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Irène-Aimée de Lavernhe

Chambre 20

Révélations familiales

Hannah était folle d’avoir tout lâché pour venir me retrouver. Elle a rapidement fait taire mes protestations. Comme elle n’aurait pas de vacances avant la fin de la saison touristique, avec ses collègues, elle s’arrangeait pour poser un jour en pleine semaine tous les quinze jours, de manière à ce que le musée puisse tourner six jours sur sept. Nous sommes allés marcher autour du lac le matin, avant qu’il ne fasse trop chaud. Sans rien me dire, elle avait réservé sa place au restaurant de l’auberge ce midi. Elle connaissait de nom un des producteurs auprès duquel la patronne se fournissait, un cousin un peu éloigné. Nous n’avons pas parlé de mon avenir professionnel. Elle me connaissait trop pour savoir que la meilleure manière de me braquer était de répondre à mes questions pendant un moment de détente. En revanche, l’histoire des Morand et des Lavernhe l’intéressait. Il est peut-être plus facile de se plonger dans une querelle familiale dont on ne subit pas les conséquences cent ou cent-cinquante ans après. Elle a proposé de m’aider à avancer dans le tri des deux caisses de Lucille. En bonne conservatrice du patrimoine, elle avait envie de creuser l’histoire de ces documents. « Elle est archiviste ou quoi, ta tante, pour avoir conservé aussi méticuleusement tous ces papiers ? », m’a-t-elle demandé en riant. Quand j’ai répondu, elle a poussé un petit cri. « La fameuse tante Lucille, c’est Lucille de Fleury, des archives de Bourg ? Mais bien sûr que je la connais. Nous avons travaillé avec son équipe sur une exposition temporaire au Musée des Beaux-Arts. C’est une femme très sympathique. Je n’avais pas fait le lien avec toi. C’est elle qui t’a filé ces vieux documents ? À mon avis, elle a quelque chose en tête. Quand elle tient un fonds d’archives qui peut révéler quelque chose, elle l’explore à fond. »

Hannah et Lucille se connaissait donc et n’avaient jamais fait le lien avec moi. J’ai envoyé un petit texto à Lucille pour la tenir au courant. Pendant ce temps, Hannah a commencé à farfouiller dans es albums photos. Elle avait, pendant ses études, fait un stage sur une exposition à base de photos et de manuscrits du XIXe siècle. Elle fut d’une grande aide pour m’aider à dater l’ensemble. La reconstitution de l’arbre généalogique avançait. Nous avons découvert qu’un membre de la famille avait été dans l’aviation pendant la Première Guerre Mondiale, qu’un autre avait fait partie des troupes coloniales. Elle a identifié des costumes régionaux francs-comtois portés pendant des fêtes patronales de la région. « Au fait, j’ai fait une découverte surprenante », ai-je glissé alors que l’heure de son départ approchait. Et je lui ai montré la lettre de Daniel et Geneviève, dont je ne savais toujours rien. Aucune photo, aucun faire-part conservé ne nous avaient indiqué leur place dans l’arbre généalogique. Mon grand-père les avait-il rayés de ses relations après le mariage de mes parents ? Hannah a commencé par être surprise. « Le mariage de tes parents a choqué leurs familles ? Pourtant ils donnent l’air d’être faits l’un pour l’autre. » Je ne pouvais qu’acquiescer. Elle a aussitôt pris ce que j’appelle son regard d’historienne. « Montre-moi à nouveau la lettre. » Je lui ai passé le feuillet. « Maximilien de Lavernhe ? Ce nom me dit quelque chose. » Elle a froncé les sourcils en me faisant signe de me taire pendant qu’elle fouillait dans ses souvenirs. « Ça y est, je me souviens. J’ai vu passer son nom aux Beaux-Arts. Il a fait don de collections au département d’archéologie. » Elle semblait hésiter à me parler de la suite. « Nous avons hésité à accepter ce leg. Une de mes collègues s’est renseigné sur lui et elle a appris qu’il avait eu affaire à la justice pour une affaire qui avait fait grand bruit à l’époque. Tu dis que c’est ton ancêtre ? »

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