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Ariane Danchin

femme de chambre

Un nouveau boulot

Comment remercier Henri ? C’est grâce à lui que je vais pouvoir à nouveau travailler et dans un environnement qui d’emblée me plaît. La patronne, qui semble être quelqu’un de bien - la vie hélas m’a rendue un peu méfiante sur ce point, mais la moi de 30 ou 40 ans de moins l’aurait immédiatement prise en confiance et en affection -, avait besoin de renforcer l’équipe et il lui a parlé de moi. Je ne sais pas trop comment il a su que ma petite retraite ne suffisait pas, en attendant, ça tombe on ne peut mieux. J’étais à deux doigts de me demander si je n’allais pas devoir me faire aider par Léon, Lucie ou Lucas, mes enfants qui n’en sont plus, c’est dire si cet emploi me sauve la mise pour cet été qui vient. J’espère que physiquement ça ira.

En attendant, bel accueil. Nous étions convenues que je devais passer ce matin pour signer le contrat, visiter les lieux, voir l’organisation pratique de tout ça, rencontrer ceux de mes collègues qui seraient là. Non seulement la patronne s’était rendue disponible, mais elle a même pris la peine de me faire visiter. C’était si classe qu’à un moment donné j’ai failli me prendre pour une résidente, alors qu’il ne faut pas se voiler la face, je serai avant tout femme de chambre, et là pour aider un peu à l’accueil ou au service en salle selon les nécessités.

J’ai croisé quelques clientes et clients et l’impression générale que j’en ai tirée c’est que le succès de l’auberge qui pourtant vient seulement d’ouvrir, en tout cas sous cette direction, vient beaucoup du surmenage permanent dans lequel vit de nos jours la plupart des gens. Pas tous, bien sûr, mais c’était l’impression, des gens en besoin de se reposer. J’étais bien contente d’ailleurs quand j’ai pris ma retraite il y a deux ans, d’y échapper, à ces rythmes de plus en plus soutenus, ses objectifs et ses tensions qui étaient imposées dans presque tous les métiers.

J’espère qu’à l’auberge, ça sera humain, qu’on nous laissera le temps de travailler calmement et bien, plutôt que vite et mal.

Les chambres sont lumineuses, plutôt spacieuses, et c’est sobre et simple. Y faire le ménage ne devrait pas être trop pénible. Ce qu’on voit par les fenêtres est beau et apaisant, le lac ou la forêt.

Dans la chambre 5, il y avait un élégant carnet, posé bien en évidence. C’était une chambre où quelqu’un venait de séjourner, j’ai eu l’impression qu’elle devait être préparée pour les arrivants suivants. Il ne restait rien d’affaires personnelles. Le carnet se remarquait. À ce moment là, madame Lalochère a été appelée, un problème de wi-fi m’a-t-il semblé entendre, et elle s’est absentée un instant. J’ai cru qu’il s’agissait d’une sorte de livret que peut-être on disposait avec des informations pour accueillir les nouveaux arrivants mais en ouvrant en attendant, j’ai tout de suite vu qu’ils s’agissait de notes personnelles, d’un journal intime. C’était curieux. Je n’ai pas su quoi faire. Je l’ai mis dans mon sac en me disant qu’on verrait ça plus tard. Les quelques mots que j’avais entrevus parlaient de maladie. Peut-être qu’une fois au travail, je pourrai avoir accès au registre des clients et envoyer en toute discrétion ce carnet oublié à celui qui le tenait.

En redescendant une fois la visite en étages achevée, nous avons croisé une personne qui tenait le même modèle de carnet en main. Je me suis demandée alors s’il ne s’agissait pas d’un lieu de résidence d’écriture, auquel cas j’avais peut-être commis une erreur avant même de commencer mon contrat. C’était peut-être prévu comme ça, les gens écrivent et laissent leur travail en partant, que quelqu’un récupère pour une publication ? De nos jours, tout est possible. J’ai posé la question de la résidence d’écriture, Jeanne Lalochère a semblé interloquée et en même temps amusée, comme quelqu’un dont quelqu’un a surpris un petit secret bénin, alors j’ai désigné des yeux la personne que nous venions de croiser et qui s’éloignait, carnet à la main. Elle a souri et expliqué que c’était une sorte de cadeau d’accueil, dans les chambres à leur arrivée, un carnet et un beau stylo. La pensée lui a alors traversé l’esprit, c’était joli à voir, Mais c’est vrai il n’y en a pas pour les personnes qui ne logent pas ici. Vous en voulez un ? Devant ma stupéfaction elle s’est empressé d’ajouter qu’il n’y avait aucune obligation d’écrire. J’ai répondu Oh oui. Et ça a été l’occasion de visiter la réserve et voir quelques compléments d’équipements. Elle m’a même demandé si j’avais des souhaits particuliers pour les chariots de nettoyage, ou les produits utilisés. Presque comme si elle s’excusait de n’y avoir pas songé plus tôt. J’ai tellement eu l’habitude dans tous les boulots de ma vie de faire avec ce qu’on me donnait, que je n’ai pas su quoi répondre. En revanche j’ai décliné l’offre du stylo. Ils sont trop beaux, j’aurais l’impression de l’avoir volé. Le carnet, oui, parce que peut-être que sans le savoir j’ai dans l’idée d’écrire comme le monsieur (l’écriture était celle d’un monsieur, j’ai eu l’impression) de celui que j’ai trouvé. Mais le stylo, un stylo bille comme j’ai chez moi, suffira.

J’ai à la fois hâte de commencer vraiment et puis je me dis qu’une semaine même pas pour m’organiser et finir ce que j’avais en cours à la maison alors que je croyais avoir tout mon temps devant, ça va faire court.

En tout cas merci Henri. Je vais pouvoir à nouveau me sentir vraiment utile aux autres et avoir deux mois sans soucis de fins de mois, ça n’est pas rien, ça.

J’oubliais : il y a un local vélo, je vais pouvoir venir avec le mien sans me tracasser qu’il risque de gêner là où je l’aurais accroché.

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