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Malia Walander

Chambre 14

Les moutons du pré à côté aboient en me voyant passer

Je descends le boulevard Sérurier et le tramway me dépasse. À une vitre, Jeanne Lalochère me reconnaît, elle porte un bibi écossais, avec un petit daim de velours dessus. Elle me salue de son sourire si gai. Lucien et Gaston occupent la plateforme du tram et se moquent de moi. La chanson On l’appelait nez rouge revient en boucle. Je rejoins les Archives de Paris. Le chemin me semble interminable jusqu’au bâtiment, mes pas sont lourds, je me traîne et les moutons du pré à côté aboient en me voyant passer. p.Vergnes se tient derrière la porte d’entrée et, me considérant froidement, descend le rideau de fer. Je comprends qu’il ne veut pas que je rentre dans son phalanstère. Je reviens sur mes pas : les moutons sont devenus des dindons qui gloussent en mesurant ma déconfiture. Sous le pont Mirabeau coule la senne me rabâche p.Vergnes, soudain muni d’une canne à pêche et jonglant avec un moulinet. Au bout de son hameçon, Paprika, mon phasme ! Je pleure des échalotes en criant La Paix est-elle vraiment un bien ?

Mais quel rêve ! Pauvre Vergnes, lui si sérieux, si érudit !
Le brave homme m’a invité à suivre ses cours à l’université inter-âges de Panthéon-Sorbonne. Peu importe que je n’aie pas eu le brevet, l’important est à ce qu’il dit ma curiosité. Ma flamme. Il est bien gentil, mais on n’est pas du même monde, lui et moi… (baillement) Essayons de nous rendormir. Tiens, ma jeune voisine de chambre a dû partir, je n’entends plus rien chez elle. June, je crois… Elle était bien fougueuse, et touchante en plus. J’ai même vu Vergnes dansoter sur le balcon pour elle l’autre soir. Dame, il faut bien du rêve pour tous, et les rats de bibliothèque n’y coupent pas.

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