1. Int.Nuit/Chambre d’hôtel de luxe spacieuse/Générique :
La pièce est au noir. Début générique. La porte d’entrée s’ouvre sur un rai de lumière. Une ombre d’homme (Richard) dans l’embrasure. Il est chargé de bagages. Il les pose et allume la lampe.
Richard, barbe de trois jours à l’air fatigué. D’un regard circulaire, il inspecte la pièce. Il se promène dans la chambre, ouvrant un tiroir ici, tâtant le lit XXL là. Il ouvre la porte à sa gauche et disparaît dans la salle de bains.
On entend un bruit de miction dans l’eau de W.-C. puis un robinet couler. Richard ressort une serviette à la main se frottant la figure. Il va ouvrir une porte-fenêtre et jette un œil dehors.
Il revient dedans, ouvre le minibar, il a l’air d’hésiter et choisit finalement une fiole de whisky qu’il verse dans un verre posé sur le meuble puis se dirige vers la porte-fenêtre et disparaît au-dehors.
2. Ext.Nuit/balcon/ fin du générique :
Richard est assis dans un fauteuil d’extérieur, son verre dans une main, il fume un gros cigare en regardant une haute montagne blanche de neige éclairée par la lune. Il semble songeur. La caméra suit un rond de fumée qu’il a fait avec sa bouche.
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Bon OK, l’auberge est loin d’être luxueuse, et la lune montante n’illumine pas grand-chose si ce n’est une masse noire qui semble être une forêt de sapins. J’aurais préféré son reflet dans le lac, mais bon, toutes les chambres de ce côté étaient déjà prises !
Quelle journée de merde !
Moi qui voulais arriver tôt, c’est raté ! 23 heures tu parles !
OK, OK, c’est ma faute ! Je n’aurais pas dû téléphoner à Bernard !
Il ne faut - appeler - son producteur - que - pour lui réclamer du pognon !
C’est son boulot !
Le reste du temps, il le passe à te reprocher que tu lui coûtes trop cher !
Comme d’habitude, on s’est engueulé ! « L’Ibère sera rude » se profile comme une belle catastrophe cinématographique !
Quelle idée aussi de le sortir un premier juillet, à la veille des vacances, et dans à peine 10 salles à Paris « Oui, mais elles sont pour la plupart classées Art et Essais »…
Connard…
Dix salles ? Dans deux semaines cela veut dire zéro !
« Mais tu comprends, c’est un film trop personnel, et puis après la catastrophe de Cannes… »
Fais chier ! J’ai quand même fait l’ouverture hors compétition ; je suis certain que si les gilets jaunes et les intermittents n’avaient pas foutu la merde en interrompant le film 4 fois, et bien les critiques auraient été bien meilleurs, on a parlé que d’eux !
« Ah oui ? À propos de critique, tu as vu celle de Libé de ce matin dans les pages Culture ?
Attends ça va te faire rire !
« L’IBÈRE SERA RUDE : JAVOT PAS LA PEINE D’Y ALLER »
Et avec ta photo sur un quart de page !
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Bernard
(Il est gros dans un costume à rayures, Rayban aviateur miroir sur le pif, un barreau de chaise à la bouche, 2 naïades en bikini lui font de l’air avec des éventails ! )
Alors mon pote, maintenant va falloir te refaire, et moi par la même occasion ! Tu vas me pondre un truc grand public, comme tu sais le manigancer, un bidule pas piqué des hannetons dans la veine de « La bidoche » ! Le prochain, tu dois faire péter les scores, parce que je ne sais pas si tu te rends compte, mais j’y bouffe ma chemise là ! Tu vas m’oublier tes trucs d’onanismes intellectuels sentimentalo-soporifiques ! Tu vas me faire dans le gros lourdingue qui attire les foules ! Tu m’envoies le box-office au septième ciel ! Justement, hier, je dînais avec l’agent de Poelvoorde, il cherche un bon scénar ! C’est l’aubaine !
Tu sais quoi ? Au lieu d’aller déprimer chez les péquenots de ton jurassique parc, je te propose ma villa d’Ibiza : piscine jacuzzi, minettes à gogo et en plus je te file deux auteurs histoire de dégivrer tes neurones à comédie. T’inquiète, il n’y aura pas leurs noms au générique ! Elle n’est pas belle la vie ? Là, honnêtement, tu ne peux pas refuser…
Moi
Mais ferme ta gueule Nanard, j’en veux pas de ton showbiz à la con, tu m’emmerdes, ta piscine m’emmerde, tes gonzesses m’emmerdent ; et tes deux auteurs, tu sais où tu peux te les carrer ? Je sais ce qu’il me faut ! Du réel, des vrais gens. Le Jura c’est mon enfance, tu peux pas comprendre.
Bernard
Mouais, je te donne pas une semaine avant de changer d’avis, tchao…
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Ensuite j’ai appelé Totoche pour lui donner les consignes pour les deux prochains mois :
« Ne me déranger que pour l’important ! »
Je l’aime bien Totoche, il est efficace ; et dire que je ne l’ai embauché que parce qu’il ressemblait à Darry Cowl et qu’il me faisait marrer !
Grand soleil ! Du coup, j’ai décidé de sortir le Mammouth du garage, c’est la bonne occasion de lui dérouiller les pistons ; 3000 kilomètres en 2 ans, c’est du sous-emploi !
Par contre cela manque de coffre et y caser 2 valises, 1 gros sac, ma mallette de secours plus mille et un trucs, cela revient à réussir le niveau deux cent à Tetris à coups de sandow et de sangle !
