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Lisa

serveuse

Le travail et le reste (surtout le reste)

Je sais, je sais, je t’avais promis monts et merveilles et je t’ai finalement à peine ouvert depuis que je suis arrivée. Mais tu vois, avec deux services au restaurant par jour, je suis un peu fatiguée. Du coup, pour l’instant, je n’ai pas vraiment réussi à écrire. Évidemment, Maman me l’avait dit et je ne l’ai pas tellement écoutée.

– C’est une très bonne idée d’aller travailler dans cette auberge ! Tu te feras un peu de sous et tu seras au vert.
– Oui, et puis la région est sympa, quand je ne serai pas au restaurant je pourrai me promener, écrire un peu…
– Ah, j’ai compris : tu y vas pour trouver l’inspiration. C’est vrai que le Jura, ça ressemble un peu à tes Monts à Hélices.
– Les Monts Taëlys, Maman ! C’est de là que viens Meya, quand même. Si tu ne suis pas, je ne te ferai plus rien lire.
– Pardon ma chérie. Bon, il faut quand même que tu saches que c’est un programme ambitieux et que tu risques de ne pas avoir le temps et l’énergie de faire tant de choses, après le travail…
– Pff, n’importe quoi !

N’importe quoi, bien sûr. Bon, avec tout ça il va encore falloir que je lui dise qu’elle avait raison. Je devrais voir dans cette clairvoyance maternelle la preuve qu’à force de m’aimer profondément depuis vingt ans, elle a acquis une connaissance fine et subtile de sa fille et qu’elle assume parfaitement le rôle qu’elle s’est donné de m’accompagner sur les chemins aventureux de la vie. Il y a certainement un peu de ça. Malgré tout, ça m’énerve qu’elle ait tout le temps raison et qu’elle puisse aussi souvent me dire qu’elle me l’avait bien dit. Les parents prévenants, cette plaie. Elle dit aussi que j’ai une légère tendance à la mauvaise foi mais je ne vois pas bien pourquoi.

Ceci étant dit, je ne regrette absolument pas ma décision. L’auberge est un bel endroit et ses habitants la rendent très sympathique. C’est d’ailleurs assez amusant de travailler au restaurant, ça permet d’observer tout un tas de gens sans qu’ils ne s’en rendent vraiment compte. Il y a les contents, il y a les tristes, il y a ceux qui ont l’air de transporter une histoire plus grande qu’eux dans leurs bagages. Il y a les timides, les qui restent un peu dans leur coin, et puis il y a ceux qui se rapprochent doucement et ceux qui sont déjà devenus amis (voire très amis) avec un certain nombre de résidents de l’auberge. Ça rend l’ambiance très conviviale, mais je dois dire que je les envie un peu. En tant que serveuse, tisser des liens avec les clients est plus difficile que ce que j’aurais cru. Il y en a quelques uns avec qui le contact est bien passé – comme ce cuisinier baroudeur qui avait l’air d’en connaître un rayon niveau gastronomie, et qui en a d’ailleurs fait la démonstration dimanche après-midi, ou cette Marseillaise qui posait plein de questions sur les plats, mais plutôt parce qu’elle semblait un peu perdue (pour sa défense, moi non plus je ne connaissais pas la pôchouse avant de venir ici) — mais à part ça… Évidemment, je n’ai pas été embauchée pour me faire des amis et je reste bien professionnelle et tout. C’est quand même un peu difficile, parfois, de devoir réfréner mes envies de bavardage. Heureusement que tu es là !

Bon, tout ça n’est pas grave et il faut aussi que je me laisse le temps d’arriver. Entre mes collègues et les dix repas que je vais servir cette semaine, je devrais bien trouver des occasions de papoter.

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