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Matteo Pict

Chambre 7

Plusieurs rencontres

La journée de lundi avait pourtant si bien commencé.

J’avais décidé de profiter du beau temps et de la petite plage au bord du lac. Au programme, lecture et bronzage, entre quelques longueurs dans l’eau. Apparemment, le climat était assez agréable puisque d’autres avaient décidé de profiter du plan d’eau. A un moment donné, en levant la tête de mon livre, j’ai vu une barque avancer. À son bord, Henri et Gaston ainsi que deux clients de l’auberge. Et assez de cannes à pêche pour vider le lac. Ils y sont restés une bonne partie de la matinée, s’amusant bien et pêchant beaucoup. Mais chacun à sa façon, si j’ai bien suivi. Je ne suis pas allé nager tant qu’ils étaient là, histoire de ne pas les gêner. Mais j’ai passé un agréable moment à les regarder.

Après le repas de midi, je suis revenu au bord du lac. Les pêcheurs étaient partis, j’ai donc pu à nouveau alterner entre la nage et la lecture, le tout au soleil.
À un moment, j’ai entendu une voix m’appeler par mon nom. Je me suis retourné. Une femme sortait du bosquet derrière la plage. Tunique et pantalon de lin vert, sans chaussures. Elle regardait dans ma direction. J’ai pointé mon doigt vers mon torse et elle a hoché la tête. Je me suis approché, la rejoignant sous le premier arbre. Elle avait de longs cheveux roux, attachés en arrière et des yeux marron clair, presque dorés.

“Monsieur Pict ?
- C’est moi.
- Je suis bien contente de vous rencontrer.
- Qui êtes vous ?
- Appelez moi Béatrice. Je suis une druidesse et j’habite dans la région.
- Une … druidesse ? C’est à dire ?
- Les druides et druidesses ont pour vocation de servir la Nature et l’équilibre du Monde.
- Et qu’est-ce que votre vocation a à voir avec moi ?
- Votre apparition dans la société, et celle de vos collègues Réparateurs, ont fait bouger les choses. Nous voulions rencontrer l’une ou l’un d’entre vous depuis un moment.
- Et maintenant ?”

Elle a haussé les épaules.

“Je ne sais pas vraiment. Vous n’êtes pas facile à cerner. Vous vous comportez tellement comme n’importe qui d’autre, de notre point de vue.
- Sans doute parce que je ne suis pas différent.
- Peut-être. Ou peut-être que vous cachez votre jeu.
- Vous commencez à me faire perdre patience. Qu’est-ce que vous voulez ?
- À la base, juste m’assurer que vous n’alliez pas détruire la nature. Nous vous avons senti arriver il y a quinze jours et vous nous avez inquiétés avec votre intervention sur la fille de l’aubergiste.
- Il vous en faut peu. Tout ça pour un pantalon déchiré.
- Nous avons été rassurés par vos activités calmes et respectueuses.
- Apparemment, ça fait un moment que vous m’observez. Les rumeurs d’hommes couverts de peaux de bêtes au fond des bois, c’était vous ?
- Ne soyez pas désobligeant. Vous aussi, vous êtes spécial.
- Oui, enfin, j’ai jamais dit que je surveillais l’équilibre du Monde, moi. Je suis juste un fonctionnaire qui rend service et je fais ma vie tranquille, sans emmerder qui que ce soit. Je passe pas mon temps à surveiller les gens et à venir leur faire des remarques !!
- Je ne vous pensais pas capable de vous mettre autant en colère. Pour quelqu’un en vacances, vous n’êtes pas vraiment relaxé.
- J’ai eu un bon professeur…
- Ah oui, Is-
- N’osez. Meme. Pas. Prononcer. Son. Nom. Vous ne lui arrivez pas à la cheville !!”

J’en avais les larmes aux yeux.

“Je vais vous laisser en paix, monsieur Pict.
- C’est ça. Partez. Et arrêter de me surveiller, que ce soit vous, vos hommes à peaux de bêtes, vos renards ou même votre … Snurk dont la moitié de l’auberge parle.
- Je ne vois pas ce que vous voulez dire. Adieu, monsieur Pict.”

Elle a disparu dans l’ombre des arbres. Fatigué et déboussolé, je me suis assis contre un tronc. Où je me suis réveillé plus tard. Je me suis demandé à ce moment là si j’avais vraiment vécu cette rencontre. Elle me semblait tellement réelle par mes souvenirs, mais aussi complètement folle par son contenu. Avais-je vraiment rencontré cette femme ? S’était-elle vraiment présenté comme une druidesse ? J’étais troublé. Heureusement, l’ambiance de l’auberge, toujours égale à elle-même, m’a permis de reprendre pied et de me sentir mieux. Surtout après le délicieux repas.


Mardi, dans l’après-midi, j’ai voulu préparer ma dernière randonnée avant de rentrer. J’allais quitter le salon pour me diriger vers la réception quand un gendarme en uniforme est entré. Il accompagnait un des résidents de l’auberge. La discussion semblait sérieuse, mais pas dramatique. Les deux interlocuteurs étaient souriants.

Dans le hall se trouvaient deux autres gendarmes, en uniforme aussi mais bien plus jeunes. L’un d’entre eux discutait avec une nouvelle arrivante à l’auberge, une jeune femme avec un fort accent du sud. Le gendarme qui tentait de lui répondre avait un peu le même accent. Au comptoir j’ai demandé à Mme Lalochère (la patronne) de me préparer un panier repas pour vendredi. À sa question, j’ai répondu que c’était effectivement le dernier itinéraire qu’il me restait et que je regrettais de ne pas avoir pu en faire plus. Le dernier gendarme s’est approché et, s’excusant de s’immiscer, a commencé à échanger avec moi au sujet des randonnées aux alentours.

“Je ne suis pas de service, vendredi. Acceptez vous que je vous accompagne ?”

Souriant, il me regardait dans les yeux.

“Euh, oui oui, bien sûr.
- Parfait, je vous rejoindrai ici vendredi matin !”

Son chef a traversé le hall à ce moment là et il l’a suivi sans plus rien dire. Mme Lalochère m’a sorti de mes pensées.

“Je ferai en sorte qu’on ajoute un second dessert à votre panier repas, monsieur Pict.”

Je l’ai remerciée en rougissant, avant de m’enfuir dans ma chambre.


Je vais arrêter de passer par la hall de l’auberge, je pense. Aujourd’hui, j’y ai encore rencontré quelqu’un de spécial. Je redescendais de ma chambre pour aller au salon quand une voix féminine s’est élevée.

“Jeune homme !”

J’ai regardé autour, il n’y avait que moi et une femme dans le hall et elle me regardait.

“Montez mes valises, je vous prie. Chambre 01.
- Mais … Je…
- Allons, pas de manières. Je dirai à votre patronne que c’est moi qui vous ai accaparé. L’automobile est juste devant. Chambre 01. Avant que l’orage éclate.”

Elle m’a tendu une clef de chambre et a monté l’escalier. Étant seul (et un peu inoccupé) à ce moment-là, je me suis dit qu’autant rendre service. J’ai déchargé les valises de la voiture et je les ai monté à l’étage. Sur place, la femme m’a remercié d’une parole et d’un billet. J’ai encore tenté de protester, mais elle n’a rien voulu savoir. Et comme j’ai pour habitude de ne jamais refuser d’argent… Elle m’a congédié, gentiment mais clairement. Je suis reparti à ma chambre où je suis resté cloîtré jusqu’à l’heure du repas.

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