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Éric Javot

Chambre 16

Au travail

Je cours comme un dératé sur les cailloux soigneusement alignés dans l’allée, je n’avance pas, c’est un sur-place angoissant. La pointe des gravillons blesse la plante de mes pieds ; je suis nu. Robert Dalban m’attend bras croisés un flingue dans chaque pogne. Il me lance : « Les traces là ? C’est vous ? » Je continue à courir comme un fou.  Il me montre un Libé : « Vous n’avez pas honte d’avoir un titre pareil ? ». Je cours pour rien, je cherche mes vêtements dans la ville, Dalban est toujours devant moi, assis sur ma Harley, il me tend un verre que je n’arrive pas à saisir, je cherche mes fringues en sautant dans un métro qui passe, les gens me scrutent, je cours encore, ils crient : « regarder c’est le réalisateur nul dont parle Libé ». Les portes du métro s’ouvrent, Deneuve chante « Nous sommes deux sœurs jumelles » je saute sur le quai et commence à chuter longuement, longuement, longuement…

Je me réveille en sursaut…

Il me faut un moment pour comprendre où je suis ; petite chambre, une table et une chaise, TV timbre-poste au mur. Il fait jour.

Je regarde l’heure sur mon téléphone, un SMS laconique de Totoche :

 

« Chiffres premiers jours : 209 entrées pour 16 copies. Bonnes vacances. Totoche »

Soit une moyenne de 13 spectateurs par salle ; chronique d’un naufrage annoncé…

 

Je sais pas si c’est leur petit vin blanc qui tape dur ou si c’est l’armagnac du digestif, mais si le troupeau de bisons que j’ai dans la caboche voulait bien partir, je pourrais bosser un peu…

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1. Int.jour/Salle de restaurant :

 

J’entre dans la salle, un serveur me fait une courbette et m’invite à le suivre.

Une voix dans la salle

Regardez, c’est le grand Éric Javot

 

Les gens se lèvent et m’applaudissent tandis que je m’approche de ma table, je salue mes admirateurs avant de m’asseoir.

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Couper

 

En vraie personne ne m’a reconnu et c’est pas plus mal, Libé ne doit pas arriver ici…

Oh ma tête ! On a droit ici d’écouter de la musique aussi fort ?

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2. Int.jour/Salle de restaurant :

Alors que je déguste une truite au bleu, entre Lauren Bacall. Elle a l’air nerveux, agité. En diva, elle exige auprès de la serveuse qu’on lui prépare sa table.

Elle s’assoit juste en face de moi et me toise de son regard perçant. Intimidé, je plonge le nez dans ma truite.

 

Coupez

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Nan, mais je rêve, maintenant des Yodels suisses, je sais bien qu’on est dans le Jura, mais quand même…

C’est pas vrai, c’est quoi ce  délire, j’hallucine ! C’est la musique « d’un Suisse à Paris » !

Moi qui voulais être tranquille ! Je crois que j’ai un fan-club dans le coin !

Bon allez, je vais régler ça ! Une photo dédicacée et on en parle plus !

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XX. int.jour-nuit/couloir d’hôtel :

Une photo de moi à la main, je frappe à la porte 17. Au bout d’un instant, la porte s’ouvre.

Moi

Bonsoir, quel est le message avec la musique ?

 

Figée, Lauren Bacall me regarde…

 

Couper

On la garde

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