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Gaston Gumowski

chauffeur-livreur

Jonctions

Une semaine déjà que Charlie et Léo sont ici. Et je n’ai qu’à moitié profité de leur présence, depuis leur arrivée en fin de journée dimanche dernier. Elles étaient épuisées en descendant de ce monospace de location chargé jusqu’aux oreilles. Malgré cela, je les ai trouvées plus resplendissantes et fusionnelles que jamais. Les retrouvailles ont été progressives. D’abord empreintes de la fatigue de leur trajet, puis douces et langoureuses dans la fraîcheur du soir, tous trois attablés en terrasse, à la seule lumière de la lune et de quelques bougies et lampions. Dès le lendemain matin, l’ambiance commençait déjà à se débrider avec ces deux ouragans de bonne humeur, ces deux éternelles pestes montées sur ressorts. Comme une lumière et un chant intérieurs nouveaux dans cette grande maison familiale qui ne connaissait plus que le seul bruit de mes pas depuis des années. Hormis ma musique de vandale.

— Attends, Gaz’… Tu es en train de me dire que tu nous laisses en plan toute cette semaine ?
— N’exagère pas, tu veux ? Juste quelques courses pour l’auberge et quelques allers-retours chez les fous pour dépoussiérer mes affaires. Qui en ont bien besoin, soit dit en passant. Je serai là tous les soirs et entièrement sur la fin de semaine.
— Si au moins tu t’étais décidé à construire une grande piscine… Ce n’est pas le terrain qui manque !
— Pardon ?!
— Je te chambre, idiot. ;-)

Qu’elle est belle, Charlie. Que de l’avoir à nouveau ici me rappelle à quel point elle me manque chaque jour. Mais on ne peut pas épouser sa petite sœur, paraît-il. Et puis Léo ne serait pas trop d’accord et bien capable de me casser la gueule. Elle a beau ne faire que la moitié de mon poids, elle a la capoeira de son côté, faut pas déconner avec ça. Elles n’ont toujours pas levé le voile sur le mystère de leur tournée des grands ducs, tout juste que cette tournée allait durer plus longtemps qu’on aurait pu s’y attendre, s’étant offert quelques mois de congé sabbatique. Ma main à couper qu’elles nous préparent un coup de Trafalgar, ces deux-là. Pour ma part, je n’ai encore fait aucune allusion à cette lettre qui patiente dans mon bureau. Chaque chose en son temps. Goûter pleinement la joie des retrouvailles avec mes deux amazones préférées avant tout. Pour le reste, après toutes ces années, nous n’en sommes plus à quelques jours ou semaines près.

Mine de rien, il s’en est passé, cette semaine. Des départs et des arrivées à l’auberge, où je ne suis passé qu’en pointillé comme je l’avais annoncé à Jeanne. Où je ne suis passé que distraitement, aussi. Des kilomètres vers Lyon, puis Genève, puis Lyon encore, puis Genève à nouveau. Accompagné par mon duo tourbillonnant, pour les trajets en fin de semaine. Des dîners simples et des promenades chaque soir. Des petits-déjeuners épiques entre bougonnements et tranches de rire. Des parapheurs, des signatures et des transactions. Des cessions, des acquisitions. Un passé qui recommence à se conjuguer au présent. Un présent qui déteint sur ces éléments du passé qui pourraient peupler un futur plus ou moins proche. D’une vague idée d’un assemblage de bric et de broc la semaine dernière, tout cela prend désormais des aspects de projet d’avenir équilibré et en accord avec des convictions longtemps refoulées et d’autres naissantes.

Ça manquait tout de même un peu d’amis, dans le tableau. Il va falloir corriger cela dans les semaines à venir. Organiser un vrai repas tribu du soir, à la maison, avec Henri, le trio des Vuillot/Debard. J’aimerais bien avoir Lucien, aussi, mais ça va être compliqué vu son emploi du temps. Pourquoi pas Jeanne et Adèle, même si mes amazones risquent bien d’entraîner la demi-portion dans leur manège endiablé. Ça ferait peut-être bizarre, d’avoir Jeanne à notre table dans ce contexte. Mais sans doute pas déplaisant. Et pourquoi pas Anna, aussi ? Mais peut-être serait-elle mal à l’aise, ou se sentirait-elle trop intruse. Je ne sais pas. Ça peut se faire. On verra. Peut-être qu’on profitera des festivités du 14 juillet pour discuter et organiser ça.

Merde.

Voilà que je me remets à faire des projets.
Et avec des gens dedans.
Peut-être suis-je mourant, non ?

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