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Akikazi Takenaka

Chambre 5

Nuit mouvementée

Quelle nuit, mes aïeux… QU-EL-LE NU-IT !

Vers 22h, j’entendis gratter doucement à ma porte… Intrigué, j’ai ouvert et me suis retrouvé nez à nez avec Ann-Kathrin, qui s’est dépêché d’entrer en catimini. À peine la porte passée et refermée, elle pressa ses magnifiques lèvres rouges groseille contre les miennes, sans même prendre la peine de dire un mot avant. Mes mains ont semblé être animées de leur propre volonté et ont cherché leur chemin pour se glisser sous son chemisier, retrouver le contact de la peau de son dos si agréable au toucher, puis descendre et essayer de se faufiler sous son jean indigo si moulant… Ses mains n’étaient pas en reste et avaient déjà réussi à sortir ma chemise de mon pantalon et s’essayaient à défaire ma boucle de ceinture.

Quand il nous fallut reprendre un peu notre respiration, nous sommes restés collés l’une à l’autre, front appuyé contre front, avec ses sublimes yeux d’un bleu-vert de lac de montagne plongés dans mes yeux d’un brun commun… Lorsque j’eus enfin suffisamment retrouvé mon souffle pour parler, je lui demandais :

— Que me vaut l’immense plaisir de ta visite nocturne ?

— Toute la journée, je n’ai pas arrêté de repenser à notre balade d’hier, et le contact charnel de nos peaux l’une contre l’autre m’a terriblement manqué… Et je me suis également dit que ce serait la bonne occasion d’enfin observer ces petits renardeaux dont nous avions parlé.

— Pour les renardeaux, tu as bien deux à quatre heures d’avance… mais ce n’est pas grave, je suis certain que nous trouverons une manière agréable de meubler ces quelques heures.

La température de la nuit étant agréable, nous nous sommes installés sur le balcon, avec un verre d’eau chacun,[1] et avons longuement devisé. Nous avons commencé par parler de nos passions, et j’ai donc appris qu’Ann-Kathrin est également une grande spécialiste des fleurs, particulièrement les fleurs sauvages. J’ai par exemple appris que des fleurs toutes simples, comme des renoncules par exemple, révèlent leur véritable beauté lorsqu’on les regarde en lumière ultra-violette. On découvre alors des schémas très élaborés qui servent à mettre en évidence pistils et étamines pour les insectes pollinisateurs (qui, justement, voient fort bien dans l’ultra-violet), et que leur couleur jaune basique n’est en fait qu’un leurre pour nous autres humains.

De mon côté, je lui ai parlé cinéma, et notamment de ma fascination pour le grand Stanley Kubrick. Je ne suis pas certain que ma description d‘Orange Mécanique lui ait beaucoup parlé, mais j’ai par contre clairement vu une certaine lueur d’excitation dans ses yeux et un sourire quasi carnassier lorsque je lui ai parlé de certaines scènes d‘Eyes Wide Shut… On dirait bien qu’un volcan longtemps endormi de sensualité et d’érotisme commence à s’éveiller en elle.

Avec tout cela, l’air de rien, le temps fila et c’est l’odeur de la cigarette qui fait rire de Lucien qui me rappela à l’ordre. Je fis signe à Ann-Kathrin de se taire et lui indiquais dans quelle direction regarder. On vit Lucien aller déposer les restes de repas à l’orée de la forêt, puis revenir se poster à côté de l’entrée de l’Auberge, et, comme nous, se mettre à attendre.

Au bout de quelques minutes, un museau fit son apparition. C’était la renarde qui venait en reconnaissance, comme à chaque fois. Un peu derrière elle, les quatre petites boules de poils se chamaillaient, se mordillaient, tout en suivant leur mère. J’observais plus particulièrement le visage d’Ann-Kathrin. Elle était comme transfigurée : son visage irradiait un éblouissement pur, de découverte d’une chose toute douce et agréable. Elle en paraissait encore plus belle (pourtant, je n’aurais pas cru cela possible). Elle resta ainsi, ultra-attentive à chaque mouvement de ces petites bêtes, retenant son souffle par crainte de les déranger, tout du long de leur présence. Une fois la petite famille retournée dans la forêt, Ann-Kathrin se retourna vers moi, toujours une lueur d’émerveillement dans son regard et son sourire, et me dit :

— Merci Akikazi. Cela m’a fait beaucoup de bien de voir qu’il puisse encore exister de par le monde des instants d’une telle douceur et innocence.

Elle se leva, me prit par la main et m’entraîna dans la chambre. On se déshabilla mutuellement, avant de se glisser sous la couette serré dans les bras l’un de l’autre… Ann-Kathrin était encore tellement absorbée dans l’instant de communion avec les renards que je n’osais surtout pas la brusquer. Mais petit à petit elle revint à l’instant présent, et nous rejouâmes une version de notre partition de la veille, améliorée par notre première expérience…


Et au réveil ce matin, j’ai d’abord pensé que tout ceci n’avait été qu’un rêve, qui se révélerait être bien cruel lorsque je tournerai la tête sur le côté pour me rendre compte que j’étais seul dans mon lit. Mais non, quand j’ai tourné la tête, cette déesse vivante était bien là, nue à côté de moi, en train de dormir encore paisiblement, avec un sourire calme et bienheureux sur les lèvres.

Note

[1] Oui, il manque cruellement des minibars dans les chambres de l’Auberge pour ce genre de situation… et puisqu’il n’y a pas de bar non plus, pas de possibilité de se faire monter une bonne bouteille par le room-service. Du coup, nous avons fait avec les moyens du bord : verre à dent et eau du robinet… pas très glamour !

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