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Irène-Aimée de Lavernhe

Chambre 20

Choisir sa voie

Au départ, au tout début de l’aventure, j’avais accepté de venir passer un mois dans le Jura pour prendre le temps de réfléchir à mon avenir. Deux semaines dans les cartons de Bon-Papa plus tard, je dois me rendre à l’évidence : c’est un semi-échec. Les aventures familiales me passionnent plus que mon avenir. Comme si, une fois de plus, j’avais trouvé un moyen de prendre la poudre d’escampette au moment d’être adulte et de faire des choix. Un texto de ma mère m’avait ramenée à la réalité, et le sentiment de culpabilité n’a fait qu’empirer depuis. Son message avait malgré tout deux bons côtés. Elle ne savait pas que sa sœur m’avait prêté les archives familiales. J’ai aussi fait jurer à Claire-Adélaïde et, par son intermédiaire, à Isaure, de garder ça pour elle et de ne rien en dire aux parents. Entre eux et moi, le courant passe mal, d’accord. Mais puisqu’ils avaient réussi à construire un couple solide malgré les obstacles familiaux, ce n’était pas à moi d’arriver avec mes gros sabots, encore moins en étant à quatre cents kilomètres d’eux. Autre bon point de son message, qui était une grosse surprise : elle montrait des sentiments, me disaient qu’elle m’aimait et qu’elle s’inquiétait pour moi. Mes parents ont toujours eu le plus grand mal à montrer leurs sentiments pour leurs enfants dès qu’ils avaient passé les sept ans. J’ai cru comprendre que c’était de famille. Pendant le trajet jusqu’à l’auberge, Lucille m’a dit qu’elle en avait beaucoup souffert.

La famille s’était mise en quatre pour moi en me permettant de venir séjourner ici. Je n’avais pas le droit de ne pas faire d’efforts. « Si tu ne rêves pas d’une grande carrière permettant de devenir riche, tu n’es pas obligée de t’engager dans cette voie », m’avait glissé Lucille sur le trajet de Bourg à Pollox. « Il y a probablement des concours faits pour toi. » En observant les livres étalés sur la moitié du sol de ma chambre, j’ai essayé de faire le tri dans mes idées. Après une khâgne intéressante et deux échecs à l’ENS, j’avais choisi de faire une licence et un master de philosophie. La philosophie médiévale et les philosophies du Moyen-Orient m’avaient beaucoup plu. Cet attrait était peut-être basé sur l’envie de prendre le contrepied d’une famille fière de ses origines françaises et dont les réunions étaient l’occasion de plaisanteries pas toujours fines et parfois racistes sur les bords. Heureusement pour moi, j’avais étudié le latin et le grec, ce qui plaisait à mes parents et permettait d’orienter la discussion sur des terrains plus connus. Mais je ne voulais pas faire de ces masters de marketing pour littéraires que mon père vantait, tout en ne travaillant évidemment pas dans le monde du marketing. Étais-je faite pour les concours du patrimoine ? Le concours de l’école de bibliothécaires à Villeurbanne ? Ce que Lucille et Hannah m’avaient dit, chacune de leurs côtés, de leurs métiers m’attirait. Mais je ne pouvais pas oublier l’attrait que j’avais eu pour la recherche grâce à mes enseignants de master et aux colloques pour jeunes chercheurs auxquels ils nous avaient incités à assister. Lundi soir, je leur ai donc écrit pour leur demander conseil. Elles me connaissaient bien, elles sauraient sans doute me dire ce que je n’étais pas capable de voir par moi-même. J’ai aussi beaucoup repensé à ce que m’avait raconté Calliste. Le burn-out me faisait peur et je ne voulais pas me tromper en engageant pas mal de forces dans la préparation de concours exigeants et sélectifs.

Une surprise m’attendait hier au petit-déjeuner. Hannah avait fait le trajet depuis Besançon pour découvrir l’auberge.

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