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Diane

Chambre 2

Grabuge sur le pont

Première tempête interne. Je ne pensais pas qu’elle arriverait si vite. C’est la foire d’empoigne entre l’Aventurière et la Dévouée. Elle n’est pas restée au placard longtemps celle-ci !

Évidemment, je culpabilise à mort de ma descente au champagne. Tout a commencé lorsque j’étais dans le sas de décompression avant la bascule dans les eaux profondes du sommeil, quand réalité et fantasmes se mêlent. Je luttais contre l’étourdissement, les palpitations, toutes les manifestations physiques qui, quand elles sont réunies, me réduisent inévitablement à une posture animale : à quatre pattes, penchée au-dessus des toilettes.

Il y avait une bagarre sur le pont du navire. Il y avait des craquements, quelqu’un cassait une chaise sur le mât du bateau. Ce fracas me fit sursauter et me sortit totalement de ma torpeur. Je n’étais pas sur un bateau, d’où venait donc le bruit ? Les cris autour de moi m’indiquèrent que ça venait de la chambre d’à côté. Les palpitations reprirent à tout rompre. Malheureusement, toute mon énergie était sollicitée dans ces battements cardiaques, le reste de mes muscles étaient tétanisés. C’est ce moment précis que choisit la fourbe Mme Dévouée pour sortir de son placard. Altière, elle prit son temps pour venir jusqu’à moi et me susurrer : « Alors, c’était bien cette cuite ? Tu fais comment maintenant pour venir en aide à ta voisine ? Parce que c’est bien une femme qui crie et qui pleure de l’autre côté de la paroi de cette chambre, non ? »

Des voix d’homme, se firent entendre et coupèrent la litanie de Mme Dévouée. Le ton n’avait pas l’air de monter dans les tours. J’entendis un clac du côté du réveil qui se mit à clignoter. Le courant était revenu. Il était parti ? Mon cœur battait moins vite, mes muscles étaient-ils prêts pour autant ? Pouvais-je me lever sans m’écrouler ? Finalement dressée sur le plancher des vaches, je tanguai jusqu’à la porte de ma chambre. Je réalisai une marche arrière hasardeuse pour vérifier mon allure. La pénombre devrait jouer en ma faveur. J’entrouvris donc ma porte mais je fus stoppée dans mon élan par la vision d’un fantôme qui glissait vers la chambre voisine. J’entendis ensuite des voix féminines. Je me ravisai donc, refermai la porte et cheminai péniblement jusqu’à mon lit.

Je me réveillai en sursaut. Impossible de me souvenir d’une bribe de rêve et de ce qui avait provoqué ce sursaut. Mme Dévouée était déjà là à mon chevet pour me glisser des suggestions : « Peut-être la culpabilité d’être ici, dans cet état, de n’avoir pas été capable d’intervenir auprès de ta voisine ? Ou bien alors est-ce parce que tu te demandes ce que tu fais là au lieu d’être près de ta famille qui s’inquiète ? ». Les larmes me montèrent. Mais il était clair que l’Aventurière, qui avait goûté au commandement, ne se laisserait pas évincer facilement. « Oui, bon, pas de chance, c’est le jour où on se cuite qu’il se passe des trucs. Mais visiblement, tout est rentré dans l’ordre sans nous. On ira dire un petit mot gentil à la voisine à l’occasion et puis voilà ! ».

- Ouais, tu ne t’en tires pas trop mal. »

Je laissai mes mini-Moi se chamailler et partis prendre une douche. Pendant mes ablutions, mes mini-Moi s’étaient mises d’accord sur l’objectif de la journée : dire un petit mot gentil à la voisine. Et bizarrement la Peureuse ne l’a pas trop ramené. Elle m’incite quand même à préparer un petit texte.

Ben oui, c’est bien tout ça, mais c’est qui ma voisine ?

Il a donc fallu la jouer fine pour guetter les mouvements de la chambre d’à côté et parvenir un jeter un œil sur qui traversait le couloir. J’entrevis une femme aux vêtements bariolés et aux chaussures haut perchées. Ça me suffisait pour pouvoir la reconnaître. J’ai pu voir qu’elle était au bras d’un homme. Je ne m’attendais pas à ça de mon interprétation du vacarme nocturne. De ce que peuvent valoir mes analyses à ce moment-là !

Je suis parvenue à la croiser seule dans la journée. Je me suis donc présentée en précisant d’un air gêné que je logeais dans la chambre n°2. La voilà qui se confond en essecuses pour le bruit ! Parce qu’elle a l’accent chantant la voisine ! Je me suis empressée de la rassurer et de lui adresser à mon tour mes plus plates excuses pour ne pas être intervenue, mais que j’avais cru comprendre que d’autres personnes s’en étaient chargées. La voilà qui part dans des explications de son Toni, d’un voyant (mais je croyais que le courant avait été coupé ?), de caleçons, de la grande dame qui, elle aussi, avait dû souffrir (?). L’important, avait-elle continué, c’est que son Toni était revenu. Je ne savais pas quoi répondre à ce flot d’informations. Je ne voyais pas le retour dudit Toni comme une bonne nouvelle, mais je ne pouvais pas le lui dire. Et puis qui j’étais, moi pour lui donner des conseils ! Je lui ai juste pris les mains et l’ai bien regardée, pour lui transmettre plus que par des mots, ma disponibilité en cas de besoin, même si elle ne me connaissait pas.

Ah, elle était fière de moi la Dévouée ! L’Aventurière s’y retrouvait aussi. Elles ont laissé la place à la Spirituelle qui a proposé d’aller méditer dans le hamac près du lac. Aïe ! la place était prise, je me suis rabattue sur la petite plage. Heureusement j’avais glissé un fouta dans mon sac. J’y aurais bien glissé mon téléphone, des fois qu’il… Non, non, non, traversée en solitaire on a dit !

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