Moi qui voulais partir à 9h, il est 14 h…
SILENCE
Moteur demandé…
Ça tourne…
ACTION
Musique
J’appuie sur le starter
Et voici que je quitte la terre
J’irai peut-être au Paradis
Mais dans un train d’enfer
Des fois je me dis que je suis trop barjot à vouloir jouer le kéké sur deux roues !
512 bornes d’une traite quand d’habitude je peine à traverser le périph ! Mais qu’est-ce qui m’a pris ?
Passe encore l’autoroute, le côté salon roulant de l’engin compense, mais les 400 kilos de la bécane sur les routes serpentantes de la forêt Jurassienne, là on fait dans le sportif !
Petite cerise sur le gâteau, l’orage qui éclate à 4 kilomètres de l’arrivée ; c’est encore plus marrant avec la route et le bonhomme trempé !
Ironie du sort, c’est en arrivant devant l’auberge que j’ai failli me viander, fatigue, manque d’attention et chemin de gravillon soigneusement peigné, rien de mieux pour t’envoyer au tapis avant même que tu comprennes quoi que ce soit ! Je m’suis rattrapé d’extrême justesse dans une magnifique figure improvisée, heureusement personne ne m’a vu !
Quand même, j’ai laissé une belle trace en Z qui veut dire zozo!
Quand je me suis pointé à l’accueil, avec mes bagages, j’ai cru tomber dans un vieux film à la Audiard, genre Robert Dalban dans le rôle du veilleur de nuit !
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XX. int.nuit/hall réception de l’auberge :
Il fait sombre, seul le comptoir est bien éclairé, le veilleur de nuit (Lucien) est en train de lire. Des lueurs d’éclair bleuté jaillissent de temps en temps par la fenêtre.
La porte vers l’extérieur s’ouvre laissant apparaître un homme casqué (Moi), blouson cuir, jeans, bottes et gants de moto. Il est trempé, l’eau en dégoulinant forme des flaques au sol. Il a une valise dans chaque main, un gros sac en bandoulière, plus des petits sacs autour des poignets et une mallette un peu luxueuse sous le bras.
Il avance lentement, droit comme un piquet, un peu gauche, gêné par ses bagages. Lucien le regarde un peu interloqué. L’homme s’arrête face au comptoir et pose ses valises et sa mallette.
Lucien
Oh my god !
Je me permet de faire remarquer à Monsieur que l’établissement possède d’excellentes douches qui ont l’avantage d’être chaudes !
Vous avez réservé ?
Moi
Oui
Lucien
(regardant son registre ou un écran d’ordinateur)
Sage précaution !
Vous êtes Monsieur ?
Moi
My name is Javot
Éric Javot
Lucien
Welcome Sir, moi c’est Lucien tout simplement.
Que diriez-vous d’un petit alcool pour compenser ce trop-plein d’eau avant que je vous montre votre chambre ?
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Ce Lucien m’a l’air fort sympathique ma foi, il pourrait faire un bon personnage, il va falloir qu’on se revoie !
On a bu un petit verre en causant un peu. Son pinard n’était pas exactement du velours à gosier, mais comme on dit, c’est le geste qui compte ! Il m’a aidé à monter mes bagages, m’a montré ma chambre et donné le panier-repas que j’avais commandé quand j’ai vu que le retard me ferait rater le dîner !
Auberge calme, je sens que l’ambiance va être à l’écriture !
Petit cigare sur le balcon, Lagavulin à la main et dodo, je suis fourbu !
COUPER
On la garde…
NB : Je regarde la feuille de sécurité sur la porte ; pourquoi « Auberge des blogueurs » ? C’est bizarre au fin fond d’un parc Jurassien !
1 Commentaire de Avril -
Il est arrivé ! *\o/*
Et bien évidemment, j’adore cette façon de présenter ton billet ! <3
Le ton est donné. Excellent.
(faudrait juste une taille de caractère au-dessus pour épargner mes petits yeux fatigués à cette heure tardive de la nuit ;-)
2 Commentaire de Philippe -
J’adore le format de ce billet. La référence à Astérix (Tous les étés, les Ibères deviennent plus rudes) m’a fait rire, je ne sais pas si elle était voulue (?)
3 Commentaire de Mel'O'Dye -
Ah mais oui ! Lucien en mode Robert Dalban ça colle complètement <3 … >Bien joué en tous cas, seul bémol, la taille de caractères effectivement ;)
4 Commentaire de eric-javot -
Désolé pour les caractères, c’est indépendant de ma volonté ! encore un coup de sabotage de Libé ou de mon producteur ! je vais mener l’enquête !
@Avril -) Et oui, me voilà :-)
@Philippe -) Tant qu’à avoir des références, autant que ce soit les meilleurs ;-)
@Mel’O’Dye -) Merci :-)
5 Commentaire de Feuilledethé -
Oh pinaise … j’avais prévu la même entrée en scène … sans l’orage et le 007 … ni le cadrage …
C’pas grave, le temps d’enterrer le cadavre, vous aurez oublié
6 Commentaire de Sacrip'Anne -
Bravo pour cette entrée en matière !
7 Commentaire de Natou -
Tout pareil que mes prédécesseurs et “Javot pas la peine d’y aller” m’a fait bien rire !
8 Commentaire de Tomek -
Splendide ! Ça envoie du lourd direct ! On va se marrer.
9 Commentaire de Ginou -
Belle arrivée !
10 Commentaire de Gilsoub -
Tiens, c’est vrai ça : pourquoi « Auberge des blogueurs » ? C’est bizarre au fin fond d’un parc Jurassien !>