à trouver le rire et les chansons de la radio éponyme. C’est là que je puise l’inspiration pour les blagues qui noircissent mes carnets et mettent du piquant dans les soirées arrosées de mes clients au Fer à cheval. Futurs ex-clients, d’ailleurs.

Levé aux horreurs – comme dirait ma voisine d’étage, j’ai remis les clés de ma chambre à Lucien, le priant de remercier chaleureusement le personnel de l’auberge et de remettre deux enveloppes scellées à leurs destinataires. À Natou : « Ce n’est qu’un au revoir. Le Train Bleu n’est qu’à trois heures et demi de la gare Saint-Charles. Prends soin de toi petite sirène des Calanques. Paul ». À la sémillante tenancière, Jeanne : « Je réfléchis à votre étonnante proposition et vous réponds par mail sous quelques jours. Merci pour tout. »

Mes pensées défilent à 130 kilomètres par heure. Je songe au temps qui s’est merveilleusement étiré au pied de ce chalet face au lac, je songe à l’invitation du hamac toujours occupé lorsque je voulais m’y allonger, je songe à la bienveillance régnant à l’auberge, aux clients hauts en couleur, je songe surtout au bel inconnu aux yeux chocolat à qui je n’ai pas dit au revoir. À qui je n’ai pas dit « j’ai envie de te revoir. »

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