Décale les platanes[1], décale les platanes, ohé, ohé
Décale les platanes, décale les platanes, ohé, ohé
Au bal, au bal masqué, ohé, ohé
— Oh hé ! Oh hé ! lance une voix familière.
C’est Jeanne Mas qui me secoue pour me réveiller de ma sieste.
— Dépêche-toi, on t’attend pour la balance son.
— Quoi ? Euh. Où suis-je ?
— Sur la scène du Stade de France pour un duo avec moi, banane.
Je cligne les yeux tant pour effacer ce mauvais rêve, que pour distinguer la foule des premiers spectateurs, nus, venus assister aux derniers réglages. Je plonge ma face dans l’oreiller, je sens bien que rien n’est réel, pourtant je les entends crier avec Jeanne :
— Paul, debout !
— C’est qui ça ? ajoute-t-elle en pointant un faux ongle rose bonbon sur la femme vêtue de jupons superposés partageant ma couche.
Un collier de carottes autour du cou, la femme berce dans ses bras une perruche qui fait du pédalo.
— Malia ?!
Comme jeté d’un pont sans corde, sans harnais, je me réveille en sursaut, soufflant tel un bœuf. Un mal de crâne atroce me vrille les tempes. Peut-être les deux schnaps avalés en cuisine avec Lucien le veilleur de nuit et Joseph voisin d’étage. Peut-être aussi la conversation avec Sylviane qui me tourneboule plus que je ne le voudrais. Je procède à une toilette de chat à l’eau glacée, j’enfile les deux pieds dans la même jambe de pantalon de jogging et me vautre lamentablement. Je marmonne dans ma barbe de trois jours :
— C’est une belle journée qui commence.
Il est sept heures et des poussières de sommeil à rattraper, je trouve Jeanne Lalochère, élégante dans son tailleur pantalon gris souris, qui ferraille avec l’imprimante de la réception. Elle ne parvient pas à faire taire les bips signalant indifféremment un mauvais format ou une pénurie de papier.
— Bonjour Jeanne.
— Ah, Bonjour Paul. Vous avez bien dormi ?
— Bof, mais rien à voir avec la literie de l’auberge qui est par-faite.
Jeanne est contrariée. Désignant l’imprimante, je propose d’y jeter un œil. Elle opine du chef, je pousse la petite porte battante sur laquelle est écrit « Réservé au personnel » et, tandis que je vérifie les paramètres d’impression sur l’écran de l’ordinateur et sur le panneau de contrôle du capricieux appareil, je lui résume les raisons de mon départ anticipé. Lundi au lieu de mardi. Le bar qui m’emploie depuis 2009 est en vente. C’est du sérieux. Je dois voir ma patronne et organiser la suite. Des vacances forcées ou la recherche d’un nouveau job.
— Voilà, elle fonctionne, dis-je avec un sourire satisfait. Je vais me caféiner. Je vous laisserai les clés lundi très tôt.
Mon portable vibre dans ma poche. L’inconnu du bal m’envoie un SMS agrémenté d’émojis :
— Clin d’œil. Aubergine. Aubergine. Bisou en forme de cœur. Signé, Siegfried.
Note
[1] paroles alternatives de la chanson entendue au bal du 14 juillet à Pollox
1 Commentaire de Pep -
… OMFGROFL
Tu es en passe de devenir mon héros de l’été ! xD
2 Commentaire de Sacrip'Anne -
Ach Sigfried ! (J’ai tout l’Ultima Recital qui cascade dans mon cerveau maintenant, c’est malin !)
3 Commentaire de Paul Dindon -
@ Pep Attention, tu me mets la pression o_O il fallait que je cale ce “décale les platanes”, d’autant que dans mon billet au bal de Pollox, j’ai inséré les vraies paroles, donc là les “paroles alternatives” hihi poke @ Sacrip’Anne
@ Sacrip’Anne Si je te dis que j’étais au premier rang et qu’elles m’ont fait monter sur la scène de Mogador, tu me crois ? Ce spectacle est un de mes plus grands fous rires au théâtre.
4 Commentaire de Sacrip'Anne -
Je l’ai vu au moins 3 fois, j’adoooore (et quelle rigolade, oui). Mon compagnon a ri de telle manière que Marianne James a fait allumer la salle pour le voir, dans Miss Carpenter, également. Bref. La vie la vraie !
5 Commentaire de Pep -
@Sacrip’Anne > Si tu parles bien du compagnon que je te connais, tu aurais pu résumer ta remarque à “mon compagnon a ri.”
‘fin, j’dis ça, j’dis rien, moi.
:-p
6 Commentaire de Avril -
Je ne pourrai plus jamais entendre la Compagnie Créole sans penser à Paul Dindon !
7 Commentaire de Paul Dindon -
@ Sacrip’Anne Miss Carpenter, on a vu aussi :) (mais pas super aimé) Le rire c’est la vie <3
@ Pep Je sens une pointe de sarcasme
@ Avril Mae Juin à ton service :) Fais-moi signe quand tu entends Au Bal Masqué ;-)
8 Commentaire de Pep -
Possible, un peu, oui. Mais indiscutablement affectueux. ;-)
9 Commentaire de Laurent -
@ Pep j’ai connu le rire de Noé, je confirme qu’il est communicatif :-) et comme dit Paul Dindon, le rire c’est la vie.
Ceci dit, suis-je le seul à noter le côté érotique du billet ?
10 Commentaire de Pep -
@Laurent > De toi à moi, au cours d’une bien belle soirée sur une péniche, l’expression “Un ange passe…” a pris une toute autre signification à mes oreilles. Mais là, je fais dans la
abusive. :-)11 Commentaire de Sacrip'Anne -
@Pep, attention, quand un ange passe sur une péniche, il est souvent accompagné d’un diablotin :D
12 Commentaire de Paul Dindon -
@Pep @Sacrip’Anne > un diablotin armé de sa grosse aubergine (et son couteau)
13 Commentaire de TarValanion -
Un SMS comme ça, c’est revelateur qu’on part vers plus qu’un coup d’un seul soir, non?