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Brigitte Audiber

Chambre 10

Le homard

Je suis un fusible.

Une prise multiple ou un coupe-circuit ou au contraire ce qui permet de se brancher.

Ce qui permet à deux appareils différents en apparence de se reconnecter à l’électricité, un transformateur d’énergie qui permet de faire passer le courant, mais qui n’est pas le courant moi-même.

Le cordon ce n’est pas moi.

Je ne suis que le robinet.

Pas l’eau qui coule au travers de moi.

Mais si je ne suis pas solide ou si je m’érode ce qui passe au travers devient corrompu et saute.

Chacun sa mission sur terre.

Chacun son rôle dans le Grand Plan.

La chrysalide est ce qui enveloppe, c’est l’enveloppe elle-même pas ce qui est contenu et en devenir.

Je suis dans un état intermédiaire.

Comme l’enfant l’est entre adolescence et adulte.

A cinquante ans ce retour en arrière a eu lieu parce qu’il n’avait pas eu lieu à mes quinze ans, ou bien il avait eu lieu de façon corrompue et c’est le recommencement. 

 

Je suis comme le homard quand il a grandi dans sa carapace en dur, cet exosquelette qui ne grandit pas et rend l’espace si exigu et douloureux : vient le moment où je dois m’en débarrasser, me laissant à nu, et je suis la proie possible de n’importe quel prédateur si je n’allais m’abriter derrière une roche pour le temps de la mue. 


Je suis contente de voir que la jeune femme que j’ai consolée le premier soir de notre séjour ici a retrouvé la pêche. J’avais bien vu qu’elle resplendissait à l’intérieur et ça y est, ça commence à se voir, elle, brille de nouveau comme l’étoile qu’elle est et le courant a passé. 

Ne pas l’oublier. Ça marche. 


Rappeler à Gérard de recharger les batteries vite fait. 

Rappeler Docteur Sasson pour lui dire que ça va aller finalement et annuler le rdv.

Rappeler maman pour lui dire qu’on ne viendra pour le premier anniversaire uniquement que si elle le veut absolument.

Rappeler à Christelle et Virginie au cas où elles auraient oublié.

